La finitude : une réalité à intégrer d’urgence dans nos politiques publiques

La finitude, notion évoquant la limitation intrinsèque de toute ressource, capacité ou processus, nous confronte à la réalité que l’humanité ne peut survivre à l’infinité. Bien que souvent perçue comme une contrainte, la finitude est, en fait, un concept fondamental à intégrer dans nos modes de vie, nos décisions économiques et politiques, et nos relations avec l’environnement.

Comment la finitude s’étend jusqu’à nos finances publiques et pourquoi ce concept devrait influencer davantage nos prochains accords gouvernementaux ? Décodage.

Finitude : un simple mur qui délimite notre périmètre du possible

La finitude se définit comme l’impossibilité d’une existence illimitée, tant pour les ressources naturelles que pour les ressources humaines. Selon Wikipédia, la finitude est liée à l’idée de limites imposées par la nature des choses, en l’occurrence la vie humaine et les ressources disponibles. Ce concept s’oppose directement aux idéaux de croissance illimitée ou d’expansion infinie, souvent véhiculés dans les modèles économiques traditionnels. La finitude nous rappelle que tout ce que nous utilisons, concevons ou consommons a un point d’épuisement inévitable. Nos actions, aussi banales soient-elles, nous placent ainsi face à un mur de limites : limites des matières premières, de l’énergie, des écosystèmes, mais également des capacités humaines. Ces limites constituent finalement une sorte de « terrain de jeu » dont les acteurs devraient simplement admettre qu’il n’y pas partie jouable au-delà de son périmètre.

Les exemples sont nombreux au quotidien

Pour comprendre cette finitude, il suffit de se pencher sur quelques exemples édifiants, qui ne manquent pas de nous rappeler que nos ressources naturelles s’épuisent, souvent de façon irréversible.

  • Les hydrocarbures. Pilier de notre économie et de nos modes de vie actuels, le pétrole, le gaz naturel et le charbon sont pourtant des ressources limitées. Les estimations montrent qu’au rythme de consommation actuel, certaines réserves d’hydrocarbures pourraient être épuisées d’ici la fin du siècle. Or, l’énergie est le moteur de tous nos progrès.
  • L’eau potable : Ressource vitale pour l’humanité, l’eau douce est pourtant en diminution, représentant moins de 1 % de l’eau totale sur la planète. En raison de la croissance démographique et des changements climatiques, on estime que d’ici 2030, environ 40 % de la population mondiale vivra en situation de stress hydrique. L’accès à l’eau n’est pas illimité.
  • La croissance démographique. En 2022, la population mondiale a franchi la barre des 8 milliards d’individus. Cette augmentation démographique exerce une pression croissante sur les ressources, qu’il s’agisse de la nourriture, des énergies ou des terres cultivables. La terre, bien que vaste, est finie, tout comme ses capacités de production. Peut-on augmenter notre population à l’infini. Les modèles démographiques en doute.
  • La biodiversité et la nourriture. Nos systèmes de production alimentaire intensifs entraînent une érosion de la biodiversité et l’épuisement des sols. La surpêche, la déforestation et l’agriculture intensive réduisent drastiquement le nombre d’espèces et de surfaces cultivables, menaçant notre capacité à nourrir la population mondiale sur le long terme. L’emprunte humaine imapcte et modifie les perspectives de vie des especès.

Ces exemples montrent clairement que la finitude ne relève pas d’une théorie abstraite, mais d’une réalité tangible, mesurable et préoccupante. Nos modes de vie actuels dépassent largement les capacités de régénération de la planète.

La finitude s’étend aux ressources financières : elles vivent les mêmes réalités.

La finitude ne concerne pas uniquement nos ressources naturelles ; elle s’étend également aux ressources financières. Cette finitude économique souligne que même les outils financiers, bien qu’ils semblent être des leviers puissants et infinis, présentent des limites qu’il est urgent de reconnaître et d’intégrer.

  • La dette publique : La croissance continue de la dette dans de nombreux pays, y compris en Belgique, révèle une illusion de prospérité. Aujourd’hui, les dettes publiques atteignent des niveaux historiquement élevés. Bien que l’endettement puisse soutenir certaines dépenses, il n’est pas une solution infinie. Les futures générations devront assumer le poids des intérêts et des remboursements, limitant d’autant leur capacité d’action.
  • La création monétaire : Le recours à la « planche à billets » ou aux politiques de « quantitative easing » a été utilisé pour relancer l’économie après des crises successives. Cependant, créer de l’argent à volonté n’est pas une réponse durable. La multiplication de la masse monétaire peut entraîner une perte de confiance dans la valeur de la monnaie et un risque inflationniste significatif, comme le montrent les tensions actuelles sur les prix.
  • Les taux d’intérêt : Les politiques de baisse des taux d’intérêt, bien qu’utiles pour encourager la consommation et l’investissement, ne sont pas non plus inépuisables. L’ère des taux proches de zéro interpelle aujourd’hui face aux pressions inflationnistes, rappelant que même les taux d’intérêt obéissent à des cycles et des limites.

En matière de finances, comme pour les ressources naturelles, ignorer la finitude pourrait amener des déséquilibres économiques et financiers majeurs. A défaut, la monnaie pourra devenir une source de méfiance avec le risque d’écroulement qui l’a sous-tend.

Finitude et politique : un appel à la responsabilité dans les choix de demain

Les décideurs politiques, qu’ils soient en Belgique ou ailleurs, doivent prendre conscience de cette finitude pour en faire une pierre angulaire de leurs politiques publiques. En cette période de négociations pour l’accord gouvernemental Arizona, la prise en compte de la finitude des ressources est cruciale. Chaque choix politique doit être envisagé non seulement en fonction des opportunités qu’il crée, mais aussi des limites qu’il impose.

Les dépenses publiques, l’imposition fiscale, les programmes sociaux ou encore les investissements dans les infrastructures ne peuvent s’envisager dans une logique d’infini. Pour soutenir une croissance durable et une gestion responsable, il est essentiel que chaque investissement public soit pesé et priorisé. Les décisions de dépenses et les priorités budgétaires doivent s’accompagner de choix assumés, impliquant nécessairement des renoncements.

La démocratie, et plus particulièrement les élections, devraient être le moment où les citoyens, en votant pour un programme, choisissent également les renoncements et les limites qu’ils sont prêts à accepter. Il est donc de la responsabilité des élus de proposer des politiques transparentes, en cohérence avec les ressources limitées de notre société.

Choisir !

En somme, l’intégration de la finitude dans nos politiques publiques est une question de pragmatisme et de responsabilité envers les générations futures. Refuser de voir les limites, c’est risquer de s’écraser contre elles. Plutôt que de chercher des solutions de facilité qui reposent sur l’illusion d’une abondance sans fin, il est temps de construire des politiques qui tiennent compte de nos ressources réelles et des contraintes qui en découlent. Les défis de demain, qu’ils soient écologiques, économiques ou sociaux, nécessitent des choix clairs, des renoncements et une transparence politique assumée. C’est à ce prix que nous pourrons bâtir un avenir durable, en phase avec les réalités de notre époque.


Cette chronique a également été publiée dans l'Echo en version plus courte.

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