Le traitement fiscal des plus-values est-il devenu inconstitutionnel?

Les plus-values qu’une personne physique réalise en dehors de l’exercice de son activité professionnelle ne sont normalement pas soumises à l’impôt. Par exception, les plus-values réalisées à titre privé deviennent taxables lorsqu’elles sont réalisées dans le cadre d’opérations qui excèdent la gestion normale du patrimoine privé. La question cruciale est naturellement celle de savoir dans quelle mesure un ou des actes excède(nt) la « gestion normale » du patrimoine d’un contribuable. Cette question est largement débattue en jurisprudence, où l'on peut déceler en filigrane l'idée de la gestion du « bon père de famille » ou de « la personne prudente et raisonnable », par opposition à l'idée de « spéculation ».

C’est dans tous les cas à l'administration fiscale qu’incombe l’obligation de rapporter la preuve du caractère anormal de l’opération si elle entend imposer une plus-value.

Lorsqu’une telle preuve est rapportée, la plus-value devient imposable au titre de revenus divers. Toutefois, en fonction du type d’opération, le montant imposable de la plus-value peut sensiblement varier. Le code des impôts sur les revenus réserve ainsi aux plus-values provenant de toutes opérations générales qui excèdent « la gestion normale du patrimoine privé » un sort bien meilleur qu’aux plus-values réalisées spécifiquement à l’occasion de la cession à titre onéreux d’actions ou de parts. Dans le premier cas, la taxation est appliquée sur le montant net, c’est-à-dire le montant brut diminué des frais que le contribuable justifie avoir faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver ces revenus. De plus, il est prévu que de ces revenus peuvent encore être déduites les pertes éprouvées au cours des cinq périodes imposables antérieures. Pour les plus-values sur cession d’actions ou de parts, le montant taxable correspond au montant égal à la différence entre le prix obtenu et le prix d’acquisition: il n’est prévu ici aucune déduction de frais ni aucune déduction des pertes.

C’est cette différence de traitement qui a fait récemment l’objet d’une question préjudicielle dont a été saisie la Cour Constitutionnelle. Rappelant que le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée, la Cour a jugé par une décision rendue le 21 septembre 2023 que les travaux préparatoires de la loi qui a instauré la disposition litigieuse, à savoir l’article 102 du codedes impôts sur les revenus, n’expliquent pas les motifs qui justifieraient que les contribuables qui réalisent des plus-values à l’occasion de la cession à titre onéreux d’actions ou de parts ne puissent pas bénéficier d’une déduction des frais. Pour la Cour, à défaut de justification raisonnable, la différence de traitement relevée viole donc les principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination inscrits aux articles 10 et 11 de la Constitution (Cour Constitutionnelle, arrêt n° 124/2023 du 21 septembre 2023,www.const-court.be/fr).

La balle est à présent dans la camp du législateur à qui il appartient à présent de mettre un terme à l’inconstitutionnalité contestée en supprimant cette différence de traitement.

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