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Points d’attention pour les déclarations IPP 2025: ce que la jurisprudence nous apprend!

La période des déclarations fiscales est l’occasion de revenir sur quelques sujets qui méritent une attention particulière, au regard de la jurisprudence récente, des changements législatifs ou de la doctrine administrative.


1. Situation personnelle des contribuables

La déclaration fiscale commence toujours par les informations relatives à la situation du ou des contribuables concernés : statut conjugal et personnes à charge. Ces informations permettent à l’administration fiscale de procéder au calcul de l’impôt, en particulier la quotité exemptée d’impôt, qui peut être majorée en fonction des personnes à charge fiscalement. Ces personnes peuvent être des descendants, mais aussi des ascendants du contribuable. À ce sujet, une circulaire du 17 avril 2024 (2024/C/28) précise que l’analyse des ressources d’un ascendant en couple se fait en tenant compte uniquement de ses ressources personnelles (séparément de celles de son conjoint). Ce faisant, l’administration fiscale se range derrière la jurisprudence bruxelloise rendue sur la question[1].

Évoquons également les situations de coparenté et l’article 132bis CIR 92, qui permet la répartition des suppléments de quotité exemptée d’impôt entre les parents en cas de répartition égalitaire de l’hébergement des enfants entre les deux parents séparés. Cette disposition n’est toutefois ni obligatoire, ni automatique. En revanche, l’attribution intégrale de l’avantage fiscal ne peut être réalisée qu’en faveur du parent du ménage dont l’enfant fait partie au 1er janvier de l’exercice d’imposition – ce qui peut être présumé par la domiciliation de ce dernier.


2. Revenus immobiliers

La suppression de la déductibilité ordinaire des intérêts sur emprunts hypothécaires est encore possible pour les revenus de l’année 2024 : les modifications apportées à l’article 14 CIR 92 ne seraient applicables qu’à partir de l’exercice d’imposition 2026, mais pour tous les crédits, tant les nouveaux que ceux en cours.

Pour ce qui concerne les revenus immobiliers, les contribuables resteront attentifs à la potentielle requalification en revenus professionnels, en particulier pour les locations intensives sous forme d’Airbnb (plateforme qui doit communiquer annuellement les revenus de ses utilisateurs au fisc) et davantage encore lorsque la location est accompagnée de certains services (qui peuvent d’ailleurs entraîner un assujettissement à la TVA). Une décision anticipée n°2024.0714 du 22 octobre 2024 permet de comprendre les critères permettant d’éviter une requalification en revenus professionnels : le temps consacré à la location et les services proposés étaient limités (pas d’entretien quotidien, accueil via une boîte à clés, pas de petits déjeuners, pas de voyage touristique proposé, pas de fourniture de linge de lit). Rappelons que la partie immobilière des revenus ne peut être que de nature immobilière ou professionnelle (ils ne seront pas qualifiables de revenus divers).


3. Revenus professionnels

3.1. Avantages liés aux déplacements domicile-lieu de travail

À partir de l’exercice d'imposition 2025, l'avantage lié à la mise à disposition d'un vélo d'entreprise doit être mentionné dans la déclaration fiscale. Il doit être valorisé à sa valeur réelle[2]. Cet avantage en nature est exonéré fiscalement à condition que le travailleur utilise effectivement le vélo pour ses déplacements domicile-lieu de travail et qu’il fasse application du forfait pour la déduction de ses frais professionnels (qui s’élève à 5.930 € pour l’exercice d’imposition 2025)[3]. Pour pouvoir vérifier cela, cet avantage doit désormais être repris sur la fiche 281.10 et être repris dans la déclaration IPP.

Il en va de même pour l’indemnité kilométrique pour les trajets domicile-lieu du travail effectués à vélo, qui bénéficie d'une exonération sous certaines conditions. Le plafond par kilomètre est fixé à 0,35 euro, mais il existe également un plafond annuel de 3.500 euros. Enfin, ici aussi, l’exonération ne joue que si le travailleur fait application du forfait de frais professionnels (vs. les frais réels).

Au-delà des plafonds mentionnés ci-dessus, l'indemnité devient imposable. En principe, les fiches 281.10 tiennent compte de la limite par kilomètre (si l’employeur rembourse plus, l’excèdent est repris avec le salaire ‘normal’ sur la fiche) mais elles ne tiennent pas compte du forfait annuel de 3.500 €.

Les travailleurs doivent renseigner ces indemnités dans leur déclaration et peuvent en demander l’exonération dans la limite des 3.500 € par an. Si les indemnités annuelles excèdent ce montant, le travailleur peut encore postuler l’exonération ordinaire applicable à tous les déplacements « domicile-lieu de travail » (un montant de 490 euros par an maximum) si ce plafond n’est pas lui-même atteint par d’autres interventions de l’employeur dans les déplacements.

3.2. Autres ATN

Nous profitons de ces considérations relatives aux ATN pour rappeler quelques points d’attention en matière :

  • De recharge à domicile pour les véhicules électriques : aucun ATN supplémentaire pour la fourniture gratuite d’électricité lorsque l’employeur met à disposition (i.) un véhicule électrique avec carte de recharge publique ; ou (ii.) un véhicule que l’employé peut recharger dans l’entreprise gratuitement ou (iii.) un véhicule et prend en charge l’installation chez l'employé d’un compteur supplémentaire pour les recharges à domicile, si l'employeur a signé un contrat distinct avec un fournisseur d’énergie​. Par ailleurs, si l’employeur rembourse la recharge à domicile, il n’y a pas d’ATN supplémentaire si les conditions sont remplies (notamment si le remboursement est basé sur les frais réels d’électricité (Circulaire 2024/C/77 du 5 décembre 2024)) ;
  • D’intérêts fictifs : le taux des intérêts fictifs repris dans l’AR/CIR92 ne constitue pas une présomption irréfragable et il est possible d’utiliser le taux du marché pour calculer l’ATN, en se basant sur des données fiables, telles que celle de la Banque nationale de Belgique​ (Gand, 20 février 2024) ;
  • De mise à disposition d’un logement meublé : l'ATN forfaitaire pour un immeuble est égal à 100/60 du RC indexé multiplié par 2 et lorsqu'il est meublé, l'ATN est majoré de 2/3. Toutefois, certains meubles comme les chaises extérieures ou une chaise ergonomique ne sont pas inclus dans le forfait, nécessitant un ATN supplémentaire pour leur valeur réelle​ (Anvers, 16 janvier 2024) ;
  • Mise à disposition d’un travailleur domestique : l'ATN forfaitaire pour la mise à disposition d’un travailleur domestique est fixé à 5.950 € par personne à temps plein (non indexé). Cela vise les personnes qui exercent des fonctions continues comme le ménage ou la garde d'enfants et non des prestations ponctuelles, comme celles d’un jardinier ou d’un laveur de vitres (Question n°1829 de Monsieur le député Peter De Roover du 3 janvier 2024).

3.3. Frais professionnels et déduction pour investissement

Rappelons tout d’abord que les frais professionnels sont déductibles lorsqu’ils ont été faits ou supportés pendant la période imposable, ce qui inclus les dettes ou pertes certaines et liquides et qui sont comptabilisées comme telles. Or, le droit comptable impose la comptabilisation d’une dette au moment où elle survient, ce qui vaut également pour les professionnels indépendants qui doivent respecter les règles comptables[4].

En matière de perte, l’article 53, 15° du CIR 92 rejette la déduction des pertes d’une société prises en charge par des personnes physiques, sauf s’il s’agit de dirigeants d’entreprise qui réalisent cette prise en charge par un paiement, irrévocable et sans condition, d’une somme, effectué en vue de sauvegarder des revenus professionnels que ces dirigeants retirent périodiquement de la société et que la somme ainsi payée a été affectée par la société à l’apurement de ses pertes professionnelles. La Cour constitutionnelle a validé la condition relative au paiement effectif d’une somme et, par conséquent, l’impossibilité de déduire fiscalement la conversion d’un compte courant[5]. La rémunération perçue par le dirigeant ne peut, quant à elle, être symbolique (tel qu’un ATN pour mise à disposition d’un logement meublé[6]).

Il convient également d’être attentif aux frais professionnels « déraisonnables », lorsque l’activité (principale ou accessoire) est à ce point déficitaire que l’administration estime pouvoir rejeter la déductibilité des frais pour ramener la perte à zéro (et éviter une imputation de cette perte sur les revenus du conjoint, par exemple). La jurisprudence considère toutefois que les dépenses liées à des déficits récurrents ne permettent pas systématiquement de conclure à leur caractère déraisonnable : un examen doit être effectué au cas par cas[7].

L’article 64ter CIR 92 prévoit que les frais d'abonnement aux programmes de facturation électronique et les frais de consultance nécessaires à l’opérationnalisation de la facturation électronique peuvent être déduits à hauteur de 120 %. Cette déduction s’applique à compter de l’exercice d’imposition 2025, avec une suppression de cette déduction prévue à partir de 2029. Elle ne s’applique pas aux actifs qui font l’objet d’amortissements.

Depuis le 1er janvier 2025, il existe un nouveau système de déduction pour investissement, découpé en trois systèmes chacun avec des pourcentages fixes. Il n’est applicable qu’aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2025 de sorte que, pour la déclaration fiscale qui nous occupe, c’est l’ancienne DPI qui s’applique. En bref rappel, pour les personnes physiques, cette DPI s’applique soit en une fois sur la valeur d’investissement, au taux de 8%. Certains investissements (numériques, brevets, R&D, économiseurs d’énergie, investissements en sécurisation, etc.) sont éligibles à une DPI majorée en une fois. Le contribuable doit remettre un formulaire 275U avec sa déclaration IPP.

3.4. Plus-value professionnelle et remploi

Lorsqu’un actif est affecté à l’activité professionnelle du contribuable, la plus-value réalisée sur cet actif est imposable comme revenu professionnel. Dans certains cas, le contribuable peut remployer le produit de la vente dans un nouvel actif amortissable et étaler la taxation de la plus-value réalisée au même rythme que les amortissements du nouvel actif acquis en remploi (article 47 CIR 92). Le remploi est possible lorsque le bien cédé volontairement avait la nature d’immobilisation corporelle depuis plus de cinq années.

La jurisprudence récente a confirmé que les travaux de transformation et d’amélioration d’un bien immeuble doivent être examinés distinctement du bâtiment lui-même. Il convient alors de déterminer, sur la base de données concrètes et probantes, la partie de la plus-value qui se rapporte à ces travaux récents, seule la partie de la plus-value relative aux actifs détenus depuis plus de cinq ans pouvant faire l’objet du remploi[8]. L’administration a également précisé les délais applicables en cas de plus-value forcée, qui est censée être réalisée au moment où l’indemnité a acquis la nature de créance liquide et certaine[9]. Le contribuable n’oubliera pas de compléter le formulaire 276K, même si la jurisprudence a confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une formalité substantielle sanctionnée par la loi qui empêcherait de bénéficier du remploi (du moins lorsque la volonté de remploi ressort d’autres éléments probants)[10].


4. Revenus mobiliers

En matière de revenus mobiliers, rappelons que le Ministre des finances a annoncé que l’administration se rangeait derrière la jurisprudence répétée de la Cour de cassation, qui confirme que les dividendes français peuvent bénéficier de la QFIE de 15%, qu’ils aient été repris ou non (en cas de précompte libératoire) dans la déclaration[11].

Rappelons également les modifications importantes du régime fiscal favorable des « droits d’auteur » intervenues en décembre 2022[12], qui ont exclus de facto les informaticiens (la Cour constitutionnelle a validé cette exclusion dans son arrêt du 16 mai 2024) et d’autres professions pour lesquels la loi avait été très largement appliquée.

Un régime transitoire d'un an avait été prévu pour les contribuables ayant été imposés sur des revenus de droits d'auteur en 2022 et ne pouvant plus bénéficier du nouveau régime, leur permettant d'appliquer celui-ci uniquement en 2023, avec des plafonds et tranches réduits de moitié, avant l'abrogation du régime fiscal des droits d'auteur de ces contribuables pour l'année de revenus 2024. La déclaration IPP de l’exercice 2025 a été adaptée et ne fait plus état de ce régime transitoire.


5. Revenus divers

Parmi les revenus divers, mentionnons la question délicate des plus-values sur cryptoactifs qui, dans l’état actuel de la législation, peuvent constituer des revenus divers visés à l’article 90, §1er, al. 1 CIR 92. L’administration fiscale peut considérer que le comportement du contribuable est spéculatif et excède la gestion normale d’un bon père de famille. Les plus-values, qui sont réalisées à l’occasion de chaque opération (et pas uniquement lors d’une conversion vers des monnaies scripturales), sont alors imposables au taux de 33%. Pour évaluer son comportement, le contribuable peut s’aider de la liste de question publiée par le Service des Décisions Anticipées et des rulings publiés[13].

Cette analyse est d’autant plus importante que la DAC8 entrera en vigueur le 1er janvier 2026 : l’administration fiscale aura connaissance des investissements en cryptoactifs des contribuables belges et pourra mener des contrôles ciblés… également pour les années antérieures.

En matière de plus-value sur actions, c’est le montant net qui sert de base imposable, qui peut tenir compte des frais que le contribuable justifie avoir faits ou supportés pendant la période imposable, en ce compris les frais d’avocats exposés pour la vente des actions[14].

6. Autres mentions et annexes

Rappelons encore l’obligation de déclarer l’existence des comptes bancaires à l’étranger, ce qui comprend les comptes « crypto » détenus au travers de plateforme d’échanges établies à l’étranger.

Il est également important de s’interroger sur la qualité de fondateur ou de bénéficiaire d’une « construction juridique » soumise à la Taxe Caïman et, le cas échéant, de la déclaration au cadre XIII de la déclaration IPP et compléter l’annexe 276 CJC et la joindre à la déclaration fiscale.

Si le contribuable déduit des indemnités à titre de frais professionnels réels pour la location de biens immobiliers (ou la constitution ou cession de droits réels immobiliers d’usage sur des biens immobiliers), il doit désormais le préciser dans ce même cadre XIII et joindre l’annexe 270 MLH à sa déclaration fiscale[15], dans laquelle l’identité précise du bénéficiaire des indemnités doit être mentionnée pour faciliter les contrôles fiscaux.

Nous rappelons enfin la nécessité de déclarer les revenus mondiaux et d’en demander l’exonération fiscale si une CPDI le permet, en général dans le cadre relatif au revenu exonéré. Le fisc met désormais à disposition une application en ligne pour déterminer où les revenus étrangers (du moins pour huit pays) sont imposables, selon leur origine et leur nature.


7. Délais et modalités de dépôt des déclarations

Les dates limites de dépôt des déclarations à l'impôt sur les revenus pour l'exercice d'imposition 2025 sont les suivantes :

  • 30 juin 2025 : pour les déclarations simples déposées sur papier.
  • 15 juillet 2025 : pour les déclarations simples déposées via Tax-on-web.
  • 16 octobre 2025 : pour les déclarations complexes, incluant les revenus professionnels étrangers, les bénéfices, les rémunérations de dirigeants d'entreprise et les revenus de conjoints aidants.

Les contribuables doivent respecter ces délais afin d'éviter des pénalités. En cas de retard, des intérêts de retard peuvent s’appliquer, ainsi que des amendes administratives.

Dans sa conférence de presse du 29 avril 2025, la Ministre des Finances a annoncé l’instauration d’un droit à l’erreur qui permettrait au contribuable de bonne foi d’éviter d’être condamné à un accroissement d’impôt pour une première erreur.

En bref, l’administration fiscale avance sur la digitalisation de ses services et, en parallèle, le Ministre des Finances a annoncé sa volonté de rendre l’administration à nouveau joignable de façon personnalisée. Cela semble aller dans le sens d’une meilleure collaboration entre contribuables, professionnels du chiffre et administration fiscale. Malgré tout, la volonté de simplification de la déclaration fiscale reste un objectif difficile à atteindre sans une simplification de la fiscalité elle-même.


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[1] Civ. Bruxelles, 25 novembre 2022, RG 2021/1200/A.

[2] Circulaire 2024/C/22 du 28 mars 2024.

[3] Voy. article 38, §1er, al. 1, 14°, b) CIR 92

[4] Gand, 13 juin 2023 ; Anvers, 17 février 2009 ; Anvers, 23 juin 2009 et Anvers, 11 juin 2019.

[5] CC, 28 novembre 2024, arrêt n°145/2024.

[6] Gand, 12 décembre 2023.

[7] Civ. Namur, 5 décembre 2024 ; Bruxelles, 15 décembre 2020 ; Bruxelles, 24 mars 2021 et Civ. Brabant wallon, 17 mars 2023.

[8] Cass., 15 mars 2024.

[9] Circulaire 2024/C/57 du 6 septembre 2024 ; position applicable à partir de cette date.

[10] Gand, 21 mai 2024.

[11] Cass., 23 novembre 2023 et Cass., 21 juin 2024.

[12] Loi-programme du 26 décembre 2022, M.B., 30 décembre 2022 (art. 100 à 109)

[13] Par exemple : décision anticipée 2025.0054 du 17 avril 2025 ; 2025.0026 du 15 avril 2025.

[14]Anvers, 17 septembre 2024.

[15]Voy. L’avis du 14 mars 2024 déterminant le modèle de l'annexe à joindre à la déclaration à l'impôt sur les revenus par le locataire d'un bien immobilier ou le titulaire d'un droit réel d'usage sur un bien immobilier, visée à l'article 307, § 2/2 du CIR 92, M.B., 14.03.2024, p. 32088

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