En finance, certains mystères persistent, et la décote des holdings en est un parfait exemple. Feu mon maître à penser en finance, le Prof. Dr. André Farber, qui fut mon directeur de mémoire et de thèse de doctorat, m’avait un jour confié que c’était la « bouteille à encre » de la finance. Il y a une quinzaine d’années, j’avais consacré un livre à cette question, sans pour autant percer pleinement ce mystère.
Pourquoi la valeur boursière d’un holding est-elle souvent inférieure à sa valeur intrinsèque ? Prenons un cas concret : un holding dont la valeur intrinsèque, calculée comme la somme des actifs sous-jacents, s’élève à 100, mais dont le cours boursier stagne à 80. Cela représente une décote de 20 %. Ce phénomène, bien connu des investisseurs, soulève une question fondamentale : qu’est-ce qui explique cette distorsion entre la « vraie » valeur et celle perçue par le marché ?
Une hypothèse convaincante réside dans la différence de coût du capital entre les actionnaires majoritaires et minoritaires. Les majoritaires, souvent des fondateurs ou des investisseurs stratégiques, adoptent une vision de long terme. Ils ne vendent pas leurs actions et valorisent le holding à un coût du capital plus faible. Imaginons un taux sans risque de 3 % et une prime de risque de 8 % : leur coût du capital s’établit à 11 %. À ce taux, les flux futurs du holding justifient sa valeur intrinsèque de 100.
Les minoritaires, en revanche, qui façonnent le cours boursier, exigent un rendement plus élevé, reflétant une perception (erronée d’ailleurs) accrue du risque – manque de liquidité, faible influence sur la gouvernance ou incertitudes sur la stratégie.
Si la valeur intrinsèque (100) est obtenue en actualisant les flux futurs à 11 %, et la valeur boursière (80) en utilisant le coût du capital des minoritaires, on trouve que ce dernier s’élève à 13,75 %. En retranchant le taux sans risque (3 %), la prime de risque des minoritaires atteint 10,75 %. Ces 2,75 points d’écart avec la prime des majoritaires expliquent la décote : le marché, dominé par les minoritaires, applique un taux d’actualisation plus strict, réduisant la valeur perçue.
Une chose est certaine : devenir actionnaire d’un holding n’a de pertinence que si l’on adopte une perspective à aussi long terme que celle de l’actionnaire dominant. La décote persiste jusqu’à ce qu’un événement exceptionnel se présente, comme un retrait de la cote, une fusion ou une revalorisation. À ce moment, souvent très lointain ou incertain, la décote peut être encaissée par les minoritaires, si le holding est alors valorisé à sa valeur intrinsèque.