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Réserve de liquidation et réforme 2026: ce que les experts-comptables doivent maîtriser

Parmi les réformes fiscales annoncées dans le projet de loi-programme 2025, la modification du régime de la réserve de liquidation constitue une mesure importante pour les PME et leurs conseillers. Si la technique reste autorisée, son coût fiscal augmentera à partir de l’exercice 2026, réduisant sensiblement son intérêt net.

Pour les experts-comptables et conseillers fiscaux, il s’agit non seulement de comprendre ces ajustements dans leurs dimensions techniques, mais aussi de préparer les clients dès l’automne 2025 aux arbitrages stratégiques à opérer. Cet article propose une lecture structurée et analytique de la réforme, illustrée par un tableau synthétique et appuyée par les références juridiques utiles.


1. Bref rappel du régime actuel

Instaurée par la loi du 19 décembre 2014, la réserve de liquidation permet aux petites sociétés, au sens de l’article 1:24 du Code des sociétés et des associations, d’affecter tout ou partie de leur bénéfice après impôt à une réserve spéciale, moyennant le paiement immédiat d’une cotisation distincte de 10 %[1].

Si cette réserve est ensuite distribuée après un délai de cinq ans, une retenue finale de 5 % est appliquée à la distribution (soit une taxation globale de 13,64 % sur le bénéfice initial), voire 0 % en cas de liquidation.

Le système est donc avantageux en comparaison d’un dividende classique (30 % de précompte mobilier), à condition de respecter scrupuleusement les règles de constitution, d’intangibilité et de délai.


2. Ce qui change à partir de 2026

a. Une cotisation complémentaire portée à 15 %

Dès l’exercice d’imposition 2026 (revenus 2025), la cotisation distincte de 10 % est majorée à 15 % pour toute constitution de réserve de liquidation opérée à partir du 1er janvier 2026[2]. Cela alourdit mécaniquement le coût fiscal initial.

b. Un précompte mobilier relevé de 5 % à 6,5 %

En cas de distribution après le délai de 5 ans, le précompte mobilier passe de 5 % à 6,5 % pour les réserves constituées à partir de 2026. Le taux reste inférieur à celui applicable aux dividendes ordinaires, mais l’attrait du mécanisme s’en trouve réduit.

c. Aucun effet rétroactif : le régime actuel reste applicable aux réserves constituées jusqu’en 2025

La réforme ne s’appliquera qu’aux réserves constituées à partir de l’exercice 2026. Il est donc encore possible, en 2024 et 2025, de constituer une réserve de liquidation au taux actuel de 10 %, avec une sortie future à 5 %. Pour les professionnels, il s’agit d’un levier d’optimisation à activer sans attendre.


3. Enjeux pour les experts-comptables et conseillers fiscaux

a. Conseiller les décisions d’affectation du résultat 2024 et 2025

Les décisions prises lors des assemblées générales de 2025 et 2026 permettront encore de bénéficier du régime fiscal actuel. Il convient donc de proposer, simuler et documenter ces options dès à présent.

b. Anticiper les flux de trésorerie

La majoration de la cotisation complémentaire à 15 % exigera un effort de trésorerie plus important dès 2026. Une simulation comparative entre dividende classique, réserve de liquidation et mise en liquidation doit être intégrée dans l’analyse globale de rémunération.

c. Évaluer les stratégies alternatives

Pour certains clients, une distribution immédiate en VVPRbis, une réduction de capital ou une mise en liquidation partielle peuvent se révéler plus avantageuses que la réserve de liquidation. Une analyse au cas par cas reste indispensable.


4. Comment déterminer la période de cinq ans ?

La période minimale d’intangibilité de cinq ans, imposée pour bénéficier du taux réduit de précompte, doit être comptée en années comptables complètes, à partir de la clôture de l’exercice durant lequel la réserve a été constituée. Cependant, une question parlementaire écrite [3] a permis d’apporter une clarification utile : la seule inscription comptable d’un dividende à payer (au 31 décembre) ne remet pas en cause le délai, si la décision de distribution est prise après l’expiration des 5 ans.

Il est toutefois recommandé de ne pas inscrire la réduction de la réserve dans les comptes annuels avant la tenue effective de l’assemblée générale, afin d’éviter tout malentendu ou redressement.


5. Tableau récapitulatif des règles applicables

Exercice de constitution

Clôture comptable

AG minimale (respect délai 5 ans)

Distribution à 5 % possible dès

Taux post-2026

Taux en cas de distribution anticipée

2019

31/12/2019

Mai 2025

2025

inchangé

20 % ou 30 %

2020

31/12/2020

Mai 2026

2026

idem

idem

2021

31/12/2021

Mai 2027

2027

idem

idem

2022

31/12/2022

Mai 2028

2028

idem

idem

2023

31/12/2023

Mai 2029

2029

idem

idem

2024

31/12/2024

Mai 2030

2030

idem

idem

2025

31/12/2025

Mai 2031

2031

idem

idem

2026 et suivants

Dès 01/01/2026

+ 5 ans

Dès 2031 ou plus tard

15 % / 6,5 %

30 % (si moins de 5 ans)


Conclusion : anticiper et documenter les choix

La réforme de 2026 n’abroge pas le régime de la réserve de liquidation, mais en augmente le coût et la complexité stratégique. Elle impose aux professionnels du chiffre une réflexion anticipative, combinant aspects fiscaux, juridiques et de gouvernance.

Les membres de l’OECCBB sont appelés à jouer un rôle clé dans l’éducation fiscale de leurs clients et la préparation des décisions d’affectation. Un bon dossier de travail, des simulations précises, une documentation claire des assemblées et un suivi rigoureux sont autant de gages de sécurité dans la durée.


Références

  1. Article 184quater du Code des impôts sur les revenus 1992.
  2. Projet de loi-programme 2025, Doc. parl., Chambre, DOC 56 0909/026, Titre 2, chapitre 3, Section 3, p. 13 et s.
  3. Question parlementaire n° 1553 de Rik Van Biesen du 16 mars 2017, réponse publiée dans Fisc. Act. 2017, 19/11.

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