La réforme sur les plus-values place l’expert-comptable au cœur du jeu.Cadeau empoisonné ou opportunité d’affirmer notre utilité économique ? L’Ordre s’interroge dans son nouvel édito.
L’accord politique sur la taxation des plus-values mobilières signé ce 2 juillet 2025 marque un tournant fondamental dans le droit fiscal belge. Pour la première fois, les personnes physiques seront imposées sur les plus-values issues de la cession d’actifs financiers. Derrière l’annonce politique se cache une complexité redoutable, un besoin criant d’expertise… et une opportunité à saisir pour notre profession.
L’expert-comptable se voit ainsi confier une mission aussi délicate que décisive : aider les contribuables à documenter, valoriser, anticiper et sécuriser cette nouvelle imposition. À première vue, certains pourraient y voir un “cadeau empoisonné”, une tâche supplémentaire parmi tant d’autres, dans un paysage normatif toujours plus mouvant. Mais ce serait sous-estimer la profondeur de notre rôle dans l’économie contemporaine.
Car cette réforme, avec ses exonérations conditionnelles, ses valorisations de participations non cotées, ses régimes transitoires et ses implications successorales, ne peut s’appliquer sans une médiation intelligente entre la loi et les réalités du terrain. Qui d’autre que nous pour établir un cadastre patrimonial fiable, pour objectiver la valeur d’une entreprise familiale, pour accompagner un dirigeant dans la planification de sa transmission ou d’un apport en société ? Qui d’autre que nous pour alerter sur les risques d’une requalification en revenu divers, pour aider à faire le lien entre fiscalité, stratégie et gouvernance familiale ?
Nous ne sommes pas de simples calculateurs d’impôt. Nous sommes les architectes de la conformité fiscale et les ingénieurs de la sécurité patrimoniale. Et dans cette mission, la réforme des plus-values agit comme un révélateur : elle démontre à quel point notre métier est devenu stratégique.
Bien sûr, cette réforme n’est pas exempte de critiques : surcharge administrative, incertitudes juridiques, risques d’inégalité de traitement, manque de clarté sur les pertes reportables ou les interactions avec les régimes existants. Elle mettra à l’épreuve la capacité du législateur à créer un cadre stable, mais elle testera aussi notre capacité à traduire la loi en solutions concrètes.
Plus que jamais, notre rôle sera d’apporter de la clarté là où règnent la complexité, du conseil là où s’invite la confusion, de la confiance là où plane le doute.
C’est donc à nous de transformer ce qui pourrait être perçu comme une contrainte en preuve tangible de notre utilité sociétale. Car derrière chaque plus-value, il y a une histoire d’entreprise, d’investissement, de transmission ou de risque assumé. Et derrière chaque accompagnement fiscal de qualité, il y a un professionnel engagé au service de l’économie réelle.