Taxation des plus-values: l’essentiel est ailleurs!

La nouvelle taxe sur les plus-values monopolise le débat politique. Elle ne le mérite pas !

Sachons garder le sens de la mesure, aussi s’agissant de mesures fiscales, et consacrer à ces dernières une attention proportionnelle à leur impact socio-économique. Ne dit-on pas « First things first » ? Le nouveau gouvernement fédéral belge a annoncé des mesures fortes en matière de retraite et de marché du travail, mais n’a pas accouché de la grande réforme fiscale escomptée et est par trop timide en matière environnementale, alors que, rappelons-le, les quelque EUR 13 milliards d’euro de subventions aux énergies fossiles sont là pour faire coup double pour le budget et le climat. C’est sur cela qu’aurait dû porter l’analyse et le débat politique, mais l’attention s’est focalisée sur une mesure fiscale particulière, à savoir l’introduction d’une taxe sur les plus-values financières réalisées par les particuliers, pudiquement appelée contribution de solidarité. Ce nouvel impôt est supposé rapporter EUR 500 millions en fin de législature, soit moins de 0,1% du PIB et quelque 0,2% du total des recettes publiques. Ce n’est pas rien, cela finance une gare de province et vraisemblablement quelques personnes gravitant autour, mais c’est marginal. Cette mesure a reçu trop d’attention mais, paradoxe, la présente chronique lui est consacrée !

Un premier grief est la complexité de cette telle taxe. Celle-ci est réelle, mais un tel prélèvement existe dans nombre de pays, notamment aux Etats-Unis, et ces pays ont su « faire avec ». Inspirons-nous d’eux pour la mise en œuvre. Et soulignons la contradiction entre prôner, à bon droit, la simplification administrative et donner à ce nouveau dispositif un tour aussi compliqué, avec minimum annuel exonéré, taux progressif, clause dérogatoire de participation significative, et même durée de détention au-delà de laquelle elle ne s’appliquerait pas.

Un autre grief est que cette taxe nuirait au climat entrepreneurial. On peut l’envisager mais entre les Etats-Unis et la Belgique, quel pays apparaît plus entrepreneurial et lequel taxe les plus-values ? L’entrepreneur et investisseur François Blondel le soulignait récemment : c’est la qualité du projet qui est clef, pas le traitement fiscal en cas de succès ! Et rappelons que l’absence de taxation des plus-values a pu avoir un effet pervers : l’anticipation de la possible fin de cette non-taxation a poussé des investisseurs belges à céder trop tôt leur entreprise – pas rarement à des étrangers – au lieu de la faire grandir. Et ailleurs, la suppression de la taxation des plus-values ne figure pas à l’agenda de celles et ceux qui veulent promouvoir l’entrepreneuriat.

Il a aussi été dit que la Belgique était déjà championne de l’OCDE pour ce qui est de taxer les revenus du capital, mais il s’agit là d’un classement qui n’a pas de sens. En Belgique, du fait des sociétés de management, nombre de contribuables paient un précompte mobilier et une cotisation sur les réserves de liquidation en lieu et place d’impôts sur le travail. Cet effet dit de composition et l’épargne privée historique des Belges biaisent les comparaisons internationales. Cela ne veut pas dire que 30% de précompte mobilier n’est pas dans le haut de la fourchette européenne, mais concilions une baisse de ce taux avec une suppression des dispositifs de faveur, y compris pour les livrets d’épargne.

Enfin, cette nouvelle taxe, en détruisant le seul et unique atout fiscal de la Belgique, serait une erreur stratégique. Mais depuis quand corrige-t-on une erreur avec une autre erreur ? Ce qui frappe dans le financement des pouvoirs publics en Belgique, c’est son ampleur, le poids des cotisations sociales, la rapidité avec laquelle le taux marginal de taxation est élevé, la faiblesse du poids des taxes environnementales, la multiplication des régimes dérogatoires et le chevauchement de compétences entre niveaux de pouvoir. Là sont les priorités de la réforme fiscale qui doit encore venir, car là sont les moins-values pour l’intérêt général !