Pour beaucoup, ce titre peut paraître très saugrenu. Il y a effectivement des personnes qui pensent que le fisc représente l’autorité, et qu’il dispose dès lors d’une supériorité de principe par rapport au simple contribuable. On retrouve des traces d’une telle conception, même dans des décisions de plusieurs hautes juridictions.
Dans la fameuse “super nota” de Bart De Wever, on trouve une phrase restée inaperçue jusqu’ici alors qu’elle n’exprime qu’une règle propre à tout État de droit. En son point 85, le projet du formateur indique en effet : “Nous rétablissons le principe d’égalité entre les contribuables et les autorités fiscales”. Voilà une phrase importante. S’il s’agit de “rétablir” cette égalité, cela veut dire qu’elle a existé dans le passé, mais qu’elle n’existe plus aujourd’hui.
C’est une phrase qu’il faudra expliquer au ministre sortant des Finances, Vincent Van Peteghem, dont le parti fait pourtant partie de la coalition “Arizona” en devenir. Ce ministre n’a en effet cessé, pendant tout son mandat, de faire voter de multiples dispositions pour accroître les pouvoirs de l’administration et réduire les droits des contribuables.
Si ce projet du formateur est suivi, il faudra alors détricoter quelques mesures du gouvernement précédent, ce qui ne sera sans doute pas facile puisque le parti de ce ministre, le CD&V fera partie de la coalition. Ce sera sans doute carrément impossible si, d’aventure, le ministre Van Peteghem devait conserver son poste.
Que faudrait-il décider pour que, réellement, les droits des contribuables et ceux de l’État soient placés à un niveau égal ? Il faudrait voter une véritable “Charte du contribuable” précisant des droits qui sont essentiels et qui sont pourtant très souvent méconnus. Il faut garantir au contribuable le droit d’être entendu, dès le stade de la taxation, de connaître la totalité du dossier de l’administration, d’adresser à la hiérarchie des plaintes lorsque certains fonctionnaires outrepassent leurs droits. Il faut aussi garantir que les délais prévus par la loi (par exemple pour répondre à des demandes d’information) soient respectés par les membres de l’administration, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas aujourd’hui.
Il faut permettre aux individus et aux sociétés de bénéficier d’une véritable sécurité juridique, ce qui suppose, en tout cas en dehors des situations de fraude, de supprimer des délais d’investigation et d’imposition actuellement beaucoup trop longs, parfois fixés jusqu’à 10 ans. Il faut garantir qu’en cas de sanction, le contribuable ne soit pas pénalisé à la fois sur le plan pénal et sur le plan administratif, c’est-à-dire proscrire les “doubles peines”.
Il faut donner au contribuable le droit de faire interroger des témoins, et celui de participer de manière contradictoire à des enquêtes. Il faut lui permettre d’introduire des actions comme en référé devant la justice lorsque ses droits ne sont pas respectés, tout comme l’administration peut aujourd’hui le faire, et réclamer des astreintes, dans le cas inverse.
Il faut que l’égalité des parties, qui n’existe aujourd’hui vraiment qu’au stade judiciaire, soit garantie pendant tout le processus administratif. Le droit à l’accès au juge doit être garanti à tout moment, ce qui implique de supprimer l’obligation d’introduire d’abord une réclamation lorsqu’on sait que celle-ci ne sera pas accueillie.
La petite phrase citée de la “super nota” peut devenir une révolution dans la procédure fiscale, ou rester une parole en l’air. Dans ce dernier cas, ce serait dommage parce que l’un des fondements de l’Etat de droit, c’est précisément l’égalité entre le pouvoir et l’individu.