Exonérations et réductions des cotisations de sécurité sociale patronales pour les premiers engagements : la vigilance est de mise !

Pour rappel

Dans un objectif de création d’emploi, la loi-programme du 24 décembre 2002 prévoit depuis plus de 20 ans une réduction groupe-cible des cotisations de sécurité sociale patronales pour les premiers travailleurs d’un employeur du secteur privé.

Depuis son entrée en vigueur, les réductions des cotisations patronales ONSS pour les premiers engagements ont fait l’objet de modifications successives. Depuis le 1er janvier 2024, elles ne sont plus accordées que pour les trois premiers travailleurs et sont limitées à 3.100 € par trimestre pour le premier travailleur (elle reste illimitée dans le temps pour celui-ci).

1er travailleur

3.100 € /trim. à vie (illimité dans le temps) (1)

2ème travailleur

(5 trim. X 1.550 €) + (4 trim. X 1.050 €) + (4 trim. X 450 €) (2)

3ème travailleur

(9 trim. X 1.050 €) + (4 trim. X 450 €) (2)

(1) Concrètement, cela revient à une exonération totale si la rémunération mensuelle du 1er travailleur n’excède pas +/- 4.130 € bruts par mois.

(2) La réduction du 2ème et 3ème travailleur étant comprise dans une période de 20 trimestres maximum.

Seul un « nouvel employeur » a droit à la réduction « premiers engagements ». Une entité juridique sera considérée comme un « nouvel employeur », si, lors de l’engagement de son 1er travailleur, elle n’a jamais occupé ou plus occupé depuis au moins 12 mois consécutifs du personnel déclaré à l’ONSS, si pour le deuxième travailleur, elle n’a pas eu plus de 1er travailleur déclaré pendant cette période et pour le 3ème, pas plus de 2 travailleurs déclarés.

Il ne suffit cependant pas pour l’entité juridique d’être nouvel employeur pour bénéficier de la mesure, car son droit à la réduction premiers engagements est impacté si elle appartient à une UTE simultanée ou historique.

Il est question d’UTE , lorsqu’il existe entre deux ou plusieurs entités juridiques (i) un lien social, qui se traduit par le fait d’avoir au moins une personne en commun (indépendamment de sa fonction) et (ii) une interdépendance socio-économique, se traduisant par des activités de même nature ou complémentaires ou encore par la proximité des bâtiments ou l’utilisation du même matériel d’entreprise, la même clientèle, une organisation administrative et gestion de personnel commune...

Il est question d’ une UTE simultanée s’il s’agit d’entités juridiques qui existent simultanément ( Ex : une entreprise et sa /ses filiales) ou historique si les entités juridiques se succèdent au cours des 12 derniers mois (Ex : cession d’un fonds de commerce ou subdivision d’une entreprise).

Concrètement, lors de l’engagement d’un 1er travailleur, l’entité juridique - nouvel employeur ne peut pas faire partie d'une UTE simultanée où un travailleur est déjà en service ni d'une UTE historique où à la date de l'entrée en service du 1er travailleur, un ou plusieurs travailleurs qui sont des remplaçants entrent également en service et que donc le nombre de travailleurs diminue chez l’autre employeur (par ex. en cas de reprise de travailleurs). Lors de l’engagement du nième (2ème ou 3ème)travailleur, l’entité juridique- nouvel employeur ne peut pas faire partie d'une UTE simultanée où ‘n’ travailleurs sont déjà en service.

La réduction premiers engagements ne s’applique pas non plus à un nouveau travailleur qui remplace un travailleur qui était occupé dans la même UTE, avec une exception, à savoir le cas du remplacement d’un travailleur au cours d’un même trimestre, la même réduction peut être appliquée au remplaçant à condition que leurs occupations ne se chevauchent pas.

Etat de la situation

Pourquoi ce rappel des mesures mises en place depuis le 1er janvier 2024 ?

Parce que la situation sur le terrain et un examen de la jurisprudence montrent qu’il y a lieu d’être très vigilant lorsque l’on demande à pouvoir bénéficier de l’exonération et des réductions pour les premiers engagements, lorsque l’employeur fait partie d’une UTE.

La pratique montre en effet que la réduction est facilement obtenue, mais qu’il arrive fréquemment que l’ONSS décide a posteriori de retirer le bénéfice de la mesure, et ce parfois plusieurs années plus tard et avec effet rétroactif, sans compter les majorations et intérêts de retard.

Concrètement, c’est l’employeur qui prend la décision de solliciter le bénéfice des réductions pour les premiers engagements, lorsqu’il estime qu’il remplit les conditions légales pour en bénéficier, via la DmfA . La demande est certes soumise à un premier examen, et le bénéfice de la mesure ne sera pas accordé s’il est manifeste qu’il ne s’agit pas d’un nouvel employeur au sens de la loi, mais est généralement suivie d’un contrôle ultérieur plus approfondi.

Le problème, c’est que les résultats de ces contrôles ne parviennent souvent à l’employeur que des années plus tard, alors que l’employeur bénéficie depuis tout ce temps de l’exonération et des réductions de cotisations, ce qui entraine évidemment des coûts importants non prévus, puisqu’il s’agira dans ce cas de devoir payer tous les arriérés de cotisations de sécurité sociale, avec majorations et intérêts de retard.

Sachant que le délai de prescription pour l’ONSS est de trois ans à compter de l’exigibilité des cotisations dues[2] (pouvant être porté à dix ans en cas de manoeuvres frauduleuses ou déclarations fausses ou sciemment incomplètes), les arriérés peuvent chiffrer.

En cas de contestation suivi d’un litige, la charge de la preuve initiale incombe à l’employeur.

Concrètement, c’est lui qui devra en un premier temps démontrer qu’il est un « nouvel employeur » au sens de la loi, tandis qu’il appartient à l’ONSS de démontrer les conditions d’application de l’exclusion, telles que par exemple l’appartenance de l’entité juridique-nouvel employeur à une UTE simultanée au sein de laquelle un travailleur est déjà en service ou à une UTE historique au sein de laquelle à la date de l'entrée en service du 1er travailleur, un ou plusieurs travailleurs qui sont des remplaçants entrent également en service et que donc le nombre de travailleurs diminue chez l’autre employeur (par ex. en cas de reprise de travailleurs)..

L’ONSS, suivi en cette prise de position par les juridictions du travail donnent une portée large à la notion d’UTE dans le contexte des réductions de cotisations patronales pour les premiers engagements (>< notion d’UTE dans les législations en matière d’élections sociales).

Cette interprétation concorde avec l’objectif de la loi qui est de soutenir la création d’emplois supplémentaires, l’’intention du législateur étant d’éviter qu’il suffise, pour bénéficier de la réduction des cotisations patronales, d’une modification juridique de l’employeur sans création réelle d’emploi.

Pratiquement, l’ONSS vérifiera sur le terrain, sur la base des données disponibles à la BCE et sur la base des informations en sa possession via les DmfA, si le nouvel employeur qui demande à bénéficier d’une exonération ou de réductions est ou non lié à d’autres entreprises. Dans la positive, il sera vérifié si ces entreprises liées ont une personne en commun, que ce soit un actionnaire, un administrateur ou un travailleur salarié. Si c’est le cas, l’existence d’un lien social entre ces sociétés est démontré. Ensuite, sur la base des codes NACE-BEL, l’ONSS vérifiera si les entreprises ainsi liées ont des activités de même nature ou complémentaires, ou encore s’ils ont la même adresse de siège social ou ont des sièges proches… Dans ce cas, l’interdépendance socio-économique sera également démontrée. Il s’agira donc d’une UTE au sens de la loi.

Une fois ces données établies, il s’agira pour l’ONSS, en dernière étape, de vérifier si des travailleurs sont déjà en service des entreprises liées à celle qui demande, par exemple, à bénéficier de l’exonération pour un premier travailleur. Si c’est le cas, le bénéfice, dont la société bénéficie souvent déjà depuis parfois plusieurs années, sera supprimé avec effet rétroactif.

À ce sujet, il y a encore lieu de souligner que la jurisprudence fait primer le principe de la légalité sur le principe de confiance légitime et de bonne administration dans le chef des employeurs. Certains ont en effet tenté d’invoquer le non-respect par l’ONSS du principe de confiance légitime, en vertu duquel l’administré doit pouvoir se fier à ce qui ne peut être raisonnablement considéré par lui comme une pratique constante de l’autorité. Les cours et tribunaux considèrent cependant que, si la décision de l’ONSS est conforme aux dispositions légales, celle-ci ne peut être annulée, sans prendre en compte le manquement par l’ONSS à son obligation de se conformer au principe de confiance légitime.

Notre conseil

Si votre entreprise fait partie d’une UTE simultanée ou historique au sens de la loi, assurez-vous au préalable, avant de solliciter le bénéfice de l’exonération et /ou des réductions pour les premiers engagements, que vous remplissez les conditions pour en bénéficier !

A défaut, vous prenez le risque d’être confronté à un retrait ultérieur du bénéfice de la mesure, avec effet rétroactif pouvant aller jusqu’à 3 ans (ou 10 en cas de fraude).

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