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La chronique. Quand on vous parle de fin du droit de superficie et que vous êtes dirigeant…

Votre ordre préféré pense à vous. Chaque semaine, vous aurez désormais droit en exclusivité à une petite chronique centrée sur l’actualité et le contentieux fiscal. Une manière agréable et didactique de démarrer la semaine, de s’informer et d’informer vos clients si vous le souhaitez.

Elle n’est pas belle, la vie …


Fin du droit de superficie entre un dirigeant et sa société: pièges fiscaux à anticiper


Le mécanisme civil : la liberté des parties à l’épreuve du fisc

Le droit de superficie est fréquemment utilisé dans les relations entre un dirigeant d’entreprise propriétaire d’un terrain et sa société d’exploitation, afin de permettre à cette dernière de construire sur le terrain sans devoir en devenir propriétaire.

Sur le plan civil, le schéma est clair : à l’expiration du droit (généralement 20 ans), la société superficiaire perd ses droits, et le propriétaire du sol récupère les constructions érigées, sauf stipulation contraire.

L’article 3.177 du Code civil consacre la possibilité pour les parties de convenir librement du sort des constructions à l’expiration du droit : soit elles reviennent au propriétaire du sol sans indemnité, soit elles font l’objet d’une indemnisation convenue entre parties.


La position du fisc : la fiction de la neutralité civile cède le pas à la réalité fiscale

L ’administration fiscale belge ne partage pas cette lecture neutre.

Lorsque le propriétaire du sol et le titulaire du droit de superficie sont liés (p. ex. un dirigeant et sa société), la disparition du droit de superficie sans indemnité soulève, selon le fisc, le Service des décisions anticipées et la majeure partie de la jurisprudence une requalification en avantage.

Deux situations sont distinguées :

Si aucune indemnité n’est prévue, la société est réputée avoir accordé un avantage de toute nature à son dirigeant, correspondant à la valeur vénale des constructions transférées gratuitement.

Si le dirigeant est copropriétaire du terrain avec son conjoint, ce qui arrive fréquemment, cet avantage de toute nature est calculé à concurrence de la quote-part de la valeur des constructions correspondant à la quote-part de parts de copropriété détenue par le dirigeant.

Si un non dirigeant est copropriétaire du terrain, la société est réputée lui avoir octroyé un avantage anormal ou bénévole (art. 26 CIR 92) valorisé à la quote-part de la valeur des constructions correspondant à la quote-part des parts de copropriété que le dit conjoint non dirigeant possède sur le terrain.


Exemple ?

Un couple est propriétaire d’un terrain à concurrence de 50 % de parts de copropriété chacun.

Il a consenti un droit de superficie à la société dont un seul des conjoints est actionnaire et administrateur.

La société construit un immeuble sur ce terrain en vertu de ce droit de superficie et aucune indemnisation n’est prévue.

A l’expiration du droit, les constructions, d’une valeur de 400.000 € à ce moment-là, deviennent automatiquement et sans indemnité la propriété des conjoints.

Si le fisc, qui contrôle quasi systématiquement ce genre de situation, s’aperçoit de la situation, il taxera le dirigeant sur base d’un avantage en nature à concurrence de 200.000 €, qui viendront s’ajouter au revenu imposable globalement du contribuable et seront taxés aux taux progressifs par tranches (soit le plus souvent à 50 % s’il y a d’autres revenus pour l’exercice d’imposition considéré), majorés des additionnels communaux et d’accroissements d’impôts.

Par ailleurs, la société verra sa base d’imposition majorée de 200.000 €, soumis à l’ISOC au taux ordinaire de 25 %, majorés d’accroissements d’impôts et éventuellement d’une cotisation spéciale sur commissions secrètes puisqu’elle aura octroyé à son dirigeant une rémunération sans établir les fiches ad hoc.

Soit 200.000 €, non déductibles. Le seul moyen d’y échapper est que le dirigeant accepte l’imposition.


L’enjeu du financement : anticiper pour éviter la double peine

Comme on le voit, il est suicidaire pour le dirigeant – et pour son expert-comptable en termes de responsabilité - de récupérer le bien sans se déclarer redevable d’une indemnité.

Si une indemnité est prévue, elle doit être réelle, documentée et financée.

Elle doit correspondre à la valeur des constructions à l’expiration du droit, qui doit être estimée sur base d’une ou plusieurs expertises pour éviter toute discussion sur ce point.

Lorsque le contrat de superficie prévoit une indemnisation, il faut la financer. Ce qui ne veut pas forcément dire la payer …

Deux pistes de réflexion : on peut constituer et accumuler des réserves taxées pour financer l’indemnité au terme. On peut aussi prévoir une compensation avec des réserves de liquidation. L’idée est que le montant net revenant au dirigeant se compense avec celui de l’indemnité comptabilisée (il ne paye donc rien) et que la société ne doive sortir, en termes de trésorerie, que le précompte de 15 % (VVPR-Bis) 30 % (précompte ordinaire), 6,5 % (réserves de liquidation distribuées au titre de dividendes) ou rien (réserves de liquidation distribuées à l’occasion de la liquidation.


Quelques recommandations simples

  1. Prévoyez dès l’origine la méthode de calcul et le financement de l’indemnité.
  2. Valorisez objectivement les constructions (expert agréé).
  3. Sollicitez éventuellement un ruling pour sécuriser l’opération.
  4. Planifiez le financement plusieurs années avant l’échéance.


Conclusion

Ce qui est civilement neutre peut être fiscalement coûteux. La récupération gratuite des constructions au terme d’un droit de superficie est, pour l’administration, un transfert de valeur imposable. Il est essentiel d’anticiper et de documenter toute indemnisation, afin d’éviter des impositions, accroissements et amendes qui peuvent s’avérer dramatiques pour les contribuables en termes financiers et problématiques pour les experts-comptables en termes de responsabilité.

Comme souvent en matière fiscale, la meilleure tactique est faite d’anticipation et de préparation...

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