Alors que la mobilité internationale et l’expatriation sont de plus en plus simples et fréquents, il peut parfois s’avérer particulièrement complexe de déterminer la résidence fiscale d’un contribuable.
A ce sujet, le Service des Décisions Anticipées (« SDA ») a rendu une décision1particulièrement intéressante concernant l’appréciation de la résidence fiscale de deux époux.
Notion de résidence fiscale
En Belgique, pour qu’un individu soit imposable à l’impôt des personnes physiques, celui-ci doit pouvoir être considéré comme un « habitant du Royaume ».
Le Code des impôts sur les revenus indique que la notion d’habitant du Royaume recouvre la personne qui a en Belgique son domicile ou à défaut le siège de sa fortune.
La notion de domicile fiscal est indépendante du domicile en sens civil du terme ou de la nationalité et doit être appréciée dans les faits.
Au sens fiscal, le domicile fait référence au lieu où une personne réside de manière continue et effective, c’est-à-dire le lieu où se trouve le centre de ses intérêts vitaux et familiaux.
Pour faciliter l’examen de cette notion éminemment factuelle, le législateur a prévu deux présomptions.
La première présomption renseigne que la personne qui est inscrite au registre national des personnes physiques est présumée, sauf preuve contraire, être un habitant du Royaume.
La seconde présomption, concerne les personnes mariées et renseigne que le domicile fiscal se situe (sauf pour certaines situations particulières) à l'endroit où est établi leur « ménage », c’est-à-dire le siège du foyer familial. Cette présomption ne supporte pas la preuve contraire sauf application d'une convention préventive de la double imposition.
La qualité d'habitant ou de non-habitant du Royaume des deux époux s’apprécie généralement de manière globale et commune entre ces derniers. Dès lors, les conjoints sont en principe considérés comme tous les deux habitants ou alors tous les deux non-habitants du Royaume.
Lorsque, dans les faits, le domicile fiscal d’une personne ne se situe pas en Belgique, celle-ci peut néanmoins être considérée comme un habitant du Royaume si le siège de sa fortune s’y trouve.
Le siège de la fortune s’entend comme l’endroit, caractérisé par une certaine unité, à partir duquel le propriétaire de la fortune la gère ou en contrôle la gestion. Il doit être précisé que le lieu où se situe les biens en tant que tels qui composent la fortune n’est pas pertinent.
Précisons encore que les notions de domicile fiscal et de siège de la fortune constituent deux critères alternatifs et indépendants l’un de l’autre permettant d'établir la qualité d'habitant du Royaume.
Ruling du service des décisions anticipées
La situation soumise à l’avis du SDA concernait deux époux mariés sous le régime de la séparation des biens, partis vivre en France avec leurs enfants pour les besoins professionnels du mari, ce qui emporta comme conséquence une profonde modification de l’organisation familiale.
A la suite de ce déménagement, la famille vit de manière effective en France, ce qui a conduit le SDA à considérer que le critère du « domicile fiscal », lu à la lumière du concept d'unité familiale propre au droit belge, ne permet plus de désigner la Belgique comme pays de résidence fiscale du couple.
De manière subsidiaire, le SDA s’est alors adonné à l’analyse du critère relatif au « siège de la fortune », lequel est, contrairement au critère précédent, applicable isolément à chacun des époux mariés en séparation de biens.
Le SDA est arrivé à la conclusion que le siège de la fortune de l’épouse est maintenu en Belgique, compte tenu notamment du fait que celle-ci dispose d’un patrimoine relativement important, détenu essentiellement par l’intermédiaire de sociétés belges, dont elle est administratrice, ce qui nécessite qu’elle se rende fréquemment en Belgique.
En outre, le SDA fait état d’éléments qui ne semblent pas directement liés à la détermination du siège de la fortune, tels la nationalité belge de l’épouse, le maintien d’une demeure en Belgique ou encore que celle-ci conservera des attaches personnelles, privées et familiales sur le territoire belge.
Enfin, le SDA va puiser un argument supplémentaire dans la convention préventive de double imposition conclue entre la Belgique et la France, en ce que celle-ci n'accorde aucune importance au « mariage » pour la détermination de la résidence, mais renvoie aux critères de foyer permanent d'habitation, de centre des intérêts vitaux, de séjour habituel et enfin, de nationalité.
Au terme de son analyse, le SDA confirme que le domicile fiscal des époux n’est pas situé en Belgique, mais en revanche que le siège de la fortune de l’épouse est localisé en Belgique et partant qu’elle doit être considérée comme résidente fiscale belge, contrairement à son époux.
Ceci invite à la prudence lors de la détermination de la résidence fiscale puisque, même en cas de départ réel et effectif du territoire belge et d’une domiciliation des époux à l’étranger, il reste envisageable que les conjoints, voire un seul de ceux-ci, reste(nt) soumis à l’impôt des personnes physiques en Belgique.
Le ruling rendu par le SDA est éclairant à plusieurs égards, en ce qu’il met en exergue la relative complexité qui peut apparaitre dans la détermination de la résidence fiscale d’un contribuable, mais également le caractère minutieux de l’examen des faits qui doit être opéré.