Recentrer l’expert sur le conseil : une urgence pour l’avenir!

Avec une expérience de près de 15 ans dans le secteur bancaire et maintenant trois années dans l’expertise fiscale, je constate une problématique commune : la surcharge de compliance. Cette lourdeur administrative détourne les experts de leur mission première, celle de conseiller stratégique. Et si cette fonction disparaît, pourquoi les clients continueraient-ils à payer pour un service qu’ils ne reçoivent plus ?

Dans un monde où la digitalisation s’accélère, cette surcharge menace la perception de la valeur ajoutée des experts. Les solutions disruptives (apps, plateformes, ou encore l’intelligence artificielle) devraient, en théorie, alléger les tâches répétitives et permettre aux professionnels de se recentrer sur des missions à forte valeur ajoutée. Pourtant, leur mauvaise intégration dans l’écosystème engendre deux dérives alarmantes : Une expertise dévalorisée et un paradoxe administratif.

D’une part, les clients, séduits par des solutions low-cost, voient de plus en plus l’expert comme une dépense superflue. Ce phénomène, comparable à l’essor des banques en ligne ou des applications de trading, cache des risques majeurs : Ces alternatives, bien que séduisantes, surtout pour la génération grandissante des DIY (Do It Yourself) exposent les utilisateurs à des erreurs coûteuses, faute d’un accompagnement éclairé dans la prise de décisions rationnelles.

D’autre part, les technologies censées simplifier les processus augmentent parfois les obligations de compliance, qui retombent alors sur les experts. En conséquence, plutôt que de les libérer, elles l’enferment dans un paradoxe administratif où chaque avancée alourdit encore sa charge. Ceci a également un autre effet : ils ne sont plus au centre de la modernisation et se font dépasser, faute d’avoir la liberté d’explorer de nouveaux outils. L’exemple des banques et l’essor des néo-courtiers est par ailleurs frappant à ce sujet…

Pourtant, j’y vois ici une une opportunité à saisir ! Bien intégrée, la disruption pourrait être un formidable levier de modernisation (n’est-ce pas son but initial ?). Les PME et indépendants, qui, ne l’oublions pas, représentent 90 % du tissu économique belge, dépendent des experts pour naviguer dans un environnement fiscal complexe et en perpétuelle évolution. Sans ce soutien, le « métier » se résumera à une validation de checklists visant à éviter les contrôles ou à réduire l’impôt. Une telle approche affaiblirait tout le modèle économique.

Il est donc urgent de replacer l’expert au centre de la stratégie et cela pourrait passer par trois axes.

1. Réduire la lourdeur des formalités administratives

Les petites structures souffrent souvent d’exigences disproportionnées. Il est essentiel d’introduire des seuils de matérialité, adaptés à leur taille et leur complexité, afin de simplifier la gestion globale. Par exemple, les entreprises réalisant un chiffre d’affaires limité ou employant peu de salariés pourraient bénéficier de procédures allégées tout en respectant un cadre fiscal rigoureux.

En parallèle, les outils numériques pourront alors déployer tout leur potentiel pour automatiser les processus répétitifs, tels que la génération de déclarations fiscales standard ou la vérification d’usage. Ces solutions, bien conçues, libéreront les experts des tâches chronophages et réduiront les risques d’erreurs.

2. Développer des outils numériques collaboratifs

La conception d’outils intégrant directement les obligations réglementaires, en collaboration avec l’administration fiscale, est indispensable. Ces plateformes devraient éliminer les doublons et simplifier les processus, tout en respectant le rôle de chaque acteur.

Cette co-construction, menée dans une logique de partenariat et non de subordination, éviterait que les experts se retrouvent à satisfaire des exigences déconnectées du terrain. Les outils doivent donc alléger la charge de travail, au lieu de devenir un énième fardeau.

3. Valoriser le rôle stratégique de l’expert

Enfin, il est crucial de rappeler que l’expert ne se limite pas à la gestion administrative. Son rôle va bien au-delà : il est le partenaire clé des PME pour structurer, développer, et pérenniser leurs activités. Il est essentiel que cette notion reprenne de sa superbe.

En conclusion, si elle est bien intégrée, la disruption peut transformer le métier d’expert et améliorer sa relation tant avec l’administration fiscale qu’avec le client. Elle doit avoir pour objectif une simplification des formalités et une valorisation de l’apport humain afin d’améliorer l’efficacité du système fiscal tout entier.

Le défi est grand, mais l’opportunité l’est tout autant.

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