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Plus-values sur actions: L'OECCBB s'interroge sur une des méthodes de valorisation préconisée par le fisc !

Taxation des plus-values sur actions : la méthode préconisée par le fisc dans l’avant-projet de loi est-il cohérent ?

Valorisation sur base de l’EBITDA pour une PME non cotée – L’OECCBB s’interroge sur une des méthodes de valorisation !

Introduction

Dans l’avant-projet de loi visant la taxation des plus-values sur actions, comment déterminer la plus-value imposable ?

1. La plus-value est égale au prix reçu moins la valeur d'acquisition. Les frais ou taxes ne sont pas déductibles.

2. Peuvent être déduites : les moins-values subies au cours de la même période imposable dans la même catégorie (1, 2 ou 3) de plus-values imposables.

3. La méthode FIFO (First In, First Out) doit être utilisée lorsque des actifs de nature similaire ont été achetés à des moments différents.

4. Pour les options d'achat d'actions et les actions avec réduction de prix, la valeur d'acquisition est égale à la valeur des actions au moment de l'exercice de l'option ou au moment de l'acquisition des actions ou à la valeur de l'option au moment de son exercice possible.

5. En cas d'émigration, le prix reçu est égal à la valeur au moment de l'émigration. En cas d'immigration, la valeur d'acquisition est égale à la valeur au moment de l'immigration.

6. Pour les actifs libellés en monnaie étrangère, le taux de change au moment de l'achat et de la réalisation doit être utilisé.

7. Exonération des plus-values historiques : si les actifs sont acquis avant le 1/1/26, l’avant-projet de loi prévoit que la valeur d'acquisition est égale à la valeur au 31/12/25, sauf si la valeur d'acquisition est plus élevée (jusqu'au 31 décembre 2030).


1.- La valeur au 31/12/25

1. Pour les actifs financiers cotés, elle est égale au cours de clôture de 2025.

2. Pour les transactions d'assurance-vie et de capitalisation, elle est égale à la plus élevée de la réserve d'inventaire au 31/12/25 ou de la somme des primes payées.

3. Pour les actifs financiers non cotés, elle est égale à la plus élevée de :

  • 1. La valeur appliquée entre parties indépendantes, à l'occasion de la constitution de la société ou de sa dernière augmentation de capital au cours de 2025.
  • 2. La valeur résultant d'une formule d’évaluation dans un contrat ou une offre contractuelle d'option de vente effective au 1/1/26.
  • 3. En cas d'actions et d'instruments assimilés à des actions : fonds propres + 4 x EBITDA de la dernière clôture de l'exercice avant le 1/1/26.

Alternativement, le contribuable peut également appliquer une valeur déterminée par un réviseur d’entreprise qui n’est pas le commissaire ou un expert-comptable indépendant certifié au plus tard le 31/12/26.

Revenons aux principes de base et à quelques rappels bien utiles :

1. Principe de la méthode

La méthode de valorisation fondée sur l’EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization) consiste à appliquer un multiple à un EBITDA normatif, représentatif de la rentabilité d’exploitation récurrente de l’entreprise.

L’EBITDA normatif fait référence à une note technique 2017/01 de la Commission des Normes Comptables

La notion d’EBIT, soit Earnings Before Interest and Taxes, est assimilée à ce que l’on appelle le bénéfice opérationnel ou la perte opérationnelle. En d’autres termes, ce critère de performance ne tient pas compte de l’impact de la structure du capital de l’entreprise concernée, ni des divers aspects fiscaux de l’entreprise repris au compte de résultats.

L’EBIT a été suivie de l’EBITDA, soit Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization. Ce critère élimine encore certains autres éléments hors caisse du compte de résultats, à savoir les charges d’amortissement et les réductions de valeur.

Le passage de l’EBIT à l’EBITDA est assez évident. En effet, par rapport à l’EBIT, deux corrections supplémentaires sont apportées au niveau des éléments hors caisse : depreciations et amortizations (réductions de valeur et amortissements). Etant donné que le compte de résultats belge comporte une classification fonctionnelle et selon la nature, les rubriques relatives aux réductions de valeur et amortissements sont décomposées en plusieurs rubriques du compte de résultats.
Le passage de l’EBIT à l’EBITDA à la suite de la transposition de la directive comptable se passe dès lors comme suit :

Bénéfice (perte) de l’exercice avant impôts

9903

C 4

- Produits des immobilisations financières

750

C 4

- Produits des actifs circulants

751

C 4

- Autres produits financiers

752/9

C 4

+ Charges des dettes

650

C 4

+ Autres charges financières

652/9

C 4

- Autres produits financiers non récurrents

769

C 6.12

+ Autres charges financières non récurrentes

668

C 6.12

EBIT

+ Amortissements et réductions de valeur sur frais d’établissement, sur immobilisations incorporelles et corporelles

630

C 4

+ Réductions de valeur sur stocks, sur commandes en cours d'exécution et sur créances commerciales : dotations (reprises)

631/4

C 4

+ Amortissements et réductions de valeur exceptionnels

660

C 4

- Reprise d'amortissements et de réductions de valeur sur immobilisations incorporelles et corporelles

760

C 4

+ Réduction de valeur sur actifs circulants

651

C 4

+ Réductions de valeur sur immobilisations financières

661

C 6.12

- Reprise de réduction de valeur sur immobilisations financières

761

C 6.12

EBITDA

Formule générale :

Valeur d’entreprise (VE) = EBITDA normatif × multiple

Puis :

Valeur des actions = VE – Dette nette ± Ajustements (trésorerie excédentaire, actifs non opérationnels, etc.)

2. - Étapes de mise en œuvre

  1. Détermination de l’EBITDA normatif
    1. Moyenne pondérée sur 3-5 ans
    2. Ajusté des éléments non récurrents (indemnités exceptionnelles, événements COVID, etc.)
    3. Ajustements de rémunération des dirigeants (en PME, souvent sur- ou sous-rémunérés)
  2. Sélection du multiple
    1. Tiré de transactions comparables (même secteur, même taille, même zone géographique)
    2. Données de marché (ex. : bases de données M&A : Capital IQ, Epsilon, Infront, etc.)
    3. Souvent entre 4x et 8x pour une PME, mais très dépendant du risque, de la croissance et de la taille. A ce titre, nous renvoyons le lecteur au rapport « Transmissions d’entreprises 2024 » de Wallonie Entreprendre (WE) qui donne une illustration des coefficients possibles selon les secteurs (Voir Annexe)
    4. Le prix est fonction de l’opportunité du vendeur et de l’acheteur. Il peut y avoir une grande différence entre les 2 !
  3. Déduction de la trésorerie nette
    1. Emprunts financiers – trésorerie disponible = trésorerie nette
  4. Décote d’illiquidité pour les sociétés non cotées.

Rappelons également que dans un de ses très nombreux ouvrages Gérard Delvaux, reviseur honoraire, expert-comptable certifié et Président honoraire de l’Ordre a rappelé la nécessité d’ajouter une cote d’illiquidité pour les sociétés non cotées.

La cote d’illiquidité (ou décote d’illiquidité) est une réduction appliquée à la valeur d’une action non cotée pour tenir compte du fait qu’elle est moins facilement négociable qu’une action cotée sur un marché organisé. Cette décote est particulièrement pertinente en évaluation d’entreprises (private equity, opérations de transmission, fiscalité) lorsqu’on applique des méthodes de valorisation fondées sur les comparables boursiers ou l’actualisation de flux de trésorerie.

1.Définition et principe

  • Illiquidité : incapacité ou difficulté à vendre rapidement un titre sans perte significative de valeur.
  • Décote d’illiquidité : ajustement en pourcentage appliqué à la valeur d’une action cotée (ou valeur théorique) afin d’estimer la valeur d’une action équivalente mais non cotée.
  • Motif : un investisseur dans une société non cotée fait face à :
    • absence de marché secondaire immédiat,
    • coûts de transaction plus élevés,
    • délais de cession plus longs,
    • risque accru de non-réalisation de la valeur.

2.Facteurs influençant la décote

  • Taille de l’entreprise (PME → décote plus élevée).
  • Structure du capital (actions minoritaires → décote accrue).
  • Perspectives de sortie (existence d’investisseurs ou IPO planifiée réduit la décote).
  • Conditions de marché et secteur d’activité.

3.Valeurs indicatives (littérature)

  • Décote typique : 20 % à 35 % (Silber, 1991 ; Pratt, 2009).
  • Actions de PME familiales : souvent >30 %.
  • Études plus récentes : tendance à des décotes plus faibles en présence de pactes d’actionnaires ou mécanismes de liquidité.

Références bibliographiques relative à la décote

Silber, W. L. (1991) – Discounts on restricted stock: The impact of illiquidity on stock prices. Financial Analysts Journal, 47(4), 60–64.

Pratt, S. P. (2009) – Valuing a Business: The Analysis and Appraisal of Closely Held Companies. McGraw-Hill Education.

Longstaff, F. A. (1995) – How much can marketability affect security values? Journal of Finance, 50(5), 1767–1774.

Bajaj, M., Denis, D. J., Ferris, S. P., & Sarin, A. (2001) – Firm value and marketability discounts. Journal of Corporation Law, 27, 89.

Finnerty, J. D. (2012)The impact of transfer restrictions on stock prices: A test of the illiquidity discount.Financial Management, 41(2), 241–270.

FMV Opinions, Inc. (2020)Discounts for lack of marketability: Empirical data and analysis.

En résumé :
La décote d’illiquidité reflète le coût économique de la difficulté à céder une action non cotée. Elle est généralement estimée empiriquement (20–35 %) ou via des modèles financiers (option-based), avec une ampleur variant selon la taille, le risque et la structure du titre.

3.- Avantages de la méthode EBITDA

Simplicité et clarté
→ Méthode bien comprise par les praticiens et les investisseurs

Centrée sur la rentabilité opérationnelle
→ Exclut les effets de la structure financière et des choix fiscaux

Approche du marché
→ Se rapproche des pratiques de valorisation dans les fusions-acquisitions

Pertinente pour les secteurs à investissements capitalistiques stables
→ PME industrielles, services B2B récurrents, etc.

Utile pour mesurer la capacité à générer du cash opérationnel

4.- Inconvénients et limites

⚠️ Approche très dépendante du multiple choisi
→ Le choix du multiple est souvent subjectif et peut varier fortement selon les sources.
Il fait l’objet d’un débat entre le vendeur et l’acheteur

⚠️ Peu adaptée aux entreprises en forte croissance ou en retournement. On lui préférera la méthode du « Dicounted Cash Flow)
→ L’EBITDA historique n’est pas toujours représentatif du potentiel futur

⚠️ Ignore les besoins d’investissement (Capex)
→ Deux entreprises avec le même EBITDA mais des Capex différents ne valent pas la même chose

⚠️ Ne reflète pas la structure du BFR (stock+créances- fournisseurs-dettes fiscales,sociales et salariale : doit être positif)
→ Risque de surestimer la valeur si l’entreprise consomme beaucoup de trésorerie dans son cycle d’exploitation

⚠️ Peut occulter des éléments non opérationnels importants
→ Par exemple, actifs non utilisés dans l’exploitation, contrats clés, litiges latents, immobilisés sous -estimés (amortissements surestimés)

5.- Conclusion

La méthode basée sur l’EBITDA est particulièrement utilisée dans le cadre de valorisations à des fins de transmission ou de levée de fonds, mais elle doit être croisée avec d’autres approches (patrimoniale, DCF, etc.) pour une PME non cotée, surtout si :

  1. L’entreprise a une rentabilité instable,(faire une analyse pluri annuelle)
  2. Elle est fortement capitalistique ou consomme beaucoup de BFR,
  3. Ou si des facteurs non financiers (clientèle clé, dépendance à un dirigeant, etc.) influencent fortement la valeur.

6.- Dès lors, quel est l'avantage ou le désavantage d'ajouter les fonds propres (selon la formule du fisc ?)

Ajouter les fonds propres à une valorisation basée sur l’EBITDA n’est pas une démarche correcte en principe, car cela revient à additionner deux approches différentes.

Faut-il ajouter les fonds propres à une valorisation basée sur l’EBITDA ?

1. Que représente la valorisation sur base de l’EBITDA ?

La valorisation par l’EBITDA, via un multiple, donne une valeur d’entreprise (VE), c’est-à-dire la valeur de l’actif économique brut, avant prise en compte :

  1. des dettes financières,(ne retient pas les intérêts)
  2. et donc indépendamment des fonds propres comptables.

On en déduit ensuite la valeur des actions (ou des fonds propres économiques) en retranchant la dette nette.

2. Que représentent les fonds propres comptables ?

Les fonds propres comptables figurant au bilan représentent :

  1. l’apport initial des associés (capital),
  2. les réserves,
  3. les résultats reportés ou bénéficiaires.

Mais ils reflètent une valeur historique ou comptable, qui ne correspond souvent pas à la valeur économique actuelle.

3. Dans quels cas les fonds propres peuvent-ils être pris en compte ?

Il est pertinent de les examiner :

  1. pour contrôler la cohérence de la valeur issue des autres méthodes (ex : si la VE déduite de l’EBITDA donne une valeur des actions bien inférieure aux FP, il faut investiguer),
  2. ou dans une approche patrimoniale (liquidation, sociétés immobilières, holding...).

Mais les ajouter à une valorisation par EBITDA revient à compter deux fois la même chose ou à additionner des éléments non comparables.

4. Pourquoi ne faut-il pas les ajouter dans la méthode EBITDA ?

⚠️ Raisons

Explication

Double comptage possible

La valeur des actions obtenue après la méthode de l’EBITDA tient déjà compte de la rentabilité de l’actif économique financé en partie par ces fonds propres.

Mélange d’approches

La méthode par multiples est une approche de rendement ; les FP sont une approche comptable/patrimoniale.

Distorsion de la valeur

Si les FP sont élevés à cause de réévaluations ou de réserves non distribuées, on risque de surévaluer l’entreprise.

Non représentatif du marché

Les acheteurs se basent sur des multiples de résultats, pas sur la valeur comptable du passé.

7.- Enseignements à en tirer ?

Il n’est pas conseillé d’ajouter les fonds propres à une valorisation par l’EBITDA.

En revanche, on peut :

  1. Les comparer à la valeur issue de la méthode,
  2. Les utiliser dans une approche patrimoniale parallèle,
  3. Ou les mobiliser dans des négociations (ex. : capital à reconstituer).
  • Reporting_Cession__Acquisition_2024 wallonie Entreprendre PVactions.pdf

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