L’histoire de l’économie du XXᵉ siècle enseigne que les pays qui doivent compter uniquement sur leurs ressources et populations pour prospérer — sans exploitation de colonies, de ressources naturelles abondantes et d’autres effets d’aubaine — développent des taux de croissance supérieurs, pour autant qu’ils soient animés par un projet politique réfléchi et partagé. C’est le cas des pays nordiques européens, mais aussi de l’Allemagne d’après-guerre (pays de tradition luthérienne, ce qui n’est pas une coïncidence). C’est également le cas des Pays-Bas, certes pays scandaleusement colonisateur, mais qui, comme l’Angleterre, a d’abord maîtrisé les mers.
Et puis, il y a d’autres pays (souvent catholiques), centralisateurs et rentiers, après avoir été des nations colonisatrices. Je pense à la France, à l’Espagne et à la Belgique.
Que constate-t-on depuis 40 ans, et encore plus depuis l’introduction de l’euro en 1999, qui nous a déresponsabilisés de notre souveraineté monétaire ? L’Europe s’est engourdie, puis endormie, jusqu’à être confrontée à un choc économique et industriel complètement sous-estimé.
Tout s’est passé comme si nous avions à la fois bénéficié du contexte néolibéral et de la chute du mur, ce qui nous a conduits à délocaliser nos capacités industrielles à l’est, puis à capituler devant les pays asiatiques qui se sont imposés par une croissance fondée sur l’exportation.
Nous avons donc confondu la mondialisation et le libre-échange avec le temps des colonies. Pire, nous croyions pouvoir esquiver toute adaptation de nos modèles, mais nous avons percuté le mur de nos contradictions. Et comme la richesse était, pour partie, indue, nous avons amplifié la réglementation et alourdi nos économies, pour divers motifs, dont le principe de précaution.
C’est ainsi que nous nous imaginons toujours le centre humaniste et vertueux du monde, alors que le reste du monde nous regarde avec attendrissement et désintérêt.
C’est cela que la Commission européenne doit combattre. Elle doit convaincre nos dirigeants de ne pas se sentir déresponsabilisés par l’Europe, mais plutôt d’assouplir, de faciliter et de déréglementer l’inutile dans nos économies. L’excès d’administration est décourageant. Il annihile l’entrepreneuriat et l’envie de se tourner vers l’avenir.
Je pense que la Belgique, en particulier, peut déployer autre chose que le sentiment de désespoir absolu qu’on ressent lorsqu’on est dans la file des taxis (qui n’arrivent pas) de l’aéroport, un jour sombre d’hiver dans le froid, quand on rentre d’une semaine à l’étranger. Et qu’il pleut. Et que le taxi s’échoue immanquablement dans les embouteillages et les travaux multiples et désertés qui émaillent nos vies.