Le dicton selon lequel le Belge a une brique dans le ventre ne sera-t-il bientôt plus qu'une fable à Bruxelles-Capitale ? Deux mesures, l'une fiscale et fédérale, l'autre économique et régionale, nous incitent à le penser. Elles dissuaderont les investisseurs privés d'entamer de nouveaux projets, avec pour conséquence de dégrader le parc de logements, sans le rendre plus écologique et durable.
Rappelons brièvement qu'un investisseur en immobilier privé paye, d'une part, le précompte immobilier et, d'autre part, un supplément à l'impôt des personnes physiques. Par exemple, pour un revenu cadastral non indexé de 1000 euros, le plein propriétaire ou l'usufruitier devra payer entre 950 et 1 600 euros d'impôts cette année, en fonction du total de ses revenus.
Jusqu'en 2024, les multipropriétaires pouvaient neutraliser cette seconde imposition par les intérêts qu'ils avaient payés sur les crédits finançant leurs immeubles. Ils pouvaient se constituer un patrimoine immobilier à moindre taxation. Bien ou mal, c'était une opportunité. Certains achetaient des biens au fil de leurs remboursements. Les investissements en rénovation, loyers, éventuelles remises aux nouveaux locataires tenaient compte de ce non-coût bancaire.
Cherchant à boucher quelques trous financiers de l'État fédéral qui en a bien besoin, la coalition soutenant le gouvernement Arizona souhaite supprimer cette déduction des intérêts bancaires. Cette mesure frappera non seulement les crédits à venir mais aussi, sauf amendement de dernière minute et dès 2025, les crédits en cours. Le Conseil d'État s'en est d'ailleurs ému ces derniers jours.
Chacun approuvera ou non l'opportunité de cette mesure dont nous tirons trois leçons.
La première est que l'État revient sur une mesure que les contribuables pensaient, à juste titre, garantie pour la durée de leur emprunt. Leur refuser la déduction rompt un accord, réduit encore plus la confiance.
La deuxième est que la non-déductibilité des intérêts sur crédits immobiliers augmentera le coût des investissements visés, en réduira la rentabilité, parfois même la faisabilité.
Enfin, cela rendra peut-être quelques lettres de noblesse à l'immobilier en société.
D'un autre côté, il n'aura échappé à aucun lecteur que les loyers sont désormais légalement encadrés à Bruxelles-Capitale, à telles fins que deux eurocrates, dont on peut imaginer que les revenus ne sont pas au plancher, se sont plaints à la Commission paritaire locative du montant de leur loyer. C'est le nouveau droit des locataires lorsque le loyer du logement dépasse de 20 % le loyer médian du quartier.
Or la très simpliste grille d'évaluation qui date de 2018 ne laisse pas de place à des critères pouvant influer le loyer à la hausse : le standing du logement, la qualité des matériaux, une pompe à chaleur, des châssis hyper isolants… Tout cela a un coût non négligeable, dont les propriétaires doivent tenir compte dans leur investissement pour qu'il ne soit pas à perte. C'est en adaptant le loyer au marché qu'ils le font.
Qu'y a-t-il de choquant à ce qu'un bien haut de gamme durablement performant se reflète dans un loyer plus élevé, même de plus que 20%, que la médiane ?
Qu'y a-t-il de choquant à ce qu'un bien haut de gamme durablement performant se reflète dans un loyer plus élevé, même de plus que 20 %, que la médiane ? Chacun pourra se rendre compte, sur la page Internet permettant le calcul, de la simplicité du raisonnement.
Prise à elle seule, cette limitation des loyers à la hausse, avec l'interdiction de répercuter le coût des investissements sur les loyers, écartera certains les investisseurs immobiliers de Bruxelles. Sans compter les risques et coûts de toute procédure judiciaire que la Région met dorénavant sur les épaules des investisseurs lorsque les locataires iront en Justice. Ceci pour autant que cette réglementation soit confirmée, puisque le secteur immobilier a décidé d'attaquer en justice.
Chacune de ces deux mesures prises séparément aura un effet négatif sur le niveau énergétique et fonctionnel des logements bruxellois les plus anciens. Quand un bail se termine après 18 ans ou qu'un propriétaire décide de l'améliorer, n'est-il pas normal qu'il récupère son investissement ?
Ensemble, ces mesures mettront la rentabilité immobilière sous pression, entre les mors de l'étau fiscal et réglementaire.
Puisqu'il est plus constructif de proposer un remède à la maladie que de s'arrêter à la critique de mesures anachroniques, voici trois pistes d'amélioration de la situation.
En premier lieu, il est indigne d'un État moderne démocratique qu'il change les règles du jeu en cours de partie. Si le choix de ne plus permettre l'imputation des intérêts bancaires sur les revenus immobiliers est assumé, l'honnêteté intellectuelle impose de ne le faire que sur les nouveaux dossiers, certainement pas pour l'année et les crédits en cours.
Le bien-être de la population et l'amélioration du parc immobilier vont de pair, ils passent par des pouvoirs publics positifs et non coercitifs, ayant conscience des contraintes économiques.
Ensuite du côté de la Région de Bruxelles-Capitale, qui aura peut-être un jour un gouvernement, celui-ci devra être moins dogmatique, plus précis et pratique, en revoyant son modèle idéologique de calcul des loyers : il faudrait au minimum y inclure des critères de confort, rénovations, année de construction… On voit peu la patte des propriétaires immobiliers dans le ceinturon en place.
Enfin, plutôt que prendre des décisions qui dégraderont la qualité du parc immobilier, pourquoi ne pas viser le développement de l'économie et du revenu moyen par personne à Bruxelles ? Le but devrait être que les habitants vivent dans des logements plus confortables même si plus onéreux. Le bien-être de la population et l'amélioration du parc immobilier vont de pair, ils passent par des pouvoirs publics positifs et non coercitifs, ayant conscience des contraintes économiques.