"​Sans résoudre ses contradictions, cette Commission européenne sera la dernière."

Près de 25 ans après l’introduction de l’euro, l’Union européenne doit désormais faire les choix les plus graves de sa courte histoire et s’extraire de ses plus intimes contradictions.

L’Europe n’est pas une entité homogène : c’est une fédération de groupes d’États-nations, dont certains ont quitté l’union, comme le Royaume-Uni, tandis que d’autres cherchent à s’en distancier, comme les pays du groupe de Visegrád. C’est un continent vieillissant, pourtant réticent à l’immigration.

C’est un continent qui a abordé les 50 dernières années comme une prolongation de l’époque coloniale L’Europe s’est ainsi désindustrialisée, en déplaçant ses capacités de production à l’Est, puis en Asie, pour tirer profit d’un coût du travail réduit, sans comprendre que cette réalité finirait par l’appauvrir. C’est un continent dépourvu de ressources énergétiques autonomes, mais qui a investi insuffisamment dans l’énergie nucléaire.

C’est un continent qui a cru pouvoir se passer d’une défense autonome sans prendre la mesure du reflux inéluctable des États-Unis vers un isolationnisme croissant.

C’est un continent qui a voulu copier le modèle américain d’une monnaie unique, l’euro, d’essence libérale, car fondée sur la mobilité du travail, alors que celle-ci est freinée par les États-providence. C’est donc un continent dont la monnaie est et restera suboptimales.

C’est aussi un continent dont la monnaie porte en elle une contradiction fondamentale : elle exige un désendettement structurel des États membres, conformément à la vision allemande qui associe dette et péché (les deux se traduisant par le même mot, schuld), alors que l’État-providence entraîne une explosion des dépenses sociales en raison du vieillissement de la population.

C’est pour cette raison que les investissements publics, si souvent décriés par les partisans de l’économie de marché, ont été négligés.

C’est un continent qui a délaissé l’investissement, et dont la désindustrialisation du secteur privé, combinée au reflux des investissements publics, tant critiqués au nom du libre marché, a conduit Draghi à préconiser des investissements de l’ordre de 800 milliards d’euros sur 10 ans, soit un total de 50 % du PIB.

Ce montant ne peut être financé que par la dette publique et son rachat par la BCE, ce qui s’oppose aux exigences de désendettement des États

Rien, évidemment, ne sera résolu. Et l’élection plausible de Donald Trump ne fera qu’amplifier ces contradictions.

Ce qu’il faudrait, c’est admettre que le modèle d’État social apporte l’apaisement sociétal, et relâcher les contraintes de désendettement pour répondre aux besoins d’investissement public, ainsi qu’aux exigences du modèle social, par un assouplissement monétaire digne de ce que les États-Unis feront probablement sous une présidence Trump.

Le prix à payer serait certes une inflation, mais elle sera probablement généralisée.

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