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Ce que nous apprend l’analyse des usages de l’IA: un miroir fidèle du futur des métiers du chiffre?

Dans un monde professionnel en pleine mutation, où l’intelligence artificielle générative (IAg) devient omniprésente, comprendre ses usages réels est essentiel pour anticiper les transformations à venir. Une étude inédite (jointe ci-dessous), menée sur 200.000 conversations anonymisées entre utilisateurs américains et Microsoft Copilot, l’assistant IA de Bing, propose un éclairage passionnant sur les activités de travail les plus impactées par l’IA. Ce panorama – empirique, rigoureux et massif – est riche d’enseignements pour les professions du chiffre, à commencer par les experts-comptables et conseillers fiscaux.


Quelles sont les activités les plus fréquemment assistées par l’IA ?

L’étude révèle que les activités les plus souvent initiées par les utilisateurs tournent autour de trois grands axes :

  • Recherche d’information (e.g. “gathering information”, “maintain knowledge”)
  • Rédaction et révision de documents (e.g. “write material”, “edit written materials”)
  • Communication ou transmission de connaissances (e.g. “explain procedures”, “present research”)

Or, ce triptyque est au cœur du métier d’expert-comptable: veille technique, rédaction de notes ou d’avis, et vulgarisation auprès des clients. L’IA devient donc un partenaire logique pour certaines tâches, à condition d’en comprendre les limites.


Quelle est la véritable contribution de l’IA dans ces interactions ?

L’un des apports majeurs de l’étude est la distinction entre:

  • le but de l’utilisateur (user goal) – ce que la personne cherche à faire avec l’IA, et
  • l’action réalisée par l’IA (AI action) – ce que l’IA effectue effectivement .

Dans 40% des cas, ces deux dimensions sont totalement disjointes. Par exemple, lorsqu’un utilisateur cherche à “rechercher une législation applicable”, l’IA se contente souvent de “fournir des informations” ou de “présenter des contenus existants”, sans véritablement accomplir la tâche initiale dans son ensemble.

Cette asymétrie souligne une réalité importante pour notre profession : l’IA assiste plus qu’elle n’automatise. Elle joue un rôle de coach, de rédacteur ou d’assistant documentaire, mais pas d’expert de substitution.


Quelle est l’applicabilité de l’IA selon les métiers?

L’étude attribue un score d’“applicabilité de l’IA” à chaque profession, combinant trois éléments :

  1. La fréquence d’usage de l’IA pour les activités du métier,
  2. Le taux de réussite de ces activités (mesuré par les “thumbs up” ou l’achèvement de la tâche),
  3. L’étendue de l’impact de l’IA sur chaque activité (de minime à complet).

Les métiers les plus exposés sont les suivants:

  • Ventes et marketing
  • Professions administratives
  • Professions informatiques et mathématiques
  • Services financiers et conseils
  • Enseignement et formation

Les experts-comptables, à cheval entre la gestion documentaire, le conseil, l’analyse et la communication client, se retrouvent clairement concernés.


Quels enseignements pour les experts-comptables?

  1. La valeur se déplace : Les tâches de recherche, de rédaction et de structuration de l’information peuvent être externalisées (en partie) à l’IA. La valeur du professionnel résidera donc plus que jamais dans l’interprétation, le jugement et la personnalisation du conseil.
  2. L’IA augmente la productivité, mais pas l’autonomie : Un assistant IA améliore l’efficacité, mais il ne remplace pas les compétences techniques et déontologiques nécessaires pour assumer une responsabilité professionnelle.
  3. L’interaction homme-machine est le cœur du nouveau métier : La capacité à formuler correctement une demande à l’IA, à évaluer la pertinence des résultats, et à reformuler ou vérifier l’information devient une compétence-clé.


Et en Belgique ?

Même si les données sont américaines, elles éclairent indirectement notre contexte :

  • Les tâches d’un expert-comptable belge sont très similaires à celles observées dans l’étude.
  • L’étude ne mesure pas les obligations réglementaires, mais on peut raisonnablement anticiper que la partie conseil, rédaction, et assistance à la décision continuera à croître.
  • L’enjeu majeur sera de s’assurer que la qualité du service rendu ne se dégrade pas dans l’illusion d’une “automatisation réussie” produite par l’IA.


Un nouvel équilibre homme-IA à construire

Cette étude ne se contente pas de confirmer l’intuition selon laquelle l’IA transforme les métiers : elle en quantifie la portée, différencie les types d’activités, et appelle à une spécialisation accrue du professionnel. Pour les membres de l’OECCBB, le message est clair:

La compétence humaine reste irremplaçable, mais elle doit être réarticulée autour d’un usage éclairé de l’IA.

Comme le rappelle souvent l’Ordre, “notre valeur ne réside pas dans l’automatisation, mais dans l’interprétation”.

C’est dans cet esprit que l’Ordre a lancé son initiative stratégique en intelligence artificielle, destinée à accompagner concrètement la transformation numérique de la profession. Elle vise à donner à chaque expert-comptable et conseiller fiscal les clés pour s’approprier les outils IA, en comprendre les usages réels, et bâtir progressivement une trajectoire d’intégration adaptée à la réalité du terrain.

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