Par un arrêt du 12 décembre 2024, la CJUE considère que l’article 51bis, § 4 du Code de la TVA n’impose pas une responsabilité solidaire « sans faute », qui serait contraire au principe de proportionnalité (CJUE, arrêt du 12 décembre 2024, Dranken Van Eetvelde, C-331/23).
Cet article est écrit et diffusé dans le cadre du Tax TV Show du mois de juin, disponible en live et en replay sur oFFFcourse.
Il s’agit d’un circuit de fausses factures pour la livraison de boissons (des fûts de bière) à des clients, principalement des restaurants et des cafés. Ces établissements vendaient ensuite ces boissons « au noir », ce qui signifiait que ces ventes n’étaient ni comptabilisées, ni soumises à la TVA ou à l’impôt sur le revenu dans le chef des clients de la société Van Eetvelde. Cela permettait aux établissements concernés de dissimuler leurs bénéfices et d’échapper à l’impôt.
Il faut savoir que Dranken Van Eetvelde NV a correctement déclaré la TVA sur les livraisons qu'elle avait effectuées à ses clients. Toutefois, le fisc a considéré que l'entreprise est tenue solidairement responsable pour la TVA impayée dans le chef de ses clients.
L’article 51bis, § 4 du Code de la TVA instaure-t-il une responsabilité sans faute (d’office) contraire au principe de proportionnalité sans mesurer l’implication du fournisseur ?
L’article 51bis, § 4 du Code de la TVA viole-t-il le principe de neutralité en tenant un assujetti redevable de la TVA due par ses clients, sans prendre en compte la possibilité de déduction de la TVA que ses clients auraient pu exercer ?
En opposition totale à ce que la société Dranken Van Eetvelde prétendait, la CJUE considère que l’article 51bis, § 4 du Code de la TVA n’impose pas une responsabilité solidaire « sans faute », qui serait contraire au principe de proportionnalité, dès lors que l’assujetti concerné ne devient solidairement responsable du paiement de la TVA due avec la personne qui est redevable de celle-ci que s’il savait ou devait savoir qu’il participait à une fraude à la TVA.
La CJUE y ajoute une obligation de reversement de la présomption de connaissance en ce sens qu’il ne soit pas pratiquement impossible ou excessivement difficile pour l’assujetti de renverser la présomption de solidarité par la preuve contraire.
Comment renverser cette présomption ?
Afin de renverser ladite présomption, l’assujetti concerné doit avoir la faculté d’établir qu’il a pris toute mesure pouvant être raisonnablement exigée de lui pour s’assurer que les opérations qu’il réalise ne font pas partie du système frauduleux de fausses factures.
Si l’assujetti n’est pas à même de renverser cette présomption, ce qui est le cas, en l’espèce, il est alors redevable de la totalité de la TVA qui aurait dû être payée par ses clients.
La CJUE précise, en effet, que l’article 205 de la directive TVA exige que l’assujetti solidairement responsable du paiement de la TVA puisse être tenu de payer seul la totalité du montant de celle-ci quel que soit le degré de participation de cet assujetti à la fraude fiscale.
Il s’agit de savoir si l’assujetti, qui est solidairement tenu d’acquitter la TVA à la place du redevable de cette taxe (Dranken Van Eetvelde) a le droit de soustraire de la TVA dont il doit s’acquitter, la TVA déductible qui aurait pu être déduite par ses clients.
Il est à observer que cette question est posée dans le cadre de l’application de l’article 51 bis, §4, du Code de la TVA, qui ne concerne que des cas de fraude à la TVA !
Dès lors, sans aucune surprise, le droit à déduction de la TVA est refusé à l’assujetti, solidairement redevable de la TVA (voir, en ce sens, CJUE, arrêt du 24 novembre 2022, Finanzamt M (Étendue du droit à déduction de la TVA), C‑596/21, points 24 et 35).
La CJUE distingue clairement les cas de factures fictives sans livraison effective, régis par l’article 203 de la Directive TVA, des cas où les livraisons sont réelles mais l’identité des acheteurs est dissimulée, relevant de l’article 205 de la Directive TVA et de son pendant belge, l’article 51bis § 4 CTVA. La solidarité du fournisseur est présumée pour la totalité de la TVA non payée par les acheteurs occultés.
L’arrêt impose aux fournisseurs une obligation de vigilance accrue dans leurs relations commerciales, notamment en matière de vérification de l’identité de leurs (nouveaux) clients, afin d’éviter d’être tenus solidairement responsables de la TVA non acquittée.
Pour un commentaire plus détaillé, voir Yves Bernaerts, Actualités TVA, 16 décembre 2024, taxwin.be (Larcier)