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La directive ATAD est-elle juridiquement vulnérable ? Vers une remise en cause de son fondement législatif européen

L’ATAD est-elle juridiquement vulnérable ?

C’est un argument que nous avons déjà discuté avec plusieurs clients qui, il faut le reconnaître, pensaient que cela allait « trop loin ».

Avec l’avis de l’Avocate générale Kokott du 22 mai 2025, cet argument gagne désormais en poids juridique.

Dans une affaire relative au régime belge des sociétés étrangères contrôlées (CFC), elle n’hésite pas à poser la question centrale :

  • L’Union européenne avait-elle la compétence législative pour adopter l’ATAD ?


Les principaux points soulevés dans l’avis de l’Avocate générale

  • La directive ATAD limite les libertés fondamentales européennes au lieu de les promouvoir ;
  • Elle n’élimine pas des entraves nationales, mais impose une harmonisation à minima ;
  • L’harmonisation ne constitue pas une finalité en soi — et ne suffit pas à justifier une directive fondée sur l’article 115 du TFUE ;
  • Le principe d’attribution des compétences (article 5 du TUE) serait vidé de sa substance si toute harmonisation pouvait être justifiée par le seul fonctionnement du marché intérieur.

Seule une question préjudicielle ad hoc permettrait à la CJUE de trancher cette question.


Pourquoi ce débat est-il si important aujourd’hui ?

Les administrations fiscales font un usage de plus en plus fréquent des règles fondées sur l’ATAD, telles que :

  • les règles CFC,
  • la limitation des surcoûts d’emprunt (règle EBITDA),
  • et la disposition anti-abus générale.

Si le fondement même de la directive est incertain, cela soulève de véritables questions sur la validité de certaines pratiques de requalification ou d’imposition fondées sur cette directive.


Affaire à suivre : un premier contentieux en Belgique

Une affaire actuellement pendante devant le tribunal de première instance de Bruges pose précisément la question de la validité de l’article 4 de l’ATAD (règle EBITDA).

Ce serait la première fois que la CJUE pourrait être formellement saisie de la validité même de la directive ATAD.


Et maintenant ?

En attendant que la CJUE s’exprime sur cette question, il peut être judicieux d’invoquer l’argument de l’incompétence dans les procédures contentieuses en cours ou à venir.

Au-delà du débat doctrinal, l’enjeu est fondamental : peut-on durablement fonder une politique de lutte contre l’évasion fiscale sur un texte européen dont la légitimité juridique est incertaine ? La réponse pourrait bien venir… de Luxembourg.

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