Que retenir de l'arrêt du 13 mai en matière d'abus fiscal dans le cadre d'une fusion silencieuse?

Dans un arrêt du 13 mai 2024, la Cour d'appel de Liège a confirmé le jugement du tribunal de première instance de Liège (22 novembre 2022), qui avait admis l'application de la mesure générale anti-abus à une fusion silencieuse.

FAITS

  • un couple était actionnaire de deux sociétés : A (opérationnelle) et B (coquille vide)
  • Les époux avaient un compte-courant débiteur de plus de 600.000 euros à l'égard de A.
  • Le 30 juin 2015, ils cédèrent les actions de A (100 %) à B pour un montant de 710.000 euros. Le prix de vente ne fut pas réglé immédiatement par B et une dette en compte courant fut alors inscrite au nom des actionnaires personnes physiques dans les comptes de B.
  • Une fusion « silencieuse », par laquelle B a absorbé A, eut ensuite lieu en 2017. Cette fusion emporta le transfert de l'ensemble de l'actif de A à B, y compris la créance en compte courant détenue par A envers les actionnaires personnes physiques.

​La fusion a ainsi permis de conduire à l'apurement du compte-courant débiteur (à l'égard) des actionnaires personnes physiques, par le jeu de la compensation qui s'est opérée avec leur propre créance (à l'égard de B) issue de la vente des actions.

​Selon l'administration, l'opération mise en place par les époux est constitutive d'un « abus fiscal », lequel s'est concrétisé au moment où la fusion a sorti l'entièreté de ses effets et où les comptes courants ont été juridiquement compensés. C'est bien à cette date que s'est opérée, selon le fisc, l'attribution d'un dividende taxable à l'impôt des personnes physiques (IPP) dans le chef des deux actionnaires (à un taux de 30 %).

ARRET DE LA COUR D'APPEL DE LIEGE

L'arrêt confirme la première décision du TPI de Liège (pour un commentaire de ce jugement, voy. D-E. PHILIPPE et David Seutin, Act. Fisc., 2023/04).

Il est intéressant de souligner que le dividende taxable (suite à l'application de 344,§1er du CIR) dans le chef du couple n'est pas égal au montant du compte-courant apuré (600.000 EUR), mais bien au montant des réserves disponibles (589.012 EUR) de la société absorbée A (à l'exclusion du capital libéré). C'est en effet la distribution de ces réserves (avec prélèvement du précompte mobilier) - la voie la plus "normale" qui aurait dû être empruntée, selon le fisc et les magistrats - qui aurait permis (en grande partie) d'apurer le compte-courant du couple à l'égard de A.

Comparer avec le jugement du tribunal de Marche en Famenne du 7 septembre 2022, qui ne fournissait malheureusement pas de précisions sur le mode de calcul du dividende imposable (requalification d'une partie du prix de cession d'actions - par un couple à la holding de leur fils - en dividende imposable sur la base de 344,§1er) (voir pour un commentaire D.-E. PHILIPPE et Aymeric Nollet, TFR, 2023, 645, 695 à 712).

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