
Belgique, FMI et réalité budgétaire : ce que disent les conclusions 2026 de la mission « article IV » — et ce que cela change pour les entreprises
Chapô. Dans ses conclusions préliminaires à l’issue de la mission « article IV » 2026, le FMI salue la résilience de l’économie belge… tout en pointant un nœud central : un déficit structurel élevé et une dette publique orientée à la hausse. Derrière ces constats, il y a des conséquences très concrètes pour la fiscalité, le financement, la politique salariale et la trajectoire de réformes. Lecture guidée, avec un exemple et un tableau de synthèse.
Le message du FMI est équilibré : oui, la Belgique a « bien résisté aux turbulences », mais elle reste vulnérable par l’ampleur de ses déséquilibres budgétaires et une position extérieure fragile. Dans un contexte de tensions géopolitiques et commerciales, le FMI invite à « reconstituer des marges » : pour absorber le vieillissement, la transition écologique, la défense… et préserver ce qui fait la solidité du modèle social belge. Cette priorité passe, selon le FMI, par une consolidation budgétaire plus ambitieuse que ce qui est actuellement envisagé, et par une mise en œuvre résolue des réformes déjà lancées.¹
L’« article IV » renvoie aux consultations régulières du FMI avec ses pays membres : une mission analyse la situation macroéconomique, budgétaire et financière, échange avec les autorités et publie une déclaration de conclusions (préliminaire), avant un rapport plus complet. Autrement dit : ce n’est pas un « jugement », mais un cadre de surveillance et de recommandations, qui pèse souvent dans la perception des marchés et des institutions européennes.²
Le FMI pointe surtout trois fragilités liées entre elles :
L’idée clé est simple : quand la dette monte et que les marges sont faibles, chaque crise (énergie, taux, commerce international) coûte plus cher et se gère plus douloureusement.
Le FMI décrit une croissance freinée par l’affaiblissement de la demande extérieure et l’incertitude, en mentionnant aussi l’impact négatif de la hausse des droits de douane américains sur 2026–2027. Il anticipe un retour vers un potentiel d’environ 1,3 % à moyen terme, porté surtout par la consommation et l’investissement privés. Sur l’inflation, il prévoit un retour sous 2 % en 2026 grâce à la baisse des coûts de l’énergie et au ralentissement salarial, avant convergence.¹
Ce que cela signifie en pratique : la Belgique n’est pas en récession dans ce scénario, mais elle avance avec un « sac à dos » budgétaire lourd et un environnement externe moins porteur.
Le FMI salue le plan budgétaire dans le cadre de gouvernance européenne, ainsi que l’accord sur le budget fédéral 2026, mais considère que l’ensemble ne réduira pas assez le déficit pour inverser la dynamique de dette.¹
Il relève notamment :
Le FMI insiste aussi sur un point politiquement sensible : régions et communautés doivent contribuer à des trajectoires pluriannuelles crédibles.¹
Le FMI donne une direction très opérationnelle : agir à la fois sur la dépense et sur la structure des recettes.
Sur les dépenses, il appelle à réduire les dépenses courantes et à améliorer l’efficacité des dépenses sociales et des investissements publics. Il cite explicitement la santé (prévention, médicaments, hôpitaux), la planification des investissements entre niveaux de pouvoir et l’éducation (meilleur alignement sur le marché du travail, suivi par résultats).¹
Sur les recettes, il commente plusieurs mesures de l’accord 2026 (accises carburants et vols, modifications TVA, taxe colis, taxe bancaire, report d’allègements de l’impôt sur le travail). Il soutient aussi l’idée d’un déplacement de charge du travail vers d’autres bases et juge « bienvenue » l’instauration prévue d’une taxe de 10 % sur les plus-values financières, tout en suggérant qu’un seuil d’exonération élevé pourrait être abaissé pour renforcer rendement et équité.¹
Enfin, il pointe un gisement majeur : les dépenses fiscales, évaluées à plus de 6 % du PIB (2021) et à environ 38 milliards d’euros (équivalent 2025), à rationaliser en supprimant les dispositifs inefficaces ou devenus non prioritaires.¹
Pour les experts-comptables et conseillers fiscaux, le sous-texte est limpide : une phase de réformes et d’arbitrages budgétaires s’ouvre, où la robustesse des dossiers (justifications, documentation, choix de structuration) redevient centrale.
Le FMI juge les risques systémiques « modérés », mais évolutifs. Il note la solidité du crédit et des NPL limités, tout en relevant des vulnérabilités d’entreprises en cas de ralentissement (coûts salariaux) et une surévaluation persistante du résidentiel, même si le risque de correction forte s’est atténué.¹
Côté régulation, il relève que la BNB a relevé le coussin contracyclique (CCyB) de 1 % à 1,25 % à partir de juillet 2026, a supprimé le coussin sectoriel hypothécaire, et pourrait devoir réaugmenter le CCyB si les risques ne diminuent pas.¹
Pour les entreprises, cela renvoie à une conséquence concrète : la normalisation prudentielle peut influencer, à la marge, le coût et l’accès au crédit.
Imaginez une PME belge dans le commerce B2B, avec marge sous pression et investissements prévus (IT, flotte, efficacité énergétique). Le diagnostic FMI incite à trois réflexes très « terrain » :
Ce n’est pas de la théorie : c’est exactement le type d’anticipation que la profession peut transformer en valeur ajoutée pour les dirigeants.
Axe | Ce que souligne le FMI | Pourquoi c’est important en Belgique | Impact concret pour les entreprises / la profession |
Finances publiques | Déficit structurel élevé, dette en hausse ; effort insuffisant sans mesures additionnelles | Moins de marges de manœuvre, risque de mesures plus « abruptes » si choc | Plus de vigilance sur fiscalité, subsides, contrôles, justification des options |
Recettes | Accises, TVA, taxe colis, taxe bancaire ; taxe plus-values 10 % « bienvenue » mais seuil peut être discuté | Déplacement de charge et recherche de rendement budgétaire | Besoin d’anticiper la fiscalité des décisions patrimoniales et d’investissement |
Dépenses fiscales | Plus de 6 % du PIB ; rationalisation recommandée | Réservoir budgétaire potentiellement ciblé | Audit des dispositifs utilisés par clients ; sécurisation et alternatives |
Réformes structurelles | Retraites, santé, marché du travail : saluées mais à poursuivre | Vieillissement et soutenabilité du modèle social | Accompagnement RH, projections coûts, conformité et reporting |
Stabilité financière | Risques modérés ; CCyB à 1,25 % dès juillet 2026 ; prudence sur immobilier | Crédit et immobilier restent des canaux de transmission de chocs | Gestion du risque, dialogue bancaire, solidité des plans financiers |
Pour transformer ce diagnostic macro en actions utiles, on peut structurer l’accompagnement autour de quelques priorités très concrètes :
Les conclusions 2026 du FMI ne disent pas que la Belgique va mal ; elles disent qu’elle tient, mais avec une vulnérabilité devenue structurelle : déficit, dette, marges limitées. Dans un monde où les chocs sont plus fréquents (commerce, énergie, géopolitique), l’enjeu est de consolider sans casser la croissance — et de mener les réformes avec constance. Pour la profession, c’est un terrain d’utilité : aider les entreprises et les ménages à anticiper, documenter et décider dans un cadre qui se resserre.
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