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FATCA et RGPD devant la Cour de justice de l’Union européenne: un possible tournant pour la protection des données en Europe

La Cour des marchés belge a franchi une étape déterminante en décidant de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de treize questions préjudicielles portant sur la compatibilité du dispositif américain FATCA avec le RGPD, en particulier pour les « Américains accidentels » résidant en Belgique.

L’enjeu dépasse largement le cadre national : il interroge la validité d’un système massif et automatisé de transfert de données fiscales vers les États-Unis au regard des standards européens de protection des données.

Ce que la Cour demande réellement à la CJUE

Les questions posées portent sur plusieurs aspects structurants du droit européen des données :

1. La légalité du transfert automatique de données vers les États-Unis

La CJUE est invitée à apprécier si la transmission systématique de données fiscales imposée par FATCA respecte les principes européens de limitation des finalités, de proportionnalité et de minimisation des données.

Le recours à la clause de « grandfathering » du RGPD

La Cour demande si la Belgique – et, par analogie, d’autres États membres – peut invoquer la clause de maintien prévue pour les accords internationaux antérieurs au RGPD afin d’éviter un contrôle de conformité complet.

La transparence et l’information des contribuables

Il s’agit d’évaluer si les personnes concernées bénéficient d’un niveau suffisant d’information, comme l’exige le RGPD, concernant l’utilisation et la circulation de leurs données.

Les garanties encadrant les transferts vers des pays tiers

La Cour interroge également la CJUE sur la conformité des mécanismes actuels de transfert, indépendamment du nouveau cadre Europe–États-Unis sur la protection des données.

Ces interrogations pourraient redéfinir l’approche européenne de toutes les formes d’échanges automatiques d’informations fiscales.

Au-delà du cas FATCA : le rappel d’une asymétrie structurelle

Depuis des années, de nombreux praticiens soulignent que FATCA crée une asymétrie persistante :

l’Union européenne transmet de grandes quantités de données financières aux États-Unis, alors que la réciprocité est en pratique très limitée.

Cette saisine oblige à poser des questions longtemps éludées :

  • L’Union européenne doit-elle continuer à accepter des mécanismes internationaux dont la compatibilité avec son propre droit n’a jamais été pleinement évaluée ?
  • La coopération fiscale peut-elle justifier des transferts massifs et indifférenciés de données en l’absence de tout soupçon de fraude ?

Pourquoi cette décision est déterminante ?

Un arrêt de la CJUE pourrait :

  • Contraindre les États membres à revoir ou limiter la portée des transferts FATCA ;
  • Renforcer les garanties du RGPD dans le domaine fiscal, souvent perçu comme un espace de dérogation implicite ;
  • Clarifier les frontières entre coopération fiscale légitime et surveillance disproportionnée ;
  • Créer un précédent pour tous les mécanismes d’échanges de données financières à grande échelle (CRS, DAC, registres centralisés, etc.).

L’enjeu n’est donc pas de remettre en cause la transparence fiscale, mais de garantir que celle-ci respecte les standards juridiques européens, fondés sur la proportionnalité, la protection accrue des données et le contrôle démocratique.

Conclusion

L’affaire soumise à la CJUE ouvre un débat essentiel : celui de l’équilibre entre coopération internationale en matière fiscale et protection des données personnelles, dans un contexte où les flux d’informations sont devenus massifs et systématiques.

Il pourrait s’agir d’un moment charnière pour l’Union européenne, appelée à affirmer si, en matière de fiscalité comme ailleurs, la transparence doit toujours se concilier avec le droit fondamental à la protection des données.

  • Cour Appel 2025:8083 26 novembre 2025 2025:1R:887.pdf

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