L'Administration générale de la Fiscalité – Impôt des personnes physiques a publié ce 13/12/2024 la Circulaire 2024/C/83 relative aux modifications apportées en matière de procédure des impôts sur les revenus par la loi programme du 22.12.2023.
Cette circulaire commente certains articles modifiés par la Loi programme du 22.12.2023 (MB 29.12.2023) en matière de procédure des impôts sur les revenus.
Commentaire des articles 13, 14, 31, 32, 38 et 43 de la Loi programme du 22 décembre 2023 (MB 29.12.2023)
Table des matières
1. Dispositions légales – Loi programme du 22 décembre 2023 (ci-après « LP »)
2. Articles modifiés en matière de procédure des impôts sur les revenus
2.1. Article 344, CIR 92 (art. 13 et 14 LP)
2.2. Article 307,§ 1/2, CIR 92 (art. 31 et 32 LP)
2.2.2. Discussion (art. 31 LP)
2.3. Article 307, § 1/4, CIR 92 (art. 38 et 43 LP)
2.3.2. Discussion (art. 38 LP)
Art. 13. L'article 344, § 2, du même Code, modifié en dernier lieu par la loi-programme du 26 décembre 2022, est remplacé comme suit :
« § 2. N'est pas non plus opposable à l'administration en charge de l'établissement des impôts sur les revenus, la vente, la cession ou l'apport d'actions, d'obligations, de créances ou d'autres titres constitutifs d'emprunts, de droits d'auteur et de droits voisins, de brevets d'invention, de procédés de fabrication, de marques de fabrique ou de commerce, ou de tous autres droits analogues ou de sommes d'argent, directement ou indirectement, à un contribuable visé à l'article 227 ou à un établissement étranger, avec qui le contribuable établi en Belgique se trouve directement ou indirectement dans des liens quelconques d'interdépendance et qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis n'y est pas soumis à un impôt sur les revenus ou y est soumis, du chef des revenus produits par les biens et droits aliénés, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel les revenus de l'espèce sont soumis en Belgique.
L'alinéa 1er n'est pas d'application lorsque le contribuable justifie que l'opération est réalisée avec une entreprise soumise à un impôt sur les revenus effectif qui est au moins égal à la moitié de l'impôt sur les revenus qui serait dû si cette entreprise était établie en Belgique.
L'alinéa 1er n'est pas d'application lorsque le contribuable démontre par tous moyens de preuve, à l'exception du serment, que l'opération s'inscrit dans le cadre d'une opération authentique en ce sens qu'elle a été mise en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique. ».
Art. 14. L'article 12 entre en vigueur le 1er janvier 2024 et est applicable aux sommes qui sont payées ou attribuées à partir du 1er janvier 2024.
L'article 13 entre en vigueur le 1er janvier 2024 et est applicable aux opérations qui sont effectuées à partir du 1er janvier 2024.
Art. 31. A l'article 307, § 1/2, du même Code, modifié en dernier lieu par la loi du 20 décembre 2020, les modifications suivantes sont apportées :
1° l'alinéa 5 est remplacé par ce qui suit :
« Les contribuables assujettis à l'impôt des sociétés sont également tenus de mentionner dans la déclaration l'existence de chaque société étrangère, ou établissement étranger, qui est qualifié de CFC, en application de l'article 185/2, § 3. »;
2° l'alinéa 6 est remplacé par ce qui suit :
« Dans le cas où la déclaration mentionne l'existence d'une société étrangère, ou d'un établissement étranger d'une société étrangère, visé à l'article 185/2, § 3, qualifié de CFC conformément à l'article 185/2, § 3, sont également mentionnés :
- la dénomination de la société;
- l'adresse du siège de direction ou d'administration de la société;
- le cas échéant, le numéro d'identification de cette société;
- le cas échéant, le pays dans lequel l'établissement étranger est situé;
- le pourcentage visé à l'article 185/2, § 2, alinéa 5;
- si l'exonération visée, respectivement, à l'article 185/2, § 4, premier tiret, deuxième tiret ou troisième tiret est invoquée. »;
3° l'alinéa 7 est abrogé.
Art. 32. La présente section est applicable à partir de l'exercice d'imposition 2024.
Art. 38. A l'article 307 du même Code, le paragraphe 1/4, inséré par la loi du 25 décembre 2017, est remplacé par ce qui suit :
« § 1/4. Dans le cas où l'existence d'une construction juridique est mentionnée dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des personnes morales, sont mentionnés, dans une annexe de la déclaration à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des personnes morales dont le modèle est déterminé par le Roi :
- le nom complet, la forme juridique, l'adresse et le cas échéant le numéro d'identification de la construction juridique;
- le nom et l'adresse de l'administrateur de cette construction juridique lorsqu'il s'agit d'une construction juridique visée à l'article 2, § 1er, 13°, a);
- les revenus repris dans la déclaration qui ont été recueillis par chaque construction juridique séparée, de même que le montant du patrimoine de la construction juridique à la fin de la période imposable, la partie du patrimoine qui a été apportée par le fondateur, les dividendes visés à l'article 18, alinéa 1er, 3° et 3° /1, qui étaient repris dans la déclaration, ainsi que ceux qui ont été exonérés en application de l'article 21, alinéa 1er, 12° et ceux qui ne doivent pas être repris dans la déclaration parce qu'ils ont fait l'objet d'une retenue de précompte mobilier. »
Art. 43. L’article 38 est applicable à partir de l’exercice d’imposition 2024.
Les autres articles de la présente section sont applicables aux revenus qui sont recueillis, attribués ou mis en paiement par une construction juridique à partir du 1er janvier 2024.
Ci-après un commentaire des modifications apportées aux articles 344 et 307, CIR 92.
La modification de l’art. 354, § 1, 5°, CIR 92 (art. 39 LP) et l’entrée en vigueur de cette modification (art. 43 LP) seront commentées dans une circulaire distincte.
§ 1. N'est pas opposable à l'administration, l'acte juridique ni l'ensemble d'actes juridiques réalisant une même opération lorsque l'administration démontre par présomptions ou par d'autres moyens de preuve visés à l'article 340 et à la lumière de circonstances objectives, qu'il y a abus fiscal.
Il y a abus fiscal lorsque le contribuable réalise, par l'acte juridique ou l'ensemble d'actes juridiques qu'il a posé, l'une des opérations suivantes :
1° une opération par laquelle il se place en violation des objectifs d'une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, en-dehors du champ d'application de cette disposition; ou
2° une opération par laquelle il prétend à un avantage fiscal prévu par une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, dont l'octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition et dont le but essentiel est l'obtention de cet avantage.
Il appartient au contribuable de prouver que le choix de cet acte juridique ou de cet ensemble d'actes juridiques se justifie par d'autres motifs que la volonté d'éviter les impôts sur les revenus.
Lorsque le contribuable ne fournit pas la preuve contraire, la base imposable et le calcul de l'impôt sont rétablis en manière telle que l'opération est soumise à un prélèvement conforme à l'objectif de la loi, comme si l'abus n'avait pas eu lieu.
§ 2. N'est pas non plus opposable à l'administration en charge de l'établissement des impôts sur les revenus, la vente, la cession ou l'apport d'actions, d'obligations, de créances ou d'autres titres constitutifs d'emprunts, de droits d'auteur et de droits voisins, de brevets d'invention, de procédés de fabrication, de marques de fabrique ou de commerce, ou de tous autres droits analogues ou de sommes d'argent, directement ou indirectement, à un contribuable visé à l'article 227 ou à un établissement étranger, avec qui le contribuable établi en Belgique se trouve directement ou indirectement dans des liens quelconques d'interdépendance et qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis n'y est pas soumis à un impôt sur les revenus ou y est soumis, du chef des revenus produits par les biens et droits aliénés, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel les revenus de l'espèce sont soumis en Belgique.
L'alinéa 1er n'est pas d'application lorsque le contribuable justifie que l'opération est réalisée avec une entreprise soumise à un impôt sur les revenus effectif qui est au moins égal à la moitié de l'impôt sur les revenus qui serait dû si cette entreprise était établie en Belgique.
L'alinéa 1er n'est pas d'application lorsque le contribuable démontre par tous moyens de preuve, à l'exception du serment, que l'opération s'inscrit dans le cadre d'une opération authentique en ce sens qu'elle a été mise en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique.
L’article 344, § 2, CIR 92 a été modifié par la loi programme du 22 décembre 2023 afin d’être mis en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et, plus précisément, l’arrêt SIAT du 5 juillet 2012 (affaire C-318/10).
a) L’arrêt SIAT
Dans cette affaire, la Cour de justice de l’Union européenne a eu à se prononcer sur la conformité de l’article 54, CIR 92 avec le droit de l’Union européenne.
L’article 54, CIR 92, prévoyait que « Les intérêts, redevances pour la concession de l’usage de brevets d’invention, procédés de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de prestations ou de services ne sont pas considérés comme des frais professionnels lorsqu’ils sont payés ou attribués directement ou indirectement à un contribuable visé à l’article 227 ou à un établissement étranger, qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis, n’y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis, pour les revenus de l’espèce, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel ces revenus sont soumis en Belgique, à moins que le contribuable ne justifie par toutes voies de droit qu’ils répondent à des opérations réelles et sincères et qu’ils ne dépassent pas les limites normales ».
La Cour a jugé que cette disposition constituait une restriction à la libre prestation des services garantie par le droit européen au motif que son champ d’application n’était pas déterminé avec précision au préalable et que la présomption de non déductibilité des frais professionnels ainsi que les conditions plus strictes de déductions des frais mentionnées par l’article 54, CIR 92 rendaient l’obtention de la déduction plus difficile que lorsque la déduction est octroyée sur base de l’article 49, CIR 92 (considérants 24 à 29 de l’arrêt précité).
L’article 54 considérait comme non-déductible au titre de frais professionnels les intérêts et indemnités susvisés lorsque ceux-ci sont versés à des prestataires qui, en vertu des dispositions de la législation de l’État membre où ils sont établis, n’y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis, pour les revenus concernés, à un « régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel ces revenus sont soumis en Belgique » (considérant 25).
La Cour relève ensuite qu’il n’existe pas de définition des termes « régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel ces revenus sont soumis en Belgique », ce qui a pour conséquence que le champ d’application de la disposition n’est pas déterminé avec une précision suffisante au préalable et que, dans une situation où le prestataire des services est établi dans un État membre autre que le Royaume de Belgique et y est soumis à un régime de taxation plus avantageux que celui auquel ces revenus sont soumis en Belgique, il existe des incertitudes quant à la question de savoir si ledit régime sera considéré comme un « régime notablement plus avantageux » et si, dès lors, la règle spéciale trouvera à s’appliquer (considérants 26 et 27).
La Cour conclut donc que l’article 54, CIR 92 constituait une restriction à la libre prestation des services au sens de l’article 49 TFUE.
Toutefois, une restriction à la libre prestation des services peut être admise si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant, en pareil cas, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.
En l’espèce, la Cour a jugé que la législation en cause, à savoir l’article 54 du CIR 92, en ce qu’il prévoyait que les rémunérations payées à des prestataires non-résidents ne sont pas considérées comme des frais professionnels à moins que le contribuable ne justifie qu’elles répondent à des opérations réelles et sincères et qu’elles ne dépassent pas les limites normales, permet d’atteindre les objectifs légitimes de prévention de la fraude et de l’évasion fiscales, de la sauvegarde de l’efficacité des contrôles fiscaux et de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres (considérants 42 et 48).
Toutefois, la Cour a estimé que l’article 54, CIR 92 allait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs précités. La Cour insiste alors sur le fait qu’une telle règle ne satisfait pas aux exigences de la sécurité juridique qui exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (considérant 58). Et de conclure qu’une règle ne satisfaisant pas aux exigences du principe de sécurité juridique ne saurait être considérée comme proportionnée aux objectifs poursuivis.
b) Impact de l’arrêt SIAT sur l’article 344, § 2, CIR 92
Avant d’être modifié par la loi programme du 22 décembre 2023, l’article 344, § 2, CIR 92 était libellé comme suit : « § 2. N'est pas non plus opposable à l'administration en charge de l'établissement des impôts sur les revenus, la vente, le cession ou l'apport d'actions, d'obligations, de créances ou d'autres titres constitutifs d'emprunts, de droits d'auteur et de droits voisins, de brevets d'invention, de procédés de fabrication, de marques de fabrique ou de commerce, ou de tous autres droits analogues ou de sommes d'argent, à un contribuable visé à l'article 227, qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où il est établi n'y est pas soumis à un impôt sur les revenus ou y est soumis, du chef des revenus produits par les biens et droits aliénés, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel les revenus de l'espèce sont soumis en Belgique, à moins que le contribuable ne prouve soit que l'opération répond à des besoins légitimes de caractère financier ou économique, soit qu'il a reçu pour l'opération une contrevaleur réelle produisant un montant de revenus soumis effectivement en Belgique à une charge fiscale normale par rapport à celle qui aurait subsisté si cette opération n'avait pas eu lieu ».
Compte tenu de la formulation similaire des articles 54, CIR 92 et 344, § 2, CIR 92 (avant leur modification respective par la loi programme commentée), les enseignements de l’arrêt SIAT (qui concernaient l’article 54, CIR 92) devaient être étendus à l’article 344, § 2, CIR 92. L’article 344, § 2, CIR 92 a alors été modifié par l’article 13 de la LP.(1)
(1) L’article 54, CIR 92 a été modifié par l’article 12 de la LP.
c) Commentaire des modifications de l’article 344, § 2, CIR 92 (art. 13 LP)
1) Champ d’application
Le champ d’application de l’article 344,§ 2, CIR 92 a été modifié sur trois points :
- Premièrement, il est désormais expressément prévu que l’article 344, § 2, CIR 92 sera applicable à l’opération (à savoir, la vente, la cession ou l'apport d'actions, d'obligations, de créances ou d'autres titres constitutifs d'emprunts, de droits d'auteur et de droits voisins, de brevets d'invention, de procédés de fabrication, de marques de fabrique ou de commerce, ou de tous autres droits analogues ou de sommes d'argent) réalisée directement ou indirectement avec un contribuable visé à l'article 227, CIR 92 ou n établissement étranger, avec qui le contribuable établi en Belgique se trouve directement ou indirectement dans des liens quelconques d'interdépendance et qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis n'y est pas soumis à un impôt sur les revenus ou y est soumis, du chef des revenus produits par les biens et droits aliénés, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel les revenus de l'espèce sont soumis en Belgique.
Les opérations précitées réalisées même de façon indirecte avec un contribuable établi l’étranger et remplissant les conditions précitées tombent donc dans le champ d’application de l’article 344, § 2, CIR 92.
- Deuxièmement, le texte a également été modifié pour prévoir expressément que l’article 344, § 2, CIR 92 s’applique aux opérations (susvisées) réalisées, d’une part, avec un contribuable visé à l’article 227, CIR 92 et, d’autre part, avec un établissement étranger (avec qui, tant pour le contribuable visé à l’article 227, CIR 92 que l’établissement étranger, le contribuable établi en Belgique se trouve directement ou indirectement dans des liens quelconques d'interdépendance et qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis n'y est pas soumis à un impôt sur les revenus ou y est soumis, du chef des revenus produits par les biens et droits aliénés, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel les revenus de l'espèce sont soumis en Belgique).
Par établissement étranger, il y a lieu d’entendre toute installation fixe par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité professionnelle, tel qu'un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine, etc., et qui est établie dans un « pays-refuge » par un contribuable étranger (voir Com.IR/92, n° 54/22).
- Troisièmement, l’article 344, § 2, CIR 92 a également été adapté afin de préciser que le contribuable visé à l'article 227, CIR 92 ou l’établissement étranger, et le contribuable établi en Belgique doivent se trouver directement ou indirectement dans un lien quelconque d’interdépendance pour que l’administration fiscale puisse faire application de ces dispositions.
L’interdépendance s’apprécie au sens le plus large. Il peut s’agir d’une dépendance économique, managériale ou structurelle par exemple, c-à-d. de manière analogue à ce qui est prévu pour l’application de l’article 26, CIR 92. Cette modification évitera la possibilité de contourner l’application de l’article 344, § 2, CIR 92 par l’utilisation de différentes constructions fiscales.
L’ajout de la condition d’interdépendance entre le contribuable visé à l'article 227, CIR 92 ou l’établissement étranger et un contribuable établi en Belgique permet de réduire le champ d’application matériel des dispositions concernées et d’améliorer la prévisibilité de l’application des mesures. Cette interdépendance assure également que les dispositions seront appliquées uniquement à des contribuables qui sont en mesure d’apporter la preuve que ces dispositions ne devraient pas leur être applicables, ce qui signifie qu’il leur sera plus facile de démontrer le caractère réel et sincère des opérations, le caractère non-artificiel de l’opération ou la taxation minimale à laquelle doit être soumise l’entité établie dans l’autre État.
2) Preuve contraire par le contribuable
La manière dont le contribuable peut apporter la preuve que l’administration fiscale ne devrait pas faire application de l’article 344, § 2, CIR 92, est également adaptée.
Le contribuable dispose de deux options pour éviter l’application de l’article 344, § 2, CIR 92 :
- démontrer que l'opération est réalisée avec une entreprise soumise à un impôt sur les revenus effectif qui est au moins égal à la moitié de l'impôt sur les revenus qui serait dû si cette entreprise était établie en Belgique ; ou
- démontrer, par toutes voies de droit, à l’exception du serment, que l'opération s'inscrit dans le cadre d'une opération authentique en ce sens qu'elle a été mise en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique.
La notion de « motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique » provient de la directive 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (ci-après, directive ATAD), et plus particulièrement de l’article 6 prévoyant une clause anti-abus générale. Ces termes doivent donc être interprétés eu égard à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière.
Le contribuable reste par ailleurs libre de réfuter que l’article 344, § 2, CIR 92 peut lui être appliqué au motif que les conditions d’application de cette disposition ne sont pas rencontrées. Dès lors, un contribuable qui ne peut apporter la preuve que l’alinéa 2 ou 3 de l’article 344, § 2, CIR 92 lui est applicable, reste libre de réfuter que l’administration puisse faire application de l’article 344, § 2, alinéa 1er, CIR 92 au motif que ses conditions d’application ne sont pas rencontrées (par exemple, il n’y a pas de lien direct ou indirect d’interdépendance entre le contribuable visé à l’article 227, CIR 92 ou l’établissement étranger et le contribuable établi en Belgique,…).
Les modifications apportées par la LP à l’article 344, § 2, CIR 92 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2024 et s’appliquent aux opérations effectuées à partir du 1er janvier 2024 (article 14, al. 2, LP).
§ 1/2. Les contribuables assujettis à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des non-résidents conformément à l'article 227, 2°, sont tenus de déclarer tous les paiements effectués directement ou indirectement à des personnes ou des établissements stables qui sont établis dans un Etat, sur des comptes bancaires qui sont gérés ou détenus par une de ces personnes ou établissements stables, ou sur des comptes bancaires qui sont gérés ou détenus auprès d'établissements de crédit établis ou avec établissement stable dans un Etat qui au moment où le paiement a eu
lieu :
a) soit est considéré par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, comme un Etat n'ayant pas mis effectivement ou substantiellement en œuvre le standard sur l'échange de renseignements sur demande ;
b) soit figure sur la liste des Etats à fiscalité inexistante ou peu élevée ;
c) soit est repris sur la liste de l'UE des juridictions non coopératives.
Pour l'application de l'alinéa 1er, on entend par Etat, un Etat indépendant qui est reconnu par la majorité des membres des Nations Unies, ou une partie de cet Etat qui est compétente de façon autonome sur le plan de la détermination de la base imposable ou du taux d'imposition de l'impôt des sociétés, global ou partiel, et on entend par un Etat à fiscalité inexistante ou peu élevée, un Etat qui ne fait pas partie de l'Espace économique européen et :
- qui ne soumet pas les sociétés à un impôt des sociétés sur les revenus d'origine domestique ou d'origine étrangère, soit ;
- dont le taux nominal de l'impôt des sociétés est inférieur à 10 % ou ;
- dont le taux de l'impôt des sociétés correspondant à la charge fiscale effective sur les revenus d'origine étrangère est inférieur à 15 %.
La liste des Etats à fiscalité inexistante ou peu élevée est fixée par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Cette liste est mise à jour par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.
La déclaration visée à l'alinéa 1er doit être faite uniquement si la totalité des paiements effectués au cours de la période imposable, majorée de l'accroissement des dettes aux personnes ou établissements stables visés à l'alinéa 1er qui sont déterminées au cours de la période imposable atteint un montant minimum de 100.000 euros. La déclaration est faite sur un formulaire dont le modèle est fixé par le Roi et est annexée à la déclaration visée à l'article 305, alinéa 1er.
Les contribuables assujettis à l'impôt des sociétés sont également tenus de mentionner dans la déclaration l'existence de chaque société étrangère, ou établissement étranger, qui est qualifié de CFC, en application de l'article 185/2, § 3.
Dans le cas où la déclaration mentionne l'existence d'une société étrangère, ou d'un établissement étranger d'une société étrangère, visé à l'article 185/2, § 3, qualifié de CFC conformément à l'article 185/2, § 3, sont également mentionnés:
- la dénomination de la société ;
- l'adresse du siège de direction ou d'administration de la
société ;
- le cas échéant, le numéro d'identification de cette société ;
- le cas échéant, le pays dans lequel l'établissement étranger est situé ;
- le pourcentage visé à l'article 185/2, § 2, alinéa 5 ;
- si l'exonération visée, respectivement, à l'article 185/2, § 4, premier tiret, deuxième tiret ou troisième tiret est invoquée.
La directive ATAD oblige les Etats membres à taxer les revenus des sociétés étrangères contrôlées (ci-après CFC, l’acronyme de Controlled Foreign Company) et des établissements étrangers faiblement imposés. Cette obligation peut être mise en œuvre soit selon une approche « par entité » soit selon une approche « transactionnelle ». Si la Belgique avait initialement opté pour l’approche transactionnelle, elle a désormais choisi, en modifiant l’article 185/2, CIR 92 par la LP, d’utiliser l’approche par entité.
En raison de ce changement d’approche, l’obligation de déclaration des CFC, telle que consacrée à l’article 307, § 1/2, alinéas 5 et 6, CIR 92 a été également été modifiée.
Désormais, l’article 307, § 1/2, al. 5, CIR 92 prévoit que les contribuables assujettis à l'impôt des sociétés sont tenus de mentionner dans leur déclaration à l’impôt des sociétés l'existence de chaque société étrangère, ou établissement étranger, qui est qualifié de CFC en application de l'article 185/2, § 3, CIR 92.
L’article 307, § 1/2, al. 6, CIR 92 précise les diverses informations relatives à la société étrangère ou à l’établissement étranger de cette société qualifié de CFC qui doivent être indiquées dans la déclaration à l’impôt des sociétés.
A. Définition de la notion de « CFC »
A cet égard, nous renvoyons au point III de la circulaire du 13.12.2024 (2024/C/82) relative aux règles CFC modifiées, introduites par les art. 21 à 32 LP 22.12.2023.
B. Obligation de déclarer l’existence de CFC
Comme indiqué précédemment, l’article 307, § 1/2, al. 5, CIR 92 impose aux contribuables assujettis à l'impôt des sociétés de mentionner dans leur déclaration à l’impôt des sociétés l'existence de chaque société étrangère, ou établissement étranger, qui est qualifié de CFC, en application de l'article 185/2, § 3, CIR 92.
Le contribuable assujetti à l’ISoc devra donc mentionner dans sa déclaration :
- s’il détient une société étrangère ou un établissement étranger de cette société étrangère répondant à la définition de CFC et/ou
- l’existence d’un établissement dont il dispose à l’étranger et qui répond à la définition de CFC.
C. Informations supplémentaires à mentionner dans la déclaration l’impôt des sociétés en ce qui concerne la société étrangère ou l’établissement étranger de la société étrangère dont l’existence a dû être mentionnée
Dans le cas où la déclaration à l’impôt des sociétés d’un contribuable mentionne l'existence d'une société étrangère ou d'un établissement étranger de cette société étrangère, qualifié de CFC conformément à l'article 185/2, § 3, CIR 92, les informations suivantes doivent également, conformément à l’article 307, § 1/2, al. 6, CIR 92, être indiquées dans la déclaration :
- la dénomination de la société ;
- l'adresse du siège de direction ou d'administration de la société ;
- le cas échéant, le numéro d'identification de cette société ;
- le cas échéant, le pays dans lequel l'établissement étranger est situé ;
- le pourcentage visé à l'article 185/2, § 2, alinéa 5, CIR 92 ;
- si l'exonération visée, respectivement, à l'article 185/2, § 4, premier tiret, deuxième tiret ou troisième tiret, CIR 92 est invoquée.
L'obligation de mentionner l'existence d'une CFC dans la déclaration à l’impôt des sociétés s'applique même si aucun bénéfice de la CFC n'est imposable en Belgique en raison d'une exonération visée à l’article 185/2, § 4, CIR 92. Dans ce cas, il faut préciser dans la déclaration susmentionnée quelle exonération est invoquée
Les modifications apportées par la LP à l’article 307, § 1/2, CIR 92 entrent en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 2024 (article 32, LP).
§ 1/4. Dans le cas où l'existence d'une construction juridique est mentionnée dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des personnes morales, sont mentionnés, dans une annexe de la déclaration à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des personnes morales dont le modèle est déterminé par le Roi:
- le nom complet, la forme juridique, l'adresse et le cas échéant le numéro d'identification de la construction juridique ;
- le nom et l'adresse de l'administrateur de cette construction juridique lorsqu'il s'agit d'une construction juridique visée à l'article 2, § 1er, 13°, a) ;
- les revenus repris dans la déclaration qui ont été recueillis par chaque construction juridique séparée, de même que le montant du patrimoine de la construction juridique à la fin de la période imposable, la partie du patrimoine qui a été apportée par le fondateur, les dividendes visés à l'article 18, alinéa 1er, 3° et 3°/1, qui étaient repris dans la déclaration, ainsi que ceux qui ont été exonérés en application de l'article 21, alinéa 1er, 12° et ceux qui ne doivent pas être repris dans la déclaration parce qu'ils ont fait l'objet d'une retenue de précompte mobilier.
En vertu de l’article 307, § 1/1, c), CIR 92, les contribuables soumis à l’impôt des personnes physiques sont tenus de mentionner dans leur déclaration à l’impôt des personnes physiques, l'existence d'une construction juridique dont le contribuable, son conjoint ou les enfants sur lesquels il exerce l'autorité parentale, conformément à l'article 376 du Code civil, est soit un fondateur de la construction juridique, soit a recueilli un dividende ou bénéficié d'une manière quelconque de tout autre avantage octroyé par une construction juridique pendant la période imposable.
De même, en vertu de l’article 307, § 1/3, CIR 92, les contribuables soumis à l’impôt des personnes morales sont tenus de mentionner dans leur déclaration à l’impôt des personnes morales l'existence d'une construction juridique dont le contribuable soit est un fondateur, soit a recueilli un dividende ou a bénéficié d'une manière quelconque de tout autre avantage octroyé pendant la période imposable.
La LP ajoute désormais une obligation supplémentaire afin de faciliter le suivi administratif et le suivi du rendement budgétaire de la taxe Caïman. Lorsqu’une construction juridique est mentionnée dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des personnes morales, le contribuable est alors tenu de joindre une annexe, dont le modèle est déterminé par le Roi, à la déclaration à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des personnes morales.
L’arrêté royal du 16.06.2024 établit le modèle de cette annexe, cela concerne le formulaire 276 CJC. Doivent être mentionnées dans l’annexe les données d'identification nécessaires de la construction juridique qui devaient précédemment être mentionnées dans la déclaration elle-même c-à-d :
- le nom complet, la forme juridique, l'adresse et le cas échéant le numéro d'identification de la construction juridique ;
- le nom et l'adresse de l'administrateur de cette construction juridique lorsqu'il s'agit d'une construction juridique visée à l'article 2, § 1er, 13°, a).
Doivent également être communiqués dans le formulaire 276 CJC :
- les revenus repris dans la déclaration qui ont été recueillis par chaque construction juridique séparée ;
- le montant du patrimoine de la construction juridique à la fin de la période imposable, ;
- la partie du patrimoine qui a été apportée par le fondateur ;
- les dividendes visés à l'article 18, alinéa 1er, 3° et 3°/1, CIR 92 qui étaient repris dans la déclaration, ainsi que ceux qui ont été exonérés en application de l'article 21, alinéa 1er, 12°, CIR 92 et ceux qui ne doivent pas être repris dans la déclaration parce qu'ils ont fait l'objet d'une retenue de précompte mobilier.
L'annexe 276 CJC doit être établie pour toute construction juridique visée à l'article 307, § 1/1, c) et § 1/3, CIR 92, y compris pour les constructions juridiques visées à l'article 5/1, § 3, CIR 92 (voir nouvel article 127/0/0 AR/CIR 92 introduit par l’AR précité).
Dans le cas où l'existence d'une ou plusieurs constructions juridiques doit être mentionnée dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques ou à l'impôt des personnes morales, ces annexes font alors partie intégrante de ladite déclaration.
Afin de pouvoir mieux suivre chaque construction juridique, il est prévu qu'une annexe distincte soit établie pour chaque construction juridique.
En cas de déclaration commune à l'impôt des personnes physiques, chaque conjoint ou cohabitant légal doit établir une annexe séparée par construction juridique dont il (seul ou avec l'autre conjoint ou cohabitant légal) ou dont l'un de ses enfants mineurs non émancipés, est fondateur ou bénéficiaire d'un dividende ou de tout autre avantage.
Les modifications apportées par la LP à l’article 307, § 1/4 CIR 92 entrent en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 2024 (article 38, al. 1, LP).
Réf. interne : 742.585