Obligation d’accepter les paiements en espèces "en présentiel"

Après l’obligation de donner la possibilité de payer électroniquement "en présentiel" (v. notre actualité du 28.3.2022), autrement dit de ne pas imposer le paiement en liquide aux consommateurs, le Code de droit économique vient une nouvelle fois d’être modifié pour obliger, cette fois, à accepter les paiements en espèces (L. 9.2.2024, M.B. 21.3.2024): "Conformément à l'article 128, § 1er, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, conférant cours légal à l'euro, et aux articles 10 et 11 du règlement (CE) n° 974/98 du Conseil du 3 mai 1998 concernant l'introduction de l'euro, l'entreprise accepte les paiements en espèces du consommateur, lorsque le paiement en euro a lieu en présence physique et simultanée du consommateur et de l'entreprise." (Art. VI.7/5, § 1er, al. 1er).

A nouveau, comme s’agissant de la règle relative au paiement électronique, les pouvoirs locaux sont potentiellement concernés. Pour rappel en effet, l’article I.8, 39°, du Code de droit économique, définit l’entreprise, pour l’application du Livre VI, comme étant "toute personne physique ou personne morale poursuivant de manière durable un but économique, y compris les associations". Le SPF Economie en conclut ainsi : "Cette définition inclut dès lors les communes lorsqu’elles exercent une activité économique, comme la gestion d’une piscine, bibliothèque ou centre culturel par exemple. Dans ce cas, elles doivent donc bien appliquer […] les […] dispositions du livre VI du Code de droit économique."

Même si l’on peut continuer à s’interroger sur la confusion entre la poursuite d’un but économique et, le cas échéant, l’exercice d’une activité économique (sans la première), force est de constater que cette interprétation n’est pas neuve.

En effet, cette définition de l’entreprise, qui provient de la loi de 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur, était déjà commentée de la sorte dans l’exposé des motifs de cette loi (doc. parl., Ch., 52-2340/001, p. 37):

"Les organismes publics sont des entreprises en ce qui concerne leurs activités qui ne font pas partie de leur mission légale d’intérêt général. Lorsque l’activité concernée fait partie des tâches essentielles de l’autorité publique, à savoir l’exercice de compétences qui sont typiquement celles d’une autorité publique, l’organisme public n’agit pas dans ce cas en tant qu’entreprise. En revanche, s’il s’agit d’une activité économique qui ne doit pas être nécessairement assurée par l’autorité, l’organisme public agit comme une entreprise. Afin de déterminer si un organisme public agit en tant qu’ “entreprise”, il sera donc nécessaire d’examiner au cas par cas les activités qu’[il] accomplit."

Le consommateur est quant à lui défini comme "toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale" (art. I.1., 2°).

Les communes (pour de nombreux biens et services), les CPAS (dans une bien moindre mesure), mais également les intercommunales, les régies communales autonomes (qui ont une vocation industrielle ou commerciale) et les ASBL (qui sont expressément visées), qui avaient cessé de permettre les paiements en espèces, doivent donc à nouveau offrir cette faculté.

L’obligation d’accepter les paiements en espèces est entrée en vigueur le 31 mars 2024.

Précision néanmoins : "L'entreprise peut limiter la valeur nominale des billets qu'elle accepte si la valeur nominale du billet de banque proposé est disproportionnée par rapport au montant dû par le consommateur." (Art. VI.7/5, § 2, al. 2)

Une exception, enfin : "l'entreprise peut temporairement refuser les paiements en espèces pour des raisons de sécurité dûment justifiées. Elle en informe le consommateur de manière claire, compréhensible et bien visible à l'entrée de son établissement commercial et à la caisse." (Art. VI.7/5, § 2, al. 1er).

En conclusion, les usagers (personnes physiques hors cadre professionnel) qui doivent payer "en présentiel" des biens ou services (hors imperium) aux pouvoirs locaux doivent pouvoir choisir entre le paiement en liquide et le paiement électronique.

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