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CSRD & CS3D: la directive « suspensive » approuvée par le Parlement européen

Ce qu’il faut retenir pour les experts-comptables et conseillers fiscaux

Le Parlement européen a approuvé, le 3 avril 2025, une proposition de directive européenne visant à reporter l’entrée en vigueur de certaines dispositions des textes relatifs à la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD) et à la vigilance raisonnable (CS3D, également appelée CSDDD). Bien que l’adoption formelle par le Conseil et la publication au Journal Officiel de l’Union européenne ne soient pas encore finalisées, cette avancée législative aura des répercussions sur de nombreuses entreprises européennes, dont les sociétés belges.


1. Rappel : CSRD et CS3D, de quoi parle-t-on ?

1.1. La CSRD : publication d’informations en matière de durabilité

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) impose, de manière progressive, à un nombre croissant d’entreprises de rédiger et de publier un rapport de durabilité conforme aux normes européennes (ESRS). L’objectif est de renforcer la transparence sur les performances environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises (ESG).

1.2. La CS3D : devoir de vigilance

La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D ou CSDDD) vise à obliger les entreprises relevant de son champ d’application à identifier, prévenir, mettre fin ou atténuer les impacts négatifs de leurs activités sur les droits humains et l’environnement. Elle touche à la chaîne de valeur et aux relations d’affaires, imposant un devoir de vigilance accru.


2. La directive « suspensive » : réduire la charge administrative

Le texte nouvellement approuvé par le Parlement européen le 3 avril 2025 propose de reporter les dates d’application de certaines obligations issues de la CSRD et de la CS3D. L’objectif affiché est de réduire la charge administrative et de donner davantage de temps aux entreprises pour se préparer.


3. Principaux changements apportés par la directive « suspensive »

3.1. Report concernant la CSRD

Deuxième vague : Les entreprises normalement visées dès l’exercice comptable 2025 (avec obligation de publier un rapport de durabilité en 2026) ne seront finalement concernées qu’à partir de l’exercice 2027, avec publication du rapport de durabilité en 2028.

Il s’agit notamment des grandes entreprises dépassant au moins deux des trois critères suivants :

  1. Total du bilan : 25 M€
  2. Chiffre d’affaires net : 50 M€
  3. Nombre moyen de salariés : 250

Troisième vague : Les entreprises normalement soumises au reporting à partir de l’exercice 2026 (publication en 2027) bénéficient d’un report à l’exercice 2028 (publication en 2029).

Sont notamment concernées :

  • Les PME cotées
  • Les petits établissements de crédit non complexes
  • Les entreprises d’assurance et de réassurance

3.2. Report concernant la CS3D

Transposition nationale : Les États membres auront jusqu’au 26 juillet 2027 pour transposer la CS3D dans leur droit interne, soit un an de plus que l’échéance initiale (26 juillet 2026).

Suppression de la première étape d’application : La phase qui ciblait les grandes entreprises de l’UE (plus de 5 000 salariés et un CA mondial de plus de 1,5 milliard €) est supprimée. Les étapes ultérieures d’application de la directive resteront toutefois à confirmer lors de l’adoption définitive du texte.


4. Quels impacts concrets pour les entreprises belges ?

4.1. Maintien des exigences nationales actuelles

Tant que la directive « suspensive » ne sera pas transposée en droit belge, les exigences nationales existantes en matière de reporting extra-financier et, le cas échéant, de vigilance raisonnable continuent de s’appliquer. Les entreprises doivent donc poursuivre leurs efforts de conformité selon le calendrier belge actuel.

4.2. Anticiper les modifications

Si les reports sont confirmés, les entreprises concernées disposeront d’un délai supplémentaire pour se préparer. Cela implique :

  • Une planification plus flexible pour la mise en place ou l’amélioration des processus de collecte de données ESG (Environmental, Social, Governance).
  • L’ajustement des budgets prévus pour l’adaptation aux obligations de reporting.
  • La formation et la sensibilisation des équipes internes sur les volets ESG et devoir de vigilance, afin de respecter les futures exigences.


5. Ce que doivent faire les experts-comptables et conseillers fiscaux

  1. Informer et conseiller : Prévenez vos clients des changements envisagés et restez en veille concernant le processus législatif. Même avec ce report, il est crucial d’initier ou de poursuivre la préparation.
  2. Auditer et planifier : Aidez les entreprises à identifier leur éligibilité (ou non) aux directives CSRD et CS3D, à évaluer les écarts de conformité et à concevoir une feuille de route réaliste pour la collecte et la publication d’informations extra-financières.
  3. Accompagner la transition : Les délais supplémentaires ne doivent pas freiner l’élan. Proposez un suivi régulier pour veiller à la bonne mise en place des futures obligations, notamment en termes de gouvernance, de due diligence et de reporting.
  4. Surveiller la transposition en Belgique : Dès la publication au Journal officiel de l’UE, le Conseil doit encore valider formellement le texte. Ensuite, la Belgique devra transposer la directive. Il conviendra alors de vérifier les dispositions belges finales et d’en informer vos clients.


6. Perspectives

  • Adoption formelle : Après le feu vert du Parlement européen, le Conseil de l’UE doit donner son approbation définitive. La directive « suspensive » entrera en vigueur le jour suivant sa publication au Journal officiel de l’UE.
  • Échéances révisées : Une fois publiée et transposée, la directive entérinera les reports de deux ans pour la CSRD et d’un an pour la CS3D.
  • Prochaines étapes : Les entreprises belges, en particulier les grandes sociétés et les PME cotées, doivent suivre l’évolution législative pour savoir exactement quand leurs nouvelles obligations prendront effet.


Conclusion

L’approbation par le Parlement européen de la directive « suspensive » concernant la CSRD et la CS3D marque un tournant dans le calendrier imposé aux entreprises pour le reporting de durabilité et la due diligence. Cependant, tant que la mesure n’est pas définitivement adoptée et transposée en droit belge, les entreprises doivent continuer à respecter les obligations nationales existantes.

En tant qu’expert-comptable ou conseiller fiscal, il vous revient de tenir vos clients informés de ces évolutions, de les aider à cartographier leurs obligations et de veiller à ce qu’ils préparent au mieux l’intégration des futures exigences extra-financières et de vigilance raisonnable. La prudence reste de mise, car si les reports octroient un certain répit, il n’en demeure pas moins stratégique de poursuivre les efforts de mise en conformité et d’anticipation.

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