Vers un traitement différent des patrimoines selon qu’on achète un premier logement ou qu’on décède en Région flamande, bruxelloise ou wallonne.
Dans mon précédent post, j’avais partagé une note résumant certains aspects de la réforme envisagée par le gouvernement wallon en matière de droits de succession. J’attirais l’attention sur le caractère ambitieux et encourageant de cette réforme tout en soulignant que du côté bruxellois rien n’était encore en place et qu’il ne fallait pas s’attendre, à brève échéance, à des mesures semblables, sauf volonté politique d’endiguer la concurrence fiscale entre les Régions. Et même dans ces conditions, il ne fallait pas espérer, a priori, de grosses surprises. En effet, d’une part, la Région bruxelloise se cherche toujours pour former un gouvernement. Et, d’autre part, sa situation budgétaire est telle qu’on a un peu de mal à voir comment elle pourrait prendre des mesures aussi ambitieuses que la Région flamande et wallonne, au grand dam des Bruxellois qui risquent d’être désormais tondus beaucoup plus court que leurs voisins proches !
Aussi, la question qui se pose désormais est de savoir, si à politique fiscale inchangée du côté bruxellois, on va assister dans les prochaines années à un exode de certains Bruxellois plus fortunés …
Pour bien comprendre les enjeux, je vous propose de voir dans la note jointe en annexe comment se profilent aujourd’hui les taux en matière de droits de succession dans les trois régions ainsi que le coût des droits d’enregistrement sur l’acquisition du premier logement servant d’habitation pour les « primo-acquéreurs ». Quelques tableaux chiffrés comparatifs valent mieux qu’un long discours.
Les tableaux qui suivent sont indicatifs car, au-delà des taux communiqués, on gardera en tête, régionalisation oblige, que la manière dont sont calculés les droits de succession peut différer d’une Région à l’autre. Cela étant, même en tenant compte de cette différence, et pour autant que les réformes proposées soient adoptées, la Région bruxelloise reste à la traîne …
Du côté de la Région wallonne, nous avons résumé les principaux axes de la réforme envisagée dans notre précédent post : réforme qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2028 si tout va bien.
Du côté de la Région flamande, le gouvernement flamand annonce une réforme des droits de succession à partir de 2026 !
Si, a priori, cette réforme est de bon augure pour nos voisins flamands, on constatera néanmoins qu’elle se veut un peu moins volontariste que la réforme entreprise en Région wallonne, dès lors qu’elle vise essentiellement les patrimoines de petite, voire de taille moyenne, alors qu’en Région wallonne, la mesure est envisagée plus largement, comme semble en attester les tableaux comparatifs repris ci-après.
NB : Comme précisé plus haut, il faut encore tenir compte des règles régionales qui peuvent différer d’une Région à l’autre pour le calcul des droits de succession. Exemple, en Région flamande, les taux sont calculés, ici, en tenant compte de la part nette en biens immeubles d’une part, et la part nette en biens meubles. On a donc deux masses à calculer par héritiers. Pour autant que certaines conditions soient réunies, il peut y avoir également un abattement sur la première tranche de 50.000 ou 75.000 €. Dans les trois Régions, on trouve également certaines exonérations tantôt totales, tantôt partielles sur certains legs. Il existe également certains régimes spécifiques comme le régime de transmission d’entreprise permettant de limiter les droits de succession à 3 ou 7 % en Région flamande ou bruxelloise et à 0 % en Région wallonne !!!
Au-delà de ces nouveaux taux, on notera que la proposition de notre ancien ministre régional wallon Jean-Luc Crucke décidant de prolonger la période suspecte des donations non enregistrées de 3 à 5 ans a également fait des émules du côté de nos voisins flamands puisqu’ils ont également l’intention de s’aligner sur cette mesure ! En principe cette mesure devrait entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2025 et s’appliquer aux dons effectués après cette date. Nos voisins flamands qui nous lisent feront donc bien attention de se renseigner sur cette mesure et voir s’il n’est encore temps de mettre en place une telle donation avant cette date : les donations effectuées avant le 1er janvier 2025 n’étant, en principe, pas couvertes par la réforme annoncée.
Un autre point intéressant à retenir des réformes annoncées concerne la réduction des droits d’enregistrement lors de l’achat du premier logement. Dans notre précédent post, nous attirions l’attention sur le fait que le Gouvernement wallon avait l’intention de réduire les droits d’enregistrement sur l’acquisition du premier logement de 12,5 % à 3 % : cette mesure étant appelée à s’appliquer pour tous les actes authentiques signés dès le 1er janvier 2025.
Du côté de la Région flamande, la réponse ne s’est pas fait attendre puisqu’à partir du 1er janvier 2025, les droits d’enregistrement pour l’acquisition d’un premier logement devraient passer de 3 % à 2 % !
Pour être éligible à ces taux, l’acquisition devra respecter certaines conditions qui, si elles sont en partie connues, restent à préciser dans les textes qui seront définitivement votés.
En attendant plus de précisions, les droits d’enregistrement sur l’acquisition du premier et unique logement devraient se présenter comme suit :
Ce tableau est instructif dans la mesure où il montre une véritable distorsion de concurrence et de coût sur l’acquisition des premiers logements, ainsi que très vraisemblablement sur les biens/logements de qualité et spacieux. En effet, si nous prenons de nouveau la Région bruxelloise, l’écart est en train de se creuser significativement en termes de coût d’achat. Pour les logements supérieurs à 400.000 €, on peut ainsi avoir une différence de montant de droit d’enregistrement qui va du simple au triple selon que le bien est situé en Région flamande ou en Région bruxelloise, et du simple au double selon que le bien est situé en Région wallonne ou en Région bruxelloise, et ce même en tenant compte de l’abattement dans cette dernière région. Si l’acquisition porte sur un bien supérieur à 600.000 €, alors les différences sont encore plus flagrantes.
Et si à tout cela, vous tenez compte de l’accroissement du précompte immobilier qui s’est littéralement envolé dans certaines communes de la Région bruxelloise, « la messe » est quasi définitivement terminée en termes de budget logement !
L’objet de cette note n’étant absolument pas d’être exhaustif mais bien plus pragmatique et pratique, on s’en voudrait de ne pas attirer l’attention sur un dernier point.
Dans le cadre des réformes fiscales envisagées, le Gouvernement flamand précise qu’il entend se (re)concentrer sur la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Même si à ce stade, nous n’avons aucun détail précis sur les intentions du Gouvernement flamand, nous avons néanmoins noté que ce gouvernement entendait réglementer plus strictement l’utilisation des fondations privées ! Or, tout le monde sait – du moins les conseillers avisés – qu’une fondation privée peut être, dans une certaine mesure, utilisée comme moyen de technique de planification successorale, que ce soit pour protéger un enfant handicapé, organiser un « bureau de certification d’actions », ou encore y placer un patrimoine familial spécifique (collections d’œuvres d’art, une demeure historique, …). Le Gouvernement fédéral ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il a déjà revu récemment, sans grande nuance, la taxe patrimoniale applicable aux associations sans but lucratif et aux fondations privées. Or on peut lire dans les récentes déclarations du Gouvernement flamand que ce dernier souhaite encadrer davantage ces fondations afin d’éviter qu’elles ne soient utilisées à des fins patrimoniales. La question qui se pose ici, est de savoir comment la Région flamande va s’y prendre car, à notre connaissance, la réglementation applicable aux fondations privées est une compétence fédérale alors que les droits de succession et d’enregistrement sont une compétence régionale. La Région flamande va-t-elle réussir à faire plier le Gouvernement fédéral et faire revoir cette matière au niveau national, ce qui impacterait directement tout le pays ? Il s’agit-là d’une question pour laquelle il n’y a pas encore de réponse mais que tout contribuable concerné devrait suivre de près…
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1. L’abattement est soumis à des conditions dont notamment une condition de prix d’acquisition qui ne peut dépasser 600.000 €.
2. À ce stade, le Gouvernement wallon a annoncé que l’acquéreur devra se domicilier en Région wallonne et demeurer dans l’habitation pendant au moins 3 ans.