Nommé contrôleur adjoint à Wavre (Impôt des sociétés) après examen au SPF Finances ( ayant terminé 1er de Promotion, excusez du peu), un peu rebelle, (je ne voulais pas être avocat), j’ai officié durant quatre années au sein d’un Service composé de personnalités les plus diverses.
Pas de réseaux sociaux, pas de GSM, pas de teams, pas de Myminfin : c’était encore le règne du papier, avec un dossier permanent et un dossier contenant les déclaration fiscales.
Il y avait ce contrôleur tellement bavard, passionné par la pêche, que l’on ne parvenait jamais à faire taire, même dans les WC . Il y avait ce collègue qui connaissait tous les articles du CIR, un peu soûlant mais passionné. À l’inverse cet autre collègue, au bord de la dépression, qui ne parvenait pas à réussir les examens de promotion après 20 ans d'effort. Il y avait aussi une brochette de guindailleurs, sortis du secteur privé, qui savaient profiter de la vie et négocier pour avoir leur 44 jours de congés par an. Il y avait aussi cet étrange collègue qui déclarait partir en contrôle toute la journée, et dont on savait que, dès le temps de midi, il réparait son toit ou œuvrait dans son potager : il était toujours bronzé ! Il y avait ce collègue un peu cynique vis-à-vis de l'administration, très intelligent, avec un humour décapant que j'adorais. Il y avait cette collègue, belle et élégante avec qui chacun souhaitait partir en contrôle et cette autre dame, spécialiste de la TVA, très compétente, très cruelle, qui terrorisait les entreprises. Je l’évitais, elle sévit toujours en Brabant wallon.
Il y avait enfin notre Contrôleur en chef au grand cœur, expert chevronné et qui se refusait à taxer exagérément les sociétés et ses dirigeants, comprenant leurs difficultés. Je l’ai toujours admiré.
En ce temps-là, chaque gestionnaire (bien plus heureux qu'auj.) choisissait ses dossiers, guidé par son « flair » (loin de ces stupides actions "ciblées" ou contrôles basés sur des datamining qui ôtent toute liberté).
En ce temps-là, nous nous déplacions systématiquement dans l’entreprise, écoutions les gens, tachant d’obtenir un accord pour éviter des procédures inutiles.
En ce temps-là, les contribuables venaient nous voir et on leur expliquait les règles fiscales. Nous échangions souvent avec les experts-comptables et partagions même notre documentation.
En réalité, cette période était bénie : les relations étaient formidablement humaines, la collaboration avec les professionnels était réelle, les redressements modérés évitaient des procédures dispendieuses : un vrai service public.
Alors quand je vois ce que le fisc est devenu aujourd’hui, je ne peux que m’écrier : « Quel gâchis ».
La déshumanisation du fisc est à la fois désastreuse pour les citoyens et inefficace sur le plan des recettes.
Il faut tout tout revoir. Car rien ne vaut le dialogue !