Restructurations et transformations européennes des sociétés : changement en route!

La mobilité des sociétés au sein de l’Union européenne a, de longue date, fait l’objet de plusieurs débats et interrogations. En effet, bien qu’elle soit souhaitable à maints égards (création de synergies ambitieuses, meilleure répartition des ressources d’un groupe/d’une société, captation d’un marché plus grand,…), la liberté d’établissement peut également entraîner son lot d’écueils.

C’est la raison pour laquelle la Cour de justice de l’Union européenne s’est penchée sur la question et a établi, par de célèbres arrêt successifs (Centros, Uberseering, Inspire Art, Polbud…) une série de principes afin d’harmoniser les règles en la matière au sein de l’Union.

Par la suite, la Commission et le Parlement européen ont tenté de mettre en œuvre les enseignements de la Cour, notamment par la directive (UE) 2019/2121 du 27 novembre 2019, dite « directive sur la mobilité », relative aux transformations, fusions et scissions transfrontalières, qui a récemment été transposée en droit belge par la loi du 25 mai 2023. Cette directive vise à promouvoir la liberté d’établissement au sein de l’Union Européenne en facilitant la participation des sociétés à des fusions, scissions et transformations transfrontalières, tout en renforçant les droits des intéressés, tels que les actionnaires, créanciers et travailleurs.

La loi du 25 mai 2023 loi intègre dans les livres 12 & 14 du CSA de nouvelles protections pour les parties prenantes dites « faibles » dans le cadre des opérations transfrontalières :

  • une communication davantage détaillée dans le projet d’opération ;
  • une notification aux actionnaires, aux créanciers et aux travailleurs afin qu’ils puissent formuler des observations au préalable ;
  • une extension des informations contenues dans le rapport de l’organe d’administration et des informations contenues dans le rapport d’expert ;
  • la mise en place de garanties supplémentaires pour protéger les créanciers[1] ;
  • une meilleure protection des travailleurs, qui seront également informés de la proposition, pourront faire part de leurs remarques et pourront également consulter le rapport de l’organe d’administration[2] ;
  • le droit de retrait/démission pour les actionnaires qui refusent de s’intégrer au projet de transformation/restructuration de la société, moyennant le remboursement et la destruction de leurs titres ;
  • une harmonisation du processus décisionnel en ce qui concerne l’assemblée générale en imposant un quorum de trois quarts des voix pour toute une série d’opérations.

Le rôle du notaire est également renforcé, notamment en ce qui concerne son contrôle préventif quant à la légalité interne et externe des actes et formalités préparatoires, qui est désormais complété par un test de fraude. Le notaire ne pourra délivrer de certificat préalable à la transaction transfrontalière si celle-ci a été établie à des fins abusives, frauduleuses ou criminelles, si les créanciers n’ont pas reçu satisfaction ou si des abus ont été constatés. Aussi légitime soit-elle, cette exigence risque d’allonger la procédure, dans la mesure où la transaction ne peut avoir lieu que suite à l’obtention dudit certificat.

La loi du 25 mai 2023 ne modifie, en soi, pas le délai d’attente de six semaines et le régime de protection existant des créanciers dans le cadre de fusions ou scissions nationales (cfr. les articles 12:24 et s. et 12:59 et s. CSA).

La loi introduit par ailleurs de nouvelles formes de restructurations nationales et transfrontalières, telles qu’une « fusion entre sociétés sœurs » ou une « scission par séparation ».

Si ces nouvelles règles – applicables à toute transformation, fusion ou scission dont le projet est déposé au greffe du tribunal de l’entreprise à partir du 16 juin 2023 – permettent de protéger les créanciers, les actionnaires minoritaires et les travailleurs, force est de constater qu’elles alourdissent la charge administrative des sociétés, dont les dirigeants seront bien avisés de faire appel à des avocats spécialisés en la matière.



[1]On peut épingler la « période d’attente obligatoire » de trois mois avant que l’assemblée générale ne puisse approuver la transaction transfrontalière. Au cours de cette période, les créanciers peuvent exprimer leur opposition et requérir des garanties adéquates auprès de la société participante et, en cas de non-accord, auprès du tribunal de l’entreprise compétent.

[2]Les droits d’information, de consultation et de participation des travailleurs ne sont que partiellement transposés par la loi du 25 mai 2023 ; ils sont, notamment, transposés en droit belge par la convention collective de travail n° 94/1.

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