
Le régime des revenus définitivement taxés ("RDT") constitue en partie la transposition de la directive mère-fille dans notre droit interne. Toutefois, il couvre un champ d'application plus étendu que la directive puisqu'il prévoit une condition alternative de participation minimale de 2,5 millions EUR lorsque le seuil de détention de 10 % n'est pas atteint.
Pour toutes les sociétés qui ne sont pas des "petites sociétés" (au sens de l'article 1:24 du Code des sociétés et des associations – "CSA"), la loi-programme du 18 juillet 2025 (M.B., 29 juillet 2025) a renforcé la condition alternative de participation minimale du régime des RDT. A partir de l'exercice d'imposition 2026, lorsqu’une société détient une participation inférieure à 10 %, mais d’une valeur d’investissement d’au moins 2,5 millions d’euros, le bénéfice du régime des RDT est soumis à la condition que cette participation ait la nature d’"immobilisations financières" (art. 202, § 2, al. 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus de 1992 – "CIR").
Le 3 octobre 2025, l'administration fiscale a publié une circulaire commentant cette modification (circulaire 2025/C/63 – "la circulaire"). Dans cette contribution, je résume les éléments principaux de la circulaire, qui se concentre sur la notion d'"immobilisations financières".
Ni le CIR ni la loi-programme ne définissent la notion d'"immobilisations financières".
L’article 2, § 1er, 9°, du CIR renvoie au droit comptable, et plus précisément à l’article 3:89 de l'arrêté royal d'exécution du Code des sociétés et des Associations ("AR/CSA"), qui distingue :
Puisque les notions de "contrôle" et de "participation" impliquent une détention d'au moins 10%, seule la catégorie des "autres immobilisations financières" est pertinente pour la condition de participation alternative.
La circulaire (section 2.) ne dit pas autre chose que le droit comptable puisqu'elle précise que deux critères cumulatifs s’imposent pour que des actions constituent des "immobilisations financières":
La circulaire donne les exemples suivants pour illustrer le critère du lien spécifique :
L’appréciation de cette nature s’effectue à la date de l’attribution ou de la mise en paiement des dividendes ou, en ce qui concerne les plus-values réalisées, au moment de la cession d'actions ou parts. Elle repose sur une analyse factuelle de la finalité et de la durabilité de la détention, tenant compte des circonstances concrètes et, le cas échéant, des avis de la Commission des normes comptables.
Cette réforme du régime des RDT n'est pas seulement pertinente pour les dividendes reçus par une société belge. Elle a également des implications pour les plus-values réalisées sur actions et parts ainsi que sur le précompte mobilier.
L’exonération des plus-values réalisées sur actions et parts contenue reste subordonnée à la condition que ces dernières soient susceptibles de bénéficier du régime des RDT. Les plus-values réalisées sur des actions ou parts représentant de moins de 10 % du capital d'une société mais dont la valeur d'investissement est d’au moins 2,5 millions EUR ne seront exonérées que si ces actions ou parts constituent des "immobilisations financières" au moment de leur réalisation (circulaire, section IV.).
L'article 264/1 du CIR prévoit une exonération du précompte mobilier lorsque des investisseurs étrangers détiennent des actions ou parts d'une société belge représentant moins de 10% tout en ayant une valeur d'investissement d'au moins 2,5 millions EUR (régime dit "Tate & Lyle"). Compte tenu de son lien intrinsèque avec le régime RDT, cette exonération du précompte mobilier désormais limitée aux participations qui constituent des "immobilisations financières". Cette modification est applicable pour les dividendes payés ou attribués depuis le 29 juillet 2025.
Pour déterminer ce qu'il faut entendre par "immobilisations financières" pour ce régime, la circulaire admet une référence aux définitions de la directive comptable européenne 2013/34/UE et des normes IFRS 10, sans pour autant écarter la primauté du droit comptable belge. Cette tolérance pourrait créer une différence de traitement entre sociétés belges et étrangères (circulaire, section V.).
L’apport principal de la circulaire est de systématiser les critères du lien durable et spécifique, mais sa portée apparaît trop stricte, notamment pour deux motifs.
D'une part, la circulaire assimile la détention à court terme à un "objectif d’investissement", exclu du champ des immobilisations financières, sans préciser la durée en cause. Cette absence de seuil temporel clair est susceptible d'entrainer une différence conceptuelle avec la "condition de permanence" d’un an du régime des RDT (art. 202, § 2, 1°, du CIR). Pour assurer une cohérence dans l'application du régime des RDT, il serait indiqué d'aligner le critère de durabilité sur la condition de permanence.
D'autre part, la définition du lien spécifique semble cantonner la qualification d’"immobilisation financière" aux situations où une relation d’affaires stratégique existe entre les deux sociétés. Cette approche est également trop stricte. A mon estime, une société qui a une influence importante (sans avoir une relation d'affaires stratégique) sur l'activité de la société dont elle détient les actions pourrait tout de même avoir un lien spécifique avec cette dernière.
En définitive, la circulaire laisse subsister une importante insécurité juridique dans le chef du contribuable, l'exposant à de potentiellement longues discussions à l'occasion des futurs contrôles fiscaux en la matière.