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Avant-projet de loi-programme et propositions de loi du PS: Etat des lieux en matière d’impôt direct et de procédure

Le 11 avril 2025, le conseil des ministres approuvait un avant-projet de loi-programme, communément appelé « accord de Pâques » par la presse, dans lequel un premier package de mesures fiscales issues de l’accord de gouvernement déposé à la chambre le 4 février 2025 a été intégré.

Parallèlement à cet avant-projet de loi-programme, le député Van Quickenborne (OVld) a fait fuité au début du mois de mai sur sa page LinkedIn un avant-projet de loi relatif à la taxation des plus-values. Ce dernier semble toutefois patauger…

Depuis lors, il semblerait qu’une partie des mesures fiscales initialement intégrées à l’avant-projet de loi-programme ait été extrait de l’avant-projet pour être placée dans un nouvel avant-projet de loi portant des dispositions fiscales diverses. L’avant-projet de loi-programme ainsi amputé a quant à lui déjà fait l’objet d’un premier avis de la section législative du conseil d’Etat peu avant la mi-mai.


Cet article est écrit et diffusé dans le cadre du Tax TV Show du mois de mai, disponible sur oFFFcourse.


En toute hypothèse, à l’heure d’écrire ces lignes, aucun texte officiel n’a encore été déposé à la chambre, de sorte qu’aucune conclusion définitive ne peut être tirée à ce stade. Ceci d’autant plus qu’une fois déposés, les textes devront suivre leur parcours législatif « normal » au sein des différentes commissions de la chambre, et que des amendements pourraient encore venir modifier les textes qui seront votés.

Toujours est-il qu’à ce stade, et d’après les derniers textes en circulation, l’avant-projet de loi-programme ne contiendrait plus que les mesures phares suivantes :

  • « Carried Interest » ou « Intéressement aux plus-values » : ce nouveau régime fiscal à destination principalement des gestionnaires de fonds d’investissements et qui bénéficient d’un plan d’intéressement dans ce même fonds. Pour rappel, ces plus-values ainsi générées par les gestionnaires étaient tantôt qualifiées de revenus professionnels (taux marginal : 50%), tantôt de revenus divers (PV en dehors de la gestion normale du patrimoine privé : 33%), tantôt de revenus mobiliers (30%). Le régime prévoit une taxation au taux fixe de 25%, soit un taux inférieur à toutes les méthodes d’imposition rencontrées jusqu’à présent, de même qu’une disqualification expresse des revenus professionnels, afin de stimuler la gestion de fonds en Belgique. Le Conseil d’Etat n’a toutefois pas manqué d’épingler ce « cadeau fiscal » au regard du principe d’égalité en matière fiscale : disqualifier ces revenus de leur nature professionnelle a notamment impact sur le plan social, puisque cette rémunération ne serait ainsi pas soumise à cotisation sociale, ce qui n’est, selon le CE, pas à suffisance justifié dans l’avant-projet.
  • « Exit tax » : le transfert de siège d’une société vers l’étranger serait assimilé à une liquidation fictive de cette société, de sorte qu’en cas de présence d’un boni « fictif » de liquidation, l’actionnaire, personne physique ou société, sera donc imposable en cas de boni, quand bien même il ne percevrait aucun revenu puisque, précisément, il s’agit d’une liquidation « fictive ».
    Son entrée en vigueur est actuellement prévue pour le 1er juillet 2025.
    Le Conseil d’Etat fustige évidemment cette mesure au regard de la liberté d’établissement prévue par le droit européen, et analyse à ce titre la jurisprudence européenne en la matière. Il conclu à l’absence de justifications objectives à ce stade.
  • « Réserve de liquidation et VVPRbis » : aucun changement en vue depuis l’accord de Pâques. Le Conseil d’Etat n’a par ailleurs formulé aucune critique.
  • « Déduction RDT » : Avec une entrée en vigueur actuellement prévue à partir de l’exercice d’imposition 2026, l’avant-projet maintient la nouvelle condition d’immobilisation financière pour le seuil des 2,5 millions appliqué à des sociétés « autres que petites » (soit les grandes sociétés) (et donc lorsque le seuil de 10% n’est pas atteint).
    Le conseil d’Etat a émis certaines réserves quant à cette mesure au regard de la directive mère-fille, dans la mesure où cette nouvelle règle viendrait durcir le régime des RDT pour les grandes sociétés.
    Une disposition anti-abus est par ailleurs introduite : toute modification apportée à la date de clôture de l’exercice à partir du 3 février 2025 et qui n’est pas justifiée par des raisons autres l’évitement de l’impôt que présomption (réfragable) d’évasion fiscale, est réputée (de façon réfragable) sans effet.
  • « Suppression des majorations fiscales en cas de bonne foi » : l’article 444, al. 3 du CIR92 serait réécrit comme suit : « Il est renoncé à l’accroissement d’impôt pour la première infraction commise de bonne foi.
    La bonne foi est, jusqu’à preuve du contraire, présumée exister dans le chef du contribuable qui a commis une première infraction, sauf en cas d’application de l’article 351 [à savoir en cas de taxation d’office]. »
    Le CE souligne à juste titre qu’à ce stade, la bonne foi n’est toujours pas définie, ce qui pourrait mener à des interprétations diverses et variées de la part de l’administration, suivant les cas d’espèces.
    La mesure serait applicable à tout accroissement enrôlé à compter du 1er juillet 2025.
  • « DLUquinquies» : Pratiquement copier-coller du texte de la DLUquater, le texte organisant la DLUquinquies ne prévoit à ce stade pas d’entrée en vigueur spécifique. A l’instar de la DLUquater, des taux différenciés seraient applicables selon que les sommes à régulariser sont ou non prescrites sur le plan fiscal : 45% pour les capitaux prescrits ; taux normal + 30% pour les sommes non prescrites. Un régime « plus light » est toutefois prévu pour les opérations TVA qui ont déjà été régularisées sur le plan des revenus professionnels.
    On notera également la nécessité d’accord de coopération pour tout ce qui touche aux impôts régionaux, de sorte qu’à ce stade, les droits de succession notamment ne sont pas visés par cette procédure.
  • Plusieurs autres mesures modificatives de certains régimes ont également été maintenues dans l’avant-projet de loi-programme à ce stade, sans pouvoir être abordées dans le cadre de la présente contribution, notamment :
    • « Taux de TVA réduits en matière de rénovation/démolition/reconstruction » ;
    • « Taxe annuelle sur les comptes-titres » ;
    • « Accès au PCC pour certains fonctionnaires » ;


Enfin, et parallèlement à ces mesures en cours de finalisation d’écriture par le gouvernement, le PS a déposé le 15 mai dernier trois propositions de loi à la chambre :

  • Proposition de loi visant à taxer les plus-values réalisées sur les actifs financiers ;
  • Proposition de loi visant à introduire un impôt sur les grands patrimoines ;
  • Proposition de loi visant à augmenter la progressivité des taux relatifs à la taxe annuelle sur les comptes-titres ;

Dans la mesure où les thématiques abordées dans ces propositions font actuellement l’objet de textes en préparation au sein du cabinet du Ministre Jambon, de nouveau débats animés risquent fort d’être menés en commission.

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