Le 6 septembre 2024, le tribunal de première instance du Hainaut a rendu une décision marquante en matière fiscale, s’écartant ouvertement de la doctrine Antigone.
Ce jugement qui annule des impositions fondées sur des preuves obtenues illégalement, questionne la compatibilité de cette jurisprudence avec les principes de légalité et de respect des droits fondamentaux.
Il relance également le débat sur l’utilisation de preuves illicites par l’administration fiscale.
Depuis son introduction en droit pénal en 2003, la jurisprudence Antigone s’est étendue au droit fiscal. Cette doctrine permet d’utiliser des preuves obtenues illégalement, sauf si l’irrégularité viole une nullité prévue par la loi, bafoue gravement les principes de bonne administration ou porte atteinte au droit au procès équitable.
Dans cette affaire, le tribunal a estimé que l’utilisation de telles preuves par l’administration fiscale, même encadrée, restait incompatible avec le principe de légalité de l’impôt et les droits constitutionnels des contribuables.
En l’espèce, le litige portait sur des cotisations établies à partir de preuves issues d’un dossier pénal. Ces preuves avaient été obtenues sans autorisation préalable du procureur général, en violation de l’article 327 du code des impôts sur les revenus. Bien que l’autorisation ait été obtenue ultérieurement, le tribunal a jugé que cette irrégularité initiale ne pouvait être régularisée.
Le tribunal a jugé, à bon droit, que l’administration fiscale a enfreint des règles légales fondamentales. Il a estimé que le principe de légalité de l’impôt prévu à l’article 170 de la Constitution a été violé. En admettant une preuve illicite, le juge contourne les règles légales relatives à l’établissement de l’impôt. Cela rend la détermination de l’impôt dépendante de l’appréciation judiciaire, plutôt que de la loi.
La décision du tribunal de première instance du Hainaut marque un pas important dans la contestation de la doctrine Antigone en matière fiscale.
En outre, l’utilisation de preuves obtenues en violation de la vie privée, du domicile ou des correspondances est contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ces protections doivent s’appliquer pleinement en matière fiscale.
Cette décision s’inscrit dans une tendance amorcée par le tribunal de première instance de Namur en 2021, qui avait déjà rejeté la doctrine Antigone pour des motifs similaires. La position du tribunal du Hainaut renforce ainsi une opposition croissante à une jurisprudence perçue comme une atteinte à la sécurité juridique et aux droits des contribuables.
La décision du tribunal de première instance du Hainaut marque un pas important dans la contestation de la doctrine Antigone en matière fiscale. En défendant un strict respect des principes de légalité et de protection des droits fondamentaux, elle appelle à une réflexion approfondie sur les limites des pouvoirs d’enquête de l’Administration fiscale.
Alors que le débat se poursuit, cette décision pourrait influencer durablement la jurisprudence et les pratiques en matière de preuve fiscale.
Une chose est sûre : le débat autour de la doctrine Antigone est loin d’être clos.