En ces temps de pression budgétaire, il nous faut constater une inquiétante dérive. Dans certains médias, certaines instances (CSF) ou cénacles politiques, on juge, on dénonce, on condamne !
En effet, il faut pourfendre non seulement ceux qui pratiquent la fraude fiscale, l'évasion fiscale, la simulation, ou l'abus fiscal, mais aussi ceux qui en toute, légalité, choisissent de ne pas payer le maximum d'impôt.
Ainsi apparait la notion, exprimée par certains censeurs, d'iniquité fiscale ("inéquité" est un anglicisme). La virulence des propos tenus contre les entrepreneurs et indépendants qui "passent en société" est l'illustration par excellence de ces jugements de valeur, teintés souvent de préjugés, d'ignorance ou, pire, de jalousie.
Le phénomène n'est pas nouveau et je l'avais décrit en conclusion d'un ouvrage "Le contribuable face aux mesures anti-abus" (éd. Anthémis, 2018.)
S’il faut veiller à lutter contre toutes formes d’évasion fiscales intolérables, s’il faut pourfendre tous les mécanismes de destruction d’impôt, si les dissimulations, et mensonges fiscaux doivent être lourdement sanctionnés, s’il est normal d’exiger qu’une opération ait une substance et ne soit pas purement artificielle, il faut tout autant préserver la liberté des individus et des entreprises, leur droit à choisir, entre deux voies, celle qui lui causera le moins de charges fiscales et de s’établir sans entrave dans chaque juridiction européenne.
Il ne faut pas que des contribuables soient constamment contraints de se justifier ou de se confesser parce qu’une opération créant une économie d’impôt parfaitement légale ne plait pas à son administration fiscale. Toutes les solutions fiscales mises en œuvre par les entreprises et leurs conseillers ne peuvent être présumées comme des manœuvres repréhensibles d’évasion fiscale.
Ne tombons pas dans le piège du puritanisme fiscal. Ne transformons pas les principes de droit fiscal en préceptes de morale fiscale. Il n’y a pas de péchés fiscaux, il n’y a que des violations de la loi fiscale ou des pratiques abusives.
Nous entendons rappeler cet appel à la liberté, et résister face à la menace du wokisme fiscal.
Maurice COZIAN, illustre professeur de l'Université de Bourgogne que j'ai toujours admiré, et communément reconnu comme l'un des plus grands fiscalistes français ne disait-il pas : « Vouloir payer le plus d’impôt possible, pour certains c’est peut-être de la sainteté ou de l’héroïsme ; on serait plus tenté d’y voir un dérangement de l’esprit : ça se soigne. » Il reste fort heureusement en Belgique des contribuables sains d'esprit. Ils ne méritent pas le bûcher fiscal.
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