Rupture des négociations de cession d’actions : qui est responsable et comment obtenir réparation ?

Bien que les parties n'aient pas conclu d'engagement contractuel pour l'achat ou la vente des actions, la partie affectée par la rupture fautive des négociations peut néanmoins chercher à invoquer la responsabilité de l'autre partie. Le droit de ne pas contracter et donc de mettre fin aux pourparlers est reconnu mais, comme tout droit, il doit être exercé de manière équilibrée, juste et non fautive.[1]

Selon une jurisprudence bien établie, la responsabilité pour la rupture des négociations est examinée au travers du prisme des règles relatives à la responsabilité extracontractuelle, ce qui est logique puisque, aucun contrat n’ayant été conclu, la responsabilité contractuelle ne peut être invoquée.[2]

Le nouveau Code civil prévoit, en son article 5.17 al.1er et 2, que les parties à la négociation peuvent désormais engager leur responsabilité extracontractuelle en cas de rupture fautive des pourparlers. Selon les termes du Code civil, un négociateur est susceptible d'engager sa responsabilité s'il n’agit pas comme un négociateur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances ; il est tenu d'agir de manière honnête et loyale. Tout écart par rapport à cette norme de comportement constitue une faute, notamment lorsqu’il est mis fin de manière abrupte aux pourparlers.[3]

Lors de l’appréciation par le juge d’une potentielle rupture fautive des pourparlers, celui-ci tient compte de tous les éléments de fait tels que la durée des négociations, l’importance des frais engagés, le caractère raisonnable ou non des motifs de rupture invoqués,…[4]

La personne qui rompt fautivement les pourparlers est tenue de réparer le préjudice subi par l’autre partie à la négociation. A ce titre, l’article 5.17 al. 2 du nouveau Code civil dispose que :

« En cas de rupture fautive des négociations, cette responsabilité implique que la personne lésée soit remise dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée s'il n'y avait pas eu de négociations. Lorsque la confiance légitime que le contrat serait sans aucun doute conclu a été suscitée, cette responsabilité peut impliquer la réparation de la perte des avantages nets attendus du contrat non conclu. »

La question de l’évaluation du préjudice effectivement subi est une question sensible. L’indemnisation peut porter sur différents éléments relatifs aux pertes subies, notamment les frais consacrés à l’assistance d’un conseiller financier ou juridique ou à la perte de temps.

Une question plus délicate réside dans l’indemnisation des profits non réalisés. A ce titre, il ressort que l’indemnisation du dommage dit « négatif », relatif à la perte d’une chance de contracter avec une autre personne (tiers) si les négociations n’avaient pas été entamées, peut être accordée alors que la question de la réparation du dommage dit « positif », relatif à la perte d’une chance de conclure le contrat litigieux, est, quant à elle, plus controversée.[5]

Désormais, il semblerait que le nouveau Code civil ouvre la porte à la réparation du dommage « positif », comme l’indique l’article 5.17 cité ci-dessus.

L’équipe « droit des sociétés » du cabinet Centrius se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner si vous êtes confronté à une rupture abusive des négociations relatives à une cession d’actions.

Me David Blondeel & Me Justine Mabile


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[1] P. Crahay, M. Levaux, M. Gustin, A. Vermeire et A. Deroanne, Transmettre une société. Aspects juridiques, fiscaux et successoraux, Limal, Anthémis, 2023, p. 40

[2] Ibidem.

[3] Ibidem.

[4] Ibidem.

[5] P. Crahay, M. Levaux, M. Gustin, A. Vermeire et A. Deroanne, op. cit., p. 41

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