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Le phénomène du 'revenge quitting' fait-il son entrée sur le marché du travail belge ?

Après le quiet quitting et le task masking, une nouvelle tendance semble émerger sur les lieux de travail : le revenge quitting. Cette pratique, qui consiste à démissionner en réaction à des expériences professionnelles négatives — manque de reconnaissance, surcharge émotionnelle ou burnout — s’impose déjà aux États-Unis comme la tendance RH de l’année 2025.

Mais qu’en est-il en Belgique ? Assiste-t-on ici aussi à une vague de départs volontaires ? Pour le savoir, leprestataire de services RH Partena Professional a analysé les données de quelque 150.000 travailleurs issus de 20.600 entreprises du secteur privé*.

Le nombre de démissions reste, pour l’heure, stable

« Soyons clairs d’emblée : le revenge quitting n’a pas encore traversé la frontière belge », affirme Yves Stox de Partena Professional. « Le nombre de démissions reste pour l’instant relativement stable. Au premier trimestre de cette année, 29 % des ruptures de contrat de travail étaient à l’initiative du travailleur. À la même période l’an dernier, ce chiffre était même légèrement supérieur, à 33 %. »

Les données recueillies révèlent peu de disparités régionales : les entreprises flamandes (30 %) et bruxelloises (31 %) affichent des taux de démissions comparables. En Wallonie, en revanche, les salariés semblent un peu moins enclins à quitter leur emploi de leur propre chef (26 %).

Partena Professional souligne également un écart marqué selon le statut des travailleurs. Les employés (33 %) ont nettement plus souvent remis leur démission au cours des premiers mois de 2025 que les ouvriers (22 %).

Des différences notables apparaissent aussi en fonction de la taille des entreprises. Les démissions sont les plus fréquentes dans les entreprises de taille moyenne (36 %), suivies des petites structures (32 %). À l’inverse, les grandes entreprises (25 %) et les micro-entreprises (23 %) enregistrent un taux de départs volontaires sensiblement plus faible.

Plus le travailleur est jeune, plus il est enclin à démissionner

L’analyse de Partena Professional ne révèle aucune différence significative entre hommes et femmes : dans les deux cas, 29 % des ruptures de contrat de travail sont à l’initiative du travailleur. En revanche, les générations se démarquent sensiblement.

« Plus le salarié est jeune, plus il est susceptible de quitter volontairement son emploi », observe Yves Stox. « Dans la tranche d’âge des moins de 30 ans, 38 % des départs enregistrés au premier trimestre 2025 étaient le fruit d’une démission. »

Tableau reprenant les statistiques concernant le nombre de démissions en fonction de l'âge

Le 'revenge quitting' : bonne ou mauvaise idée ?

Comme le suggère le terme, le revenge quitting est avant tout une forme de démission à visée protestataire contre l’employeur. « Ce type de salariés quittant leur poste s’exprime généralement très ouvertement sur ce qu’ils ont trouvé désagréable dans leur environnement de travail, ce qui peut être très préjudiciable, tant pour l’employeur que pour le salarié lui-même », met en garde Yves Stox.

Si le revenge quitting n’est évidemment pas interdit, il convient toutefois de prendre en compte les éventuelles répercussions juridiques.

1. On ne peut pas simplement quitter son emploi du jour au lendemain

En tant que salarié, vous êtes tenu de respecter un préavis dont la durée dépend de votre ancienneté. Le non-respect de ce délai peut entraîner le paiement d’une indemnité compensatoire à votre employeur. Ce préavis varie généralement d’une semaine au minimum à treize semaines au maximum.

« Attention : les employeurs peuvent également invoquer une "faute grave" justifiant un départ immédiat de la part du salarié », précise Yves Stox. « En pratique, le travailleur se retrouve alors sans emploi et sans indemnité de rupture. Les salariés peuvent également, de leur côté, invoquer une faute équivalente à une rupture de contrat de la part de l’employeur, notamment en cas de modification unilatérale de la fonction, du salaire ou du lieu de travail. »

2. Respecter le secret professionnel

« Même après la fin de votre contrat de travail, votre devoir de confidentialité demeure », rappelle Yves Stox. « Cela concerne notamment les secrets d’entreprise tels que les méthodes de production, les listes de clients ou toute autre information personnelle ou confidentielle. La divulgation de ce type d’informations à des concurrents ou à des tiers peut entraîner des poursuites judiciaires. La violation d’un secret industriel par un salarié est punie par le code pénal. »

3. Ne vous rendez pas coupable de concurrence déloyale

Après votre départ, vous devez respecter les principes de concurrence loyale. En cas de manquement, votre ancien employeur peut réclamer une indemnité pour concurrence déloyale.. Selon les secteurs, des règles et usages spécifiques s’appliquent : il est donc essentiel de bien vous informer dans votre domaine professionnel.

« Il s’agit souvent d’une interdiction de solliciter activement les clients de votre ancien employeur. Le débauchage de personnel constitue également, dans certains cas, une forme de concurrence déloyale. Soyez par ailleurs prudent quant à l’utilisation des connaissances spécifiques acquises chez votre précédent employeur », avertit Yves Stox de Partena Professional.

4. Faites preuve de prudence sur les réseaux sociaux — même durant votre préavis, votre employeur peut vous licencier pour faute grave

Un salarié ne doit en aucun cas ternir l’image de son employeur ou de son ancien employeur. La vengeance via les réseaux sociaux est à proscrire. Exprimer son opinion reste possible, mais les insultes à l’encontre de l’entreprise, des dirigeants ou des clients ne sont pas autorisées. Elles peuvent constituer un motif grave justifiant un licenciement immédiat même si vous les postez pendant votre préavis.

Même les messages privés peuvent parfois être utilisés comme preuve, s’ils sont partagés publiquement. Il est également important de garder à l’esprit l’image que vous renvoyez aux futurs employeurs via vos publications sur les réseaux sociaux.

« S’il existe des motifs suffisants, votre employeur peut vous licencier pour faute grave — y compris durant votre préavis. Cela peut avoir des conséquences lourdes, notamment une exclusion temporaire des allocations de chômage », conclut Yves Stox.

*Le pourcentage représente toujours la part des cessations d’emploi à l’initiative du salarié, pondérée par rapport au nombre total de ruptures de contrat de travail du groupe concerné.

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