Après des mois de négociations, le gouvernement De Wever est en place avec un programme ambitieux et structurant. À travers cinq grands axes, cette coalition Arizona entend réformer en profondeur la fiscalité, le marché du travail, la protection sociale et les institutions du pays. L’objectif affiché est clair : accroître la compétitivité, responsabiliser les citoyens et maîtriser les finances publiques, tout en s’inscrivant dans un cadre européen et international stratégique. Mais ces transformations ne sont pas sans soulever des interrogations, notamment sur leur impact social et leur faisabilité politique.
L’une des mesures phares de ce gouvernement est la mise en place d’une taxation des plus-values financières, un changement de cap notable dans le paysage fiscal belge. Désormais, les plus-values sur actions, obligations et cryptomonnaies seront taxées à hauteur de 10 %, avec une exonération sur les premiers 10.000 euros. Une mesure qui vise à aligner la Belgique sur ses voisins, tout en apportant des recettes supplémentaires.
Dans le même esprit, le gouvernement entend réduire la pression fiscale sur le travail, notamment par une augmentation de la quotité exemptée d’impôt, une réduction de la cotisation spéciale de sécurité sociale, et une revalorisation du bonus à l’emploi. L’objectif affiché est de garantir un écart de 500 euros entre une allocation et un salaire, afin de renforcer l’attrait du travail.
Mais cette approche soulève plusieurs questions : ce basculement fiscal sera-t-il réellement neutre pour les travailleurs ? Les baisses d’impôts seront-elles compensées par d’autres taxes, comme la hausse prévue des accises ou l’extension de la TVA à certains services ? Autant d’enjeux qui feront l’objet de débats dans les prochains mois.
> À lire dans l’accord : les détails sur la réforme fiscale et la taxation des plus-values.
Le marché du travail sera l’un des terrains de transformation majeure du gouvernement De Wever. La réforme du chômage prévoit une limitation à deux ans des allocations, avec une dégressivité plus marquée. Seuls les plus de 55 ans ayant une carrière de 30 ans (bientôt 35) échapperont à cette règle.
La volonté de flexibilisation du marché est également marquée par des assouplissements autour du travail dominical et de nuit, ainsi que par un renforcement des contrôles sur les malades de longue durée. Chaque employeur devra assurer un suivi plus rigoureux, et des sanctions sont prévues pour les médecins délivrant des certificats de complaisance.
Enfin, en matière de pensions, le gouvernement instaure un système de bonus-malus : partir plus tôt sera pénalisé (-2% à -5% selon l’année de départ), tandis que travailler au-delà de l’âge légal sera récompensé. Les régimes spéciaux des militaires et cheminots seront progressivement alignés sur le droit commun.
Ces changements devraient encourager l’activité, mais aussi créer des tensions sociales. Pour certains, il s’agit d’une modernisation nécessaire, tandis que d’autres dénoncent une précarisation accrue des travailleurs les plus fragiles.
> À lire dans l’accord : les réformes du chômage, des pensions et des conditions de travail.
Le gouvernement De Wever veut restructurer les institutions et renforcer la responsabilisation des bénéficiaires des aides sociales. Les CPAS pourront, par exemple, payer directement le loyer des bénéficiaires du revenu d’intégration afin d’éviter les abus. Des contrôles accrus et un système de bonus-malus seront instaurés : les CPAS les plus performants seront récompensés, tandis que ceux jugés laxistes risqueront des sanctions budgétaires.
Autre axe clé : la réforme institutionnelle. Bart De Wever est lui-même chargé d’élaborer une nouvelle répartition des compétences pour rendre la Belgique plus efficace. À terme, les régions pourraient obtenir davantage de prérogatives en matière de diplomatie, de commerce extérieur et d’infrastructures.
Ce vaste chantier pose néanmoins une question centrale : jusqu’où ira cette réforme de l’État ? Va-t-elle accélérer le processus de confédéralisation tant souhaité par la N-VA, ou se heurtera-t-elle aux blocages institutionnels belges ?
> À lire dans l’accord : la refonte des institutions et le contrôle des CPAS.
Le gouvernement souhaite une approche plus ferme en matière de migration. La Belgique va durcir les conditions d’accès à l’asile, autoriser les visites domiciliaires pour expulser les sans-papiers et limiter les arrivées en renforçant les contrôles. L’acquisition de la nationalité belge coûtera désormais 1.000 euros contre 150 euros aujourd’hui.
En parallèle, la Défense bénéficiera d’un investissement accru, avec une montée du budget militaire à 2% du PIB d’ici 2029, et jusqu’à 2,5% en 2034. Cette augmentation vise à répondre aux exigences de l’OTAN et à renforcer l’armée belge, qui devrait atteindre 29.100 militaires d’ici 2030.
Si ces mesures sécuritaires séduisent une partie de l’opinion publique, elles pourraient aussi accentuer les tensions avec certains partenaires européens, notamment en ce qui concerne la politique d’asile et les droits fondamentaux.
> À lire dans l’accord : la réforme de la migration et le renforcement de la Défense.
Le gouvernement De Wever amorce un virage majeur en matière d’énergie, en abrogeant la loi de sortie du nucléaire et en lançant un plan ambitieux pour construire de nouveaux réacteurs. L’objectif est de garantir une production nationale stable, alors que la demande énergétique va exploser d’ici 2050.
En parallèle, la politique climatique sera plus incitative que punitive. La TVA sur la démolition-reconstruction passe à 6%, tandis que l’installation de chaudières fossiles sera taxée à 21%. Toutefois, l’accent est mis sur la compétitivité industrielle : pas question d’alourdir la réglementation au détriment des entreprises belges.
Dans le même temps, un plan de réindustrialisation est lancé sous le label MAKE 2030, afin de renforcer l’autonomie économique de la Belgique. Il vise notamment à favoriser l’industrie circulaire, à réduire la dépendance aux chaînes d’approvisionnement mondiales et à encourager l’innovation technologique.
Ces choix s’inscrivent dans une vision à long terme, mais soulèvent des interrogations sur leur coût financier et leur impact environnemental réel.
> À lire dans l’accord : les mesures climatiques, énergétiques et industrielles.
Avec cet accord, le gouvernement De Wever met en place une politique résolument tournée vers la compétitivité et la responsabilisation. Mais les réformes structurelles annoncées risquent de provoquer de vifs débats. Entre une volonté d’assainir les finances publiques et un souci de préserver le modèle social belge, l’équilibre sera difficile à tenir.
La mise en œuvre de ces mesures sera scrutée de près, et leur impact réel sur l’emploi, la croissance et le pouvoir d’achat ne pourra être évalué qu’à l’épreuve du temps. L’enjeu est de taille : réformer sans casser.
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