Simplification fiscale pour certaines PME européennes : proposition de Directive « HOT »

Nouvelle proposition de Directive

Le 12 septembre 2023, la Commission européenne (la « CE ») a dévoilé une proposition de directive pour alléger les obligations fiscales de certaines micros, petites et moyennes entreprises (« PME ») européennes exerçant des activités transfrontalières (la « Proposition »). La Proposition fait partie du « Train de mesures de soutien aux PME » adopté le même jour par la CE et devant permettre de promouvoir les investissements des PME et leur développement au sein de l'UE. Pour ce faire, la Proposition introduit un cadre novateur, i.e. le système du « Head Office Taxation » (« HOT »).


Champ d'application de la Proposition

La Proposition s'applique spécifiquement aux PME (au sens de la Directive 2013/34/UE) qui (i) sont autonomes (i.e. n'appartiennent pas à un groupe), (ii) sont fiscalement établies dans un Etat membre de l'Union européenne (« UE ») sous une des formes juridiques reprises aux Annexe I et II de la Proposition, et (iii) exercent leurs activités exclusivement au travers d'un ou plusieurs établissements stables (« ES ») dans d'autres États membres (les filiales étant expressément exclues) (article 2 de la Proposition).


PME éligibles au système « HOT »

Les PME éligibles au système « HOT » sont celles qui répondent aux conditions suivantes sur les deux années précédentes (visant à lutter contre les risques de contournement des règles et d'abus fiscaux) :

  • le chiffre d'affaires cumulé de leurs ES ne dépasse pas le double du chiffre d'affaires généré par leur siège social ;
  • elles sont résidentes fiscales dans l'Etat membre de leur siège social ; et
  • elles constituent de PME au sens de la Directive 2013/34/UE (article 4 de la Proposition).

Lorsque ces PME optent pour le système « HOT » (il s'agit d'une option), celui-ci s'applique à tous leurs ES et est valable pour une durée de 5 ans, renouvelable (sans limite) pour une période équivalente (article 7 de la Proposition) dans la mesure où les PME (i) continuent de remplir les conditions d'éligibilité supra et (ii) n'ont pas entre-temps établi des filiales dans, ou à l'extérieur, de l'UE (article 9 de la Proposition).

La Proposition prévoit également deux conditions résolutoires entraînant la cessation du système « HOT » dès l'année fiscale suivant leur réalisation (et ce même avant la fin de la période de 5 ans supra) :

  • les PME transfèrent leur résidence fiscale en dehors de l'Etat membre de leur siège social ; ou
  • le chiffre d'affaires cumulé de leurs ES excède le triple du chiffre d'affaires de leur siège social durant les deux dernières années fiscales (article 8 de la Proposition).

Pour le surplus, la Proposition exclut du système « HOT » les activités de transport maritime international soumises à la taxe au tonnage (article 5 de la Proposition).


Le système « HOT » en pratique

Le système « HOT » met en place un guichet unique (i.e.« one-stop shop ») pour les PME éligibles ayant opté pour son application. Dans cette configuration, le siège social des PME concernées agit en tant qu'« entité déclarante » pour l'ensemble de leurs ES et soumet une déclaration fiscale unique à l'administration fiscale de l'État membre où il est établi.

Par la suite, cette administration fiscale calcule les revenus imposables pour le siège social d'une part et pour les ES d'autre part (sur la base exclusive des règles fiscales de son propre Etat membre – article 11 de la Proposition), avant de collecter le montant d'impôts dû par les ES (cette fois-ci en appliquant respectivement les taux d'imposition applicables dans les États membres des ES) et de transférer les recettes fiscales en résultant aux Etats membres des ES (article 12 de la Proposition). L'approche ainsi proposée par la CE doit permettre de neutraliser les complexités et coûts liés à la multiplicité des régimes fiscaux et des administrations fiscales.


Coopération et contrôles

Le système « HOT » implique une coopération efficace entre les États membres aussi bien sur l'échange d'informations que sur l'établissement des impôts (e.g. les Etats membres des ES doivent accepter ou, le cas échéant, rejeter l'avis d'imposition établi par l'Etat membre du siège social pour les ES). La Directive 2011/16/EU est amendée en ce sens (article 14 de la Proposition).

Par ailleurs, les Etats membres des ES peuvent requérir des contrôles conjoints avec les autorités fiscales du siège social (lesquelles sont tenues d'accepter – article 13 de la Proposition).


Entrée en vigueur

Si la Proposition est adoptée (ce qui nécessite notamment l'unanimité du Conseil), la Directive « HOT » devrait entrer en vigueur le 20ème jour suivant sa publication dans le Journal officiel de l'UE, étant entendu que la CE prévoit que les Etat membres la transposent dans leur droit national au plus tard le 31 décembre 2025 en vue de l'appliquer à partir du 1er janvier 2026.


Un système réaliste ?

L'application du système « HOT » est laissée à la libre volonté des PME éligibles. En ce sens, l'on peut d'ores et déjà imaginer des distorsions de concurrence lorsque des PME comparables se retrouvent sujettes à des régimes fiscaux différents en fonction du choix qu'elles font. C'est du reste ce que concède la CE dans son mémoire explicatif précédant la Proposition. Outre ce dernier aspect, d'autres questions demeurent. Par exemple, la Proposition ne semble pas aborder l'hypothèse dans laquelle les PME déplaceraient leur siège social (et leur résidence fiscale) dans un autre Etat membre précisément pour optimiser le calcul des revenus imposables (aussi bien de leur siège social que de leurs ES), pas plus qu'elle ne semble mesurer les implications que génèrera la mise en place concrète du système « HOT » au niveau organisationnel.

Mots clés