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Quelles sont les options d’un employeur confronté à un employé en incapacité de travail de longue durée?

Dans la continuité de notre article dans la Tetracademy n°3, intitulé "Licencier un travailleur en incapacité de travail", cet article se concentre spécifiquement sur les incapacités de travail de longue durée et les options dont disposent les employeurs lorsqu'ils sont confrontés à une telle situation.

Contexte

L’un des objectifs principaux de l’accord gouvernemental est de redynamiser le marché de l’emploi en réduisant le nombre de malades de longue durée. Cette initiative a des implications directes pour les employeurs qui doivent gérer des travailleurs en incapacité de travail prolongée. Par « maladie de longue durée », nous entendons les travailleurs absents de manière continue durant plusieurs mois consécutifs

Introduction

Aujourd’hui, un employeur confronté à un travailleur en incapacité de travail de longue durée a la possibilité d’introduire un trajet de réintégration, dont l’objectif principal consiste à favoriser le retour du travailleur au sein de l'entreprise. Avec l’accord gouvernemental, cette démarche deviendra vraisemblablement bientôt une obligation dans certaines circonstances et notamment lorsque le médecin du travail estime que le travailleur a encore un potentiel de travail..

Le retour du travailleur est cependant parfois difficilement envisageable pour diverses raisons. Contrairement à ce que certains employeurs pensent, il est possible de se séparer d’un travailleur durant une période d’incapacité de travail. De toute évidence, le licenciement doit reposer sur des raisons totalement indépendantes de l’état de santé du travailleur malade, sous peine de courir le risque de devoir payer des indemnités supplémentaires pour licenciement discriminatoire (au choix du travailleur : indemnité forfaitaire équivalente à trois ou six mois de salaire brut ou dommages et intérêts correspondant au préjudice réel) ou licenciement « manifestement déraisonnable » (trois à dix-sept semaines de rémunération selon la gravité du manquement). Un tel licenciement ne sera donc jamais décidé à la légère.

Enfin, en cas d’incapacité de travail de longue durée, il reste la possibilité d’introduire la procédure pour force majeure médicale, pouvant donner lieu, si le travailleur a été reconnu définitivement inapte à reprendre la fonction convenue, de mettre fin au contrat de travail sans préavis ni indemnité.

Après avoir attiré votre attention sur les nouveautés attendues en matière du trajet de réintégration et de procédure spécifique en vue de la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale, nous examinerons avec vous dans quelles hypothèses un employeur peut envisager de procéder au licenciement d’un travailleur en incapacité de longue durée.

I. Trajet de réintégration

Nous ne reviendrons pas dans le présent article sur le trajet de réintégration (voy. notre article dans la Tetracademy n°7 intitulé « Re-integratietraject, terug naar werk-traject, procedure van wedertewerkstelling… hoe als werkgever niet alles verwarren ? »), mais souhaitons néanmoins parcourir brièvement avec vous les nouveautés annoncées à ce sujet dans l’accord gouvernemental.

Rappelons d’abord que l’objectif principal du trajet de réintégration est d’évaluer si le travailleur malade est ou non apte à reprendre son poste à court ou long terme, avec ou sans aménagements spécifiques, afin de favoriser sa réinsertion dans le marché du travail. À ce jour, la Belgique compte encore toujours plus de 500.000 malades de longue durée, ce qui met, cumulé avec le nombre important de chômeurs, en péril la viabilité financière de notre système social. Le trajet de réintégration, qui a fait son apparition dans notre droit belge en octobre 2016, n’a malheureusement jusqu’à présent pas connu le succès espéré.

C’est dans ce contexte que l’accord gouvernemental annonce son intention de responsabiliser davantage l’ensemble des acteurs susceptibles de jouer un rôle dans la réinsertion des travailleurs malades, notamment dans le cadre du trajet de réinsertion:

  • Initiation du processus dès le premier jour d'incapacité : Les employeurs pourront désormais lancer un processus de réintégration dès le premier jour de l'incapacité de travail, avec l’accord du travailleur. Cette mesure supprime l’actuelle période d'attente de trois mois.
  • Évaluation du potentiel obligatoire après 8 semaines d'incapacité : Après 8 semaines d'incapacité, l'employeur devra faire évaluer le potentiel de travail du travailleur par le conseiller en prévention-médecin du travail et aura l’obligation, en cas d’évaluation positive, de démarrer un processus de réintégration. En l’absence de processus de réintégration dans les 6 mois suivant le début de l'incapacité, des sanctions seront infligées aux employeurs comptant plus de 20 salariés.
  • Contribution financière en sus du salaire garanti : En plus du salaire garanti, les employeurs (non-PME) devront contribuer à hauteur de 30% des allocations d'incapacité pour les travailleurs âgés de 18 à 54 ans pendant les deux premiers mois d’incapacité. Cette mesure remplacerait les sanctions actuelles infligées aux employeurs dont le nombre de travailleurs malades de longue durée est trop élevé.

II. Procédure spécifique de rupture du contrat de travail pour force majeure médicale

Sans revenir en détail sur la procédure spécifique de rupture du contrat de travail pour force majeure médicale (déjà abordée dans notre Tetracademy n°7), rappelons qu’il s'agit ici, contrairement au trajet de réintégration qui est destiné à réintégrer le travailleur malade, d'une procédure dont l’objectif premier est de permettre la rupture du contrat de travail d’un travailleur malade définitivement inapte à reprendre son poste (tout en prévoyant la possibilité pour le travailleur déclaré définitivement inapte de demander d’examiner les possibilités de travail adapté).

Nouveauté ? : Selon les nouvelles mesures annoncées dans l’accord gouvernemental, cette procédure pourra dorénavant être initiée par l'employeur après 6 mois d'incapacité ininterrompue de travail, au lieu de 9 mois comme c'est le cas actuellement. Ainsi, parallèlement au renforcement des obligations en matière de réinsertion des travailleurs malades, le nouveau gouvernement semble vouloir assouplir la possibilité de rupture du contrat de travail lorsque le travailleur est réellement et définitivement inapte à reprendre sa fonction.

III. Licenciement d’un travailleur salarié en incapacité de longue durée

Principe Pour que le licenciement d’un travailleur en incapacité de travail puisse être envisagé, l’employeur doit avoir 1) un motif valable ✔️ 2) qui est indépendant de l'état de santé actuel ou futur du travailleur. Si le motif est lié à l’état de santé du travailleur, il doit s’agir d’une distinction de traitement qui est justifiée de manière objective, légitime et raisonnable .

Les motifs de licenciement valables au sens de la CCT 109 concernant la motivation du licenciement sont la conduite du travailleur, son aptitude ou encore les nécessités de fonctionnement de l'entreprise. En outre, l’exercice du droit de licencier est contrôlé à la lumière de ce que serait l’exercice de ce droit par un « employeur normal et raisonnable » (contrôle de proportionnalité)

Absence de discrimination liée à l’état de santé : Un licenciement sera présumé discriminatoire si le travailleur licencié prouve les faits qui laissent présumer l’existence d’une discrimination. Dans ce cas s’opère un renversement de charge de la preuve et il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de l’absence de discrimination. En d’autres mots, il devra être en mesure de démontrer qu’il n’existe aucun lien de causalité entre l’état de santé et le licenciement ou que la distinction de traitement entre le travailleur malade licencié et les travailleurs non malades et non licenciés est objectivement justifiée par la poursuite d’un but légitime et que les moyens pour y parvenir sont appropriés et nécessaires. Autrement dit, l’employeur doit pouvoir démontrer qu’il a usé de son pouvoir de licencier de manière proportionnée.

?Nous avons résumé la situation pour vous dans le guide ci-dessous afin de vous aider à apprécier si vous pouvez - ou non – raisonnablement envisager de procéder au licenciement d'un travailleur malade de longue durée.






​​​La Tetracademy est la revue trimestrielle juridique du cabinet d’affaires bruxellois Tetra Law. Cet article en est extrait. Pour plus d’informations ou pour recevoir chaque nouvelle publication, n’hésitez pas à suivre la Tetracademy en envoyant un email à tetracom@tetralaw.com ».

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