L’importance de la déontologie professionnelle dans nos professions libérales

Il nous revient très régulièrement de la part de consœurs et confrères que les bonnes pratiques déontologiques sont peu ou même pas du tout respectées.

Ainsi en est-il du :

  • non-respect de l’obligation de prendre contact avec le confrère en cas de reprise de dossiers ;
  • non-respect de l’obligation de prendre contact avec le confrère en cas d’acceptation d’une mission ponctuelle (quelle que soit la nature de cette mission ponctuelle : audit des comptes dans le cadre de l’article 3:101 du CSA, évaluation des actions d’une société, audit contractuel des comptes ou audit dans le cadre d’une mission spéciale du CSA dévolue aussi aux experts-comptables certifiés) ;
  • non-respect de l’obligation d’établir un inventaire contradictoire en cas de reprise de dossiers ;
  • non-respect du principe d’indépendance de fait et d’indépendance d’esprit au sein d’un même réseau ;
  • non-respect de la communication commune dans laquelle l’IRE et l’ITAA développent deux principes déontologiques réciproques, sanctionnés pénalement : l’obligation pour les membres de l’ITAA de se démettre dans une société ou entreprise (yc une asbl) dans laquelle un commissaire aurait dû être légalement nommé et, inversement, pour les membres de l’IRE de se démettre de leur mission de commissaire lorsque l’entreprise (société ou asbl) fait appel pour la tenue de comptabilité à une personne non reprise sur le registre public de l’ITAA.

Cette recommandation commune est peu connue et peu appliquée, or les faits sous-jacents sont sanctionnés pénalement, ce qui signifie aussi que, si un membre IRE ou un membre ITAA ne respecte pas cette recommandation, sa responsabilité peut être mise en cause et ne sera pas couverte par l’assurance responsabilité professionnelle.​

Au-delà de cela, rappelons les éléments suivants.

Dispositions applicables à toutes les missions

Acceptation de la mission

En raison des risques liés inévitablement à toute relation d’affaires, mais aussi et surtout en raison des responsabilités professionnelles attachées aux travaux, il est indispensable que la structure d’exercice soit attentive aux critères d’acceptation d’une nouvelle mission.

Ainsi, pour tout nouveau client, il est nécessaire d’apprécier la possibilité d’effectuer la mission au regard des critères suivants :

  • indépendance vis-à-vis-du client ;
  • compétence et aptitudes pour réaliser la mission ;
  • intégrité du client ;
  • absence de conflit d’intérêts ;
  • disponibilité suffisante et établissement d’un budget d’honoraires ;
  • respect de l’obligation de vigilance relative à l’identification du client.

Pour les missions récurrentes, il faut apprécier périodiquement si les changements éventuel- lement intervenus dans la situation des clients ou de la structure d’exercice professionnel ou dans le contenu de la mission ne sont pas susceptibles de remettre en cause le maintien de la mission. Dans certains cas, il faut prévoir contradictoirement un avenant au contrat de départ.

Les missions peuvent aussi évoluer dans un sens qui ne permet plus de les conserver sans risques et les facteurs de risque sont très variés et s’apprécient en fonction de la nature de chaque mission.

Exemples

  • Non-communication de documents ou informations nécessaires par le client.
  • Non-respect de la loi ou des règlements.
  • Restriction dans la mise en œuvre des diligences.
  • Non-paiement ou limitation des honoraires.

À ce titre, nous avons récemment une fois de plus soulevé devant les magistrats des tribu- naux de l’entreprise de Bruxelles et du Brabant wallon la situation ubuesque dans laquelle se trouvent :

et le client (entreprise) en difficulté, qui souhaite demander la protection d’une procédure de réorganisation judiciaire ou même d’une médiation privée ;

et le professionnel qui, à la suite de la négligence du client ou de son manque de discernement, ne paie plus le professionnel alors que c’est à ce moment-là que l’entreprise (société ou asbl) a le plus besoin d’une situation comptable à jour pour pouvoir jauger de sa continuité dans les douze mois qui suivront son « appel au secours ».

Différentes réponses peuvent être apportées à cette problématique.

  1. - Le professionnel doit tenir une comptabilité au mois le mois et vérifier chaque mois si l’entreprise franchit la ligne de non-retour au travers des différents clignotants que le CSA et le livre XX du CDE mettent à sa disposition (sonnette d’alarme – mention dans le rapport de gestion en cas de pertes récurrentes pour les grandes entreprises et pour les petites entreprises – mention dans l’annexe des comptes annuels avec business plan soutenant la « simple mention » de continuité – les dettes impayées d’un trimestre d’ONSS – de TVA – de précomptes, mais aussi des clignotants comme des créances clients irrécouvrables, des créanciers [fournisseurs – banquiers régulièrement impayés...]).
  2. - Le professionnel qui constate un compte courant débiteur chez le client doit prendre la précaution de lui écrire en l’informant des conséquences de ce compte client débiteur quel que soit d’ailleurs le montant (le principe même doit être une politique de maintien de la mission au sein du cabinet). En annexe de son information écrite, il est recommandé au professionnel de soumettre à la signature du client les documents suivants avant la clôture des comptes annuels et chaque état intermédiaire souhaité par le client :
  • un historique du compte courant débiteur sur tout l’exercice comptable qui doit être signé ;
  • si le client refuse de rembourser son compte courant débiteur, il vous revient de lui faire signer un contrat de prêt stipulant le taux d’intérêt du marché ;
  • l’information écrite sur les conséquences fiscales de l’existence d’un compte courant débiteur ;
  • l’information écrite sur les conséquences civiles et pénales de l’actionnaire imprudent qui met en péril la continuité de l’entreprise ;
  • l’information écrite selon laquelle un procès-verbal du conseil d’administration doit comporter cette information en termes clairs et le P.-V. doit être signé par l’actionnaire en question ;
  • l’information écrite à donner lors de l’assemblée générale ordinaire (AGO) et/ou extraordinaire (AGE) et une mention claire à ce propos dans le P.-V. de l’AGO et/ou de l’AGE.

3.- À supposer que toutes ces précautions aient été prises et que le professionnel se retrouve face à un client en difficulté, le non-paiement de ses honoraires est un clignotant qui lui permet de communiquer cette information à la chambre des entreprises en difficulté.

4.- Enfin, dernière alternative (l’une n’excluant pas l’autre), c’est que, lors du dépôt d’une PRJ, les honoraires impayés du professionnel comptable soient couverts par une dette qui peut devenir à elle seule une créance extraordinaire dans le cadre d’une classe particulière de créance conformément à la nouvelle loi du 7 juin 2023 sur les procédures de réorganisation.

Ce premier chapitre d’une série d’éditoriaux doit inspirer les consœurs et les confrères à plus de vigilance sur la tenue au mois le mois de la comptabilité et sur la recommandation d’inviter le client à établir et à suivre un budget et un business plan, mission qui a une valeur ajoutée incontestable, que l’entreprise soit saine ou qu’elle soit sur une « pente glissante ».



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