La croissance des dépenses de soins de santé est dopée par divers facteurs : l'augmentation de la population, le vieillissement, les progrès technologiques, l'arrivée de traitements coûteux auxquels souhaitent accéder les patient.es concerné.es, les demandes sociales pour alléger les factures à charge directe des ménages, les augmentations salariales (indexation et hausses hors index)...
La norme de croissance des soins de santé choisie par les majorités successives (norme hors indexation), quelle qu'elle soit, oblige à faire des choix ; mais il est évident qu'une marge plus "généreuse" rend les choix moins compliqués.
La norme Vivaldi était de 2,5% à partir de 2022 mais elle a été ramenée à 2,0% pour le budget 2024. Les partis francophones qui vont être présents à tous les étages défendent deux visions sur la norme qui devrait se trouver dans l'accord pour la future majorité fédérale :
Cette note vise à proposer quelques clés de lecture pour décoder ce débat. Au vu de la complexité de la dynamique des dépenses – qui nécessite des études plus fines mais hors de portée au vu de l'ambition de cette note – il s'agit, pour l'essentiel, d'une approche macro, même si, plus loin, on propose deux autres indicateurs pour éclairer les enjeux.
Rappelons quand même d'entrée de jeu qu'il n'y a pas de lien évident entre les dépenses de santé et – l'indicateur retenu ici – l'espérance de vie en bonne santé à la naissance (voir graphique en haut de la page suivante qui porte sur les pays de l'UE plus la Norvège et la Suisse). Il est évident que d'autres facteurs jouent. Si lien positif il y a, au mieux peut-on penser que – au-delà d'un certain seuil – les gains d'espérance de vie (en bonne santé) apportées par des dépenses supplémentaires sont minimes.
En tout état de cause, une évaluation rigoureuse de diverses dépenses de santé ou de traitements concurrents, comme le fait le KCE, est et reste indispensable. Des moyens supplémentaires pour l'évaluation des politiques de santé seraient ici les bienvenus.
Le tableau de la page suivante propose une estimation chiffrée – ce sont des ordres de grandeur – des deux visions.
NB : Si une partie des moyens nouveaux devait être affectée à l'allègement des dépenses à charge des ménages, cela réduirait d'autant les marges disponibles pour de nouvelles politiques.
Précisons encore que les propositions sur la table ne disent rien sur l'évolution du financement des hôpitaux, y compris la part assurée par le SPF Santé publique.
Voilà pour l'approche macro.
Les dépenses à charge de la collectivité dépendent aussi des mesures visant à alléger la part à charge du patient. A titre d'illustration, voici l'évolution entre 2010 et 2022 de la proportion d'assurés bénéficiaires du statut BIM (= bénéficiaires de l'intervention majorée) :
On observe une hausse généralisée à l'exception des 65 ans et +. Les facteurs qui pourraient faire évoluer le pourcentage de BIM sont à la fois réglementaires et endogènes. Difficile de savoir à ce stade si les règles d'accès seront changées et/ou si des glissements interviendront dans les populations qui sont dans les conditions (bénéficiaires du revenu d'intégration, de la GRAPA, petits revenus, etc.) pour obtenir ce statut. Notons à cet égard qu'une partie des allocataires sociaux qui (re)trouvent un job perdent ce statut ; la création d'emplois plus dynamique souhaitée par d'aucuns peut donc peser à la baisse sur l'évolution des bénéficiaires du statut BIM.
Il n'est pas impossible qu'une éventuelle réforme de l’État régionalise les soins infirmiers à domicile pour permettre une cohérence dans les choix budgétaires concernant en particulier les personnes avançant en âge. Il faut à cet égard constater que les régions ont fait – implicitement – des choix différents : la Wallonie proportionnellement "consomme" moins de soins infirmiers à domicile et institutionnalise plus que la Flandre. Indépendamment d'une éventuelle régionalisation il faut s'interroger aussi au niveau wallon pour faire évoluer ces choix. Voici, pour illustrer cet enjeu, les données concernant les 75-84 ans, hommes et femmes.
Sources : Atlas AIM, Bureau fédéral du Plan, EUROSTAT et INAMI NB : Toute remarque méthodologique est bien sûr la bienvenue.
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1 On notera que dans une intervention sur le site des Engagés, son président évoque 3%.
2 « Les déterminants des prestations de soins de santé (prévalence des maladies chroniques, vieillissement de la population, facteurs socioéconomiques, évolution de la pratique médicale et progrès technologique) conduisent à un taux de croissance annuel moyen de 3,2% en termes réels sur la période 2025-2029. » in Perspectives économiques 2024-2029 du Bureau fédéral du Plan, juin 2024, p.16
3 Il faudra voir ce que seront effectivement les dépenses en 2024.