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Accord politique sur la taxation des plus-values: un tournant fiscal majeur… avec quelques surprises

Enfin un accord politique sur la nouvelle taxation des plus-values sur actifs financiers

Le gouvernement fédéral est parvenu à un accord politique global sur la taxation des plus-values mobilières, après des mois de débats techniques et d’arbitrages politiques. Cet accord marque un tournant dans l’histoire fiscale belge, en venant combler l’un des rares “angles morts” de notre système : l’absence de taxation structurelle des plus-values réalisées par les personnes physiques.

Focus sur les participations substantielles, les fonds (article 19bis CIR), l’exit tax, les produits d’assurance, les deuxième et troisième piliers de pension, les cryptomonnaies…


1. Plus-values sur participations substantielles : durcissement confirmé

  • Le régime de faveur (exonération à concurrence de 1 million d’euros, et taux progressifs allant jusqu’à 10 % au-delà de 10 millions d’euros) est maintenu mais durci.
  • Pour déterminer si le seuil de participation de 20 % est atteint :
    • Seules les actions détenues personnellement par le cédant sont prises en compte ;
    • On se place à la date de la cession, et non plus sur une période de dix ans.
  • L’exonération de 1 million d’euros devient quinquennale (et non annuelle).
  • En dessous du seuil de 20 %, toute plus-value excédant 10.000 euros sera en principe taxée au taux unique de 10 %.


2. Exit tax : assouplissement du mécanisme

  • L’exit tax ne s’appliquera plus en cas de donation à un non-résident, mais uniquement en cas de transfert de la résidence fiscale vers l’étranger.
  • Le champ d’application sera restreint aux plus-values réalisées dans les deux années suivant le départ, sous réserve de formalités de reporting.


3. Pas d’abrogation de la taxe Reynders (article 19bis CIR)

  • C’est l’une des surprises majeures de l’accord.
  • Le projet d’imposition du “stock” de revenus 19bis au 31 décembre 2025 est abandonné.
  • Toutefois, la base imposable 19bis est réduite à la seule composante “intérêts”, à l’exclusion de la “plus-value sur créances”.
  • En cas d’absence d’informations sur la ventilation des revenus (notamment pour les fonds étrangers), la totalité de la plus-value pourra être considérée comme un intérêt, imposable à 30 % :

Le mécanisme de base imposable par défaut semble donc maintenu.


4. Exonérations confirmées et limites posées

  • Les deuxième et troisième piliers de pension sont explicitement exclus du champ d’application :
  • L’exonération des plus-values après 10 ans de détention est abandonnée.
  • Il sera toutefois possible de reporter 1.000 € par an sur cinq ans en cas de non-utilisation de l’exonération annuelle de 10.000 €, avec un plafond total de 15.000 €.


5. Produits d’assurance : la déception du secteur

  • La baisse annoncée à 0,7 % de la taxe annuelle sur les opérations d’assurance n’a finalement pas été retenue.
  • Par ailleurs, les produits d’assurance (branches 21 et 23) restent visés par la taxation de 10 % sur les plus-values, sans adaptation spécifique.

Le secteur de l’assurance ne devrait pas se réjouir de cet arbitrage.


6. Maintien de la taxation au titre de revenus divers (33 %) : autre surprise

  • La taxation des plus-values sur actifs financiers en tant que revenus divers à 33 % est maintenue, ce qui constitue une autre surprise de l’accord.
  • Cela signifie que les plus-values sur cryptomonnaies, par exemple, pourront toujours être taxées à 33 %, notamment lorsque la fréquence des opérations ou l’intention spéculative est avérée.


Conclusion : une réforme ambitieuse, mais complexe

L’accord politique pose les bases d’une réforme structurante, qui vise à mieux équilibrer la fiscalité entre revenus du travail et revenus du capital. Il comporte toutefois plusieurs exceptions, seuils et modalités techniques qui nécessiteront une lecture attentive du texte législatif final.

Le législateur devra veiller à ne pas sacrifier la lisibilité ni la sécurité juridique, au nom de la sophistication fiscale.

La mise en œuvre pratique de cette réforme — et sa capacité à rétablir une justice fiscale sans créer d’instabilité — reste donc à surveiller de très près.

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