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Fiscalité environnementale et développement durable: la clé pour sauver notre modèle industriel

L’Europe est à la croisée des chemins. Entre une crise environnementale qui ne cesse de s’aggraver et une concurrence internationale déséquilibrée, elle doit repenser son modèle économique et industriel. D’un côté, l’empreinte écologique de notre mode de consommation est devenue insoutenable, confirmant les théories du "collapsing" avancées dès 1972 par le rapport Meadows et renouvelées décennie après décennie par le MIT. De l’autre, des choix politiques tantôt courageux tantôt dangereux comme la transition vers la voiture électrique ou une consommation quotidienne d’e-commerce, déconnectée des impératifs écologiques et économiques. La Belgique et l’Europe disposent d’outils puissants pour réguler ces dérives : une fiscalité environnementale intelligente. Explications.


Une humanité en dépassement écologique

Depuis plusieurs décennies, l’empreinte écologique de l’humanité ne cesse de croître. Le jour du dépassement mondial arrive chaque année plus tôt, signe que nous consommons bien plus que ce que la Terre peut régénérer. Ce constat alarmant, théorisé dès 1972 par le rapport Meadows, a été confirmé par de nombreuses études du MIT qui, tous les dix ans, réactualisent cette trajectoire funeste. Les climatologues nous alarment et le climat nous alerte, mais l’humanité accélère pourtant chaque un jour un peu plus… L’inaction ou les demi-mesures nous conduisent droit dans le mur. Pourtant, certains choix politiques, portés par l’Europe, montrent une volonté de transition, mais celle-ci est aujourd’hui mise à rude épreuve par une concurrence internationale qui ne joue pas selon les mêmes règles.


La voiture électrique, un exemple de compétition biaisée

L’Europe a pris la décision courageuse d’accélérer la transition vers la voiture électrique. Mais ce choix risque de se transformer en piège si nous ne l’encadrons pas correctement. La Chine, qui aurait cinq ans d’avance sur nous selon une étude de Caresoft, est en passe d’inonder notre marché avec des véhicules optimisés pour la production de masse, mais pas pour la durabilité. La réduction des coûts dans la conception et l’assemblage pousse les constructeurs chinois à privilégier des matériaux moins résistants et des méthodes qui rendent les réparations coûteuses, voire impossibles. Là où les constructeurs occidentaux optent pour l’aluminium dans les structures porteuses, les industriels chinois utilisent des alliages ou du plastique, moins chers mais moins robustes. Cette approche favorise une consommation effrénée et une obsolescence programmée, alors que nous devrions investir dans des modèles évolutifs, réparables et intégralement recyclables. Plutôt que de produire plus et moins cher, l’Europe doit imposer des standards exigeants en matière de durabilité et stimuler ses propres industries à adopter ces pratiques, assurant ainsi un avantage compétitif basé sur la qualité et la longévité.


Le non-sens de l’explosion du e-commerce en Belgique

L’exemple de Liège illustre un autre paradoxe de notre époque. En 2024, plus d’un milliard de colis ont transité par l’aéroport de Liège, soit trois millions par jour. Ce volume astronomique est en grande partie dû à l’essor des plateformes chinoises comme Shein, Temu ou Alibaba, qui inondent le marché européen de produits à bas prix, souvent de qualité médiocre, peu durables et difficilement recyclables. Ce modèle repose sur une illusion de pouvoir d’achat : offrir aux consommateurs européens des produits bon marché qui n’apportent qu’une satisfaction temporaire, au prix d’une empreinte écologique désastreuse. Les douanes belges, elles, peinent à réguler ce flot incessant de colis, entre sous-évaluation systématique des produits, contrefaçons et fraudes à la TVA. Ce commerce toxique favorise non seulement le dumping environnemental et social, mais met aussi en péril les commerces locaux et les industries européennes.


Une fiscalité environnementale pour inverser la tendance et reconstruire une industrie durable

Face à ces constats, la Belgique et l’Europe doivent agir. Et elles disposent d’un levier efficace : la fiscalité environnementale. Il est temps d’instaurer des mesures incitatives et dissuasives qui réorientent la consommation et la production vers un modèle plus durable et qui soutiennent activement la renaissance d’une industrie européenne fondée sur la qualité et l’innovation. Parmi les pistes envisageables :

  • Un nouveau taux de TVA différencié : appliquer une TVA réduite aux produits durables et recyclables, tout en taxant plus lourdement ceux qui ne répondent pas à ces critères.
  • Une taxe à l’entrée pour les produits non conformes : imposer des droits de douane environnementaux sur les biens importés qui ne respectent pas des normes strictes de durabilité et de recyclabilité.
  • Une taxation obligatoire des produits à faible valeur ajoutée : les objets vendus en dessous d’un certain prix unitaire (ex. 5€) devraient être soumis à une taxation spécifique pour compenser leur impact écologique et économique.
  • Des incitations fiscales pour les industries européennes : des crédits d’impôt et des subventions pour les entreprises qui développent des produits durables, réparables et évolutifs, favorisant ainsi une production locale et responsable.


Ces mesures permettraient de rééquilibrer la compétition internationale et de protéger l’industrie européenne tout en réduisant l’impact environnemental de notre consommation. Elles freineraient le modèle actuel de production de masse à bas coût, au profit d’un modèle plus responsable et économiquement viable à long terme. L’Europe pourrait ainsi imposer un leadership mondial en matière de production durable, tout en garantissant des emplois et une souveraineté industrielle renforcée.

L’Europe et la Belgique doivent cesser d’être des spectateurs passifs d’un commerce international débridé qui met en péril leur économie et leur environnement. Face à une concurrence chinoise agressive et à un modèle de consommation irresponsable, il est impératif de réagir. La fiscalité environnementale n’est pas une contrainte, mais une opportunité : celle de construire un avenir où la durabilité devient un standard, et non une option. En structurant un cadre fiscal qui favorise les industries locales engagées dans cette transition, nous pouvons non seulement limiter les effets délétères du modèle actuel, mais aussi encourager une production européenne résiliente, innovante et durable. Il est temps d’imposer des règles du jeu équitables et de favoriser un développement réellement durable. L’avenir de notre industrie et de notre planète en dépend.


Cette opinion a également été publiée en version plus courte dans L’Echo

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