Apple verse 11 milliards d’euros à l’Irlande : une leçon d’attractivité fiscale pour la Belgique ?

L’Irlande a reçu en 2024 une somme colossale de 11 milliards d’euros d’Apple, dans le cadre du remboursement d’aides d’État jugées illégales par la Commission européenne. Ce montant dépasse de loin un simple versement fiscal : il incarne le succès d’une politique fiscale audacieuse, tournée vers l’attraction des multinationales. Alors que la Belgique débat de nouvelles mesures fiscales, comme la taxation des plus-values, cette réussite irlandaise invite à une profonde réflexion. Faut-il encore alourdir la fiscalité ou, au contraire, adopter une stratégie pour attirer et retenir le capital ? L’enjeu est de taille, et l’exemple irlandais nous offre des pistes intéressantes. Décodage.

Le modèle irlandais : attractivité avant tout

L’Irlande n’a pas cédé aux sirènes des hausses d’impôts pour combler ses caisses. Elle a choisi une autre voie : celle de l’attractivité pour faire face à un de ses principal défaut, sa localisation au milieu de l’atlantique. Avec un taux d’imposition sur les sociétés de 12,5 %, bien en deçà de la moyenne européenne, le pays a attiré des géants mondiaux comme Apple, Google et Microsoft. Ces multinationales ont trouvé en Irlande un terreau fiscal stable et prévisible, idéal pour établir leurs bases européennes.

Les critiques ont fusé, bien sûr. On a accusé l’Irlande de dumping fiscal et d’encourager l’optimisation agressive. Mais les résultats parlent d’eux-mêmes. Les recettes fiscales provenant des entreprises ont explosé : en 2024, elles ont atteint 39,1 milliards d’euros, une hausse de 64 % en un an. Ce n’est pas un hasard : le modèle irlandais repose sur un principe simple, mais efficace : attirer d’abord, redistribuer ensuite.

Des retombées concrètes pour la population

Cette manne fiscale ne reste pas entre les mains des entreprises. Elle est utilisée pour financer des projets ambitieux, qui profitent directement aux citoyens : des infrastructures modernes : (transports, hôpitaux et écoles, un meilleure stabilité économique (dette réduite et meilleure résilience face aux crises) et préparation de l’avenir (un fonds souverain a été créé pour garantir des investissements durables et intergénérationnels).

L’Irlande prouve qu’une fiscalité attractive n’est pas une simple faveur accordée aux multinationales, mais un moteur de prospérité nationale.

La Belgique : un modèle en tension

En Belgique, nous n’avons pas un taux d’imposition sur les sociétés particulièrement compétitif : à 25 %, il reste bien au-dessus de la moyenne européenne. Mais nous avons un atout clé : l’absence d’imposition sur les plus-values réalisées par les particuliers. C’est l’un des derniers piliers de notre attractivité fiscale. Ce régime unique attire des investisseurs, favorise l’épargne et stimule l’investissement dans les entreprises belges.

Cependant, cet avantage est aujourd’hui menacé. Des partis comme Vooruit militent pour introduire une fiscalité sur les plus-values. Le raisonnement semble logique : taxer davantage pour financer les politiques sociales. Mais cette mesure pourrait avoir l’effet inverse : décourager les investisseurs, provoquer une fuite des capitaux et réduire l’attractivité déjà fragile de la Belgique. Mais cette idée est-elle compatible avec une ambition d’attractivité ?

Introduire une taxation des plus-values serait un signal négatif pour les investisseurs étrangers. Pourquoi choisir la Belgique quand l’Irlande ou les Pays-Bas offrent des régimes fiscaux plus compétitifs ? Dans un contexte globalisé, le capital est mobile, et il privilégie les juridictions où il est le mieux accueilli. La Belgique risquerait de perdre l’un de ses derniers attraits fiscaux, au moment même où elle devrait chercher à en développer de nouveaux.

L’exemple irlandais : une inspiration pour la Belgique

L’Irlande montre qu’il est possible d’attirer les grandes entreprises tout en générant des recettes fiscales significatives. Ce modèle repose sur une triple vision stratégique : celle d’offrir un environnement fiscal attractif pour attirer des investissements massifs, celle d’exploiter ces recettes pour financer des politiques publiques ambitieuses et celle de maintenir un cadre fiscal stable pour garantir la confiance des investisseurs.

Plutôt que de chercher des solutions fiscales à court terme, la Belgique pourrait s’inspirer de la gestion irlandaise pour transformer les recettes fiscales (boostées par son attractivité) en investissements structurants  : création d’un fond souverain, réduction de la dette publique et stimulation des secteurs stratégiques, comme la biotech ou les technologies vertes, par des incitations fiscales ciblées.

Conclusion : leçon d’Irlande, choix pour la Belgique

Le succès irlandais, illustré par les 11 milliards versés par Apple, démontre que l’attractivité fiscale est un levier puissant pour renforcer une économie nationale. En Belgique, au contraire, nous semblons hésiter entre attirer les investisseurs ou alourdir leur charge fiscale. La taxation des plus-values, bien qu’alléchante sur le papier, risque de nuire à notre compétitivité à long terme.

La Belgique peut encore faire le choix d’une fiscalité stratégique, pensée pour séduire et retenir les capitaux. C’est une voie exigeante, mais les résultats irlandais montrent qu’elle est payante. Le débat fiscal qui s’ouvre aujourd’hui doit être l’occasion de repenser notre positionnement, non pas en taxant plus, mais en accueillant mieux. Car, comme l’a prouvé l’Irlande, ce n’est pas en punissant le capital que l’on bâtit la prospérité, mais en l’attirant et en le faisant fructifier.

Mots clés

Articles recommandés