​La guerre est-elle à nos frontières ?

Depuis le retrait américain de l’assistance militaire, logistique et de renseignement à l’Ukraine, on entend dire que la guerre est à nos frontières. C’est inexact : rien n’a fondamentalement changé dans le conflit russo-ukrainien, sinon qu’il était plus facile d’en parler quand il était sous contrôle américain. Les discours ont évolué, pas la guerre elle-même, même si la doxa politique affirme désormais que la Russie ne se contentera pas de 20 % du territoire ukrainien, mais envahira la Moldavie, les trois États baltes, voire la Pologne, pour tester les accords liés à l’OTAN.

Mais sommes-nous certains de ce scénario, alors que la Russie, une des armées les plus puissantes au monde, n’a réalisé qu’une percée limitée en Ukraine ? Je ne me trompe pas sur l’agresseur ni ne minimise les souffrances ukrainiennes, bien que nul ne puisse prétendre les comprendre sans avoir connu les tranchées.

Et puis, lorsqu’on dit que cette guerre oppose deux camps — la Russie utilisant des drones iraniens et des soldats nord-coréens —, n’est-ce pas un miroir de l’OTAN ?

Et quelle étrange guerre, à l’ère de la technologie ! Aurions-nous imaginé que 2025 serait le théâtre d’une guerre de tranchées digne du Chemin des Dames ? Quelle sera la guerre de demain ? Technologique ? Cybernétique ? Spatiale ?

Ces questions me taraudent. Il ne faut pas être le pacifiste naïf de 1938. Et je suis un patriote officier de réserve, certes honoraire, de l'armée belge.

Mais il faut prendre garde à être, peut-être, le jouet d’une immense ambiguïté, comme celle orchestrée il y a trois ans par des responsables européens clamant qu’« on » (qui était le « on », au juste ?) se battrait jusqu’à la victoire finale. Ce qui me désole, c’est que si les Américains et les Russes parviennent à négocier une paix — injuste, mal signée, certes —, pourquoi l’Europe ne contribue-t-elle pas à ce projet, alors que sa défense autonome reste largement hypothétique ? A nouveau, il ne faut pas un mauvais Traité de Versailles, mais une paix consentie et sage.

Dans Voyage au bout de la nuit, Céline ouvre son roman sur l’élan naïf de Bardamu, qui s’exclame :

« Mais voilà-t-il pas que juste devant le café où nous étions attablés, un régiment se met à passer, avec le colonel en tête sur son cheval, l’air gentil et richement gaillard ! Moi, je ne fis qu’un bond d’enthousiasme. “On verra bien, eh navet !” que j’ai encore eu le temps de lui crier avant qu’on tourne la rue avec le régiment derrière le colonel et sa musique. Ça s’est fait ainsi. J’allais m’en aller. Trop tard ! Ils avaient refermé la porte en douce derrière nous, les civils. On était faits comme des rats. »

À méditer dans ce printemps naissant.

Avec une immense tristesse de voir des hommes s’entretuer, dans de nombreux conflits, et remplir les tombereaux de l’histoire. Pour le plus, grand malheur.

Il est important d’animer un large débat démocratique.

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