Cession d'entreprise et clause de non-concurrence : que devient cette clause après une résolution judiciaire de la convention de cession?

Certaines conventions comportent des dispositions susceptibles de produire des effets à la fin du contrat. L’une d’entre elle est la clause de « non-concurrence » post-contractuelle, par laquelle le cocontractant s’interdit, durant l’exécution mais aussi après la cessation de la convention, d’exercer des activités concurrentes afin de permettre à son bénéficiaire de maintenir sa clientèle.

Dans une affaire portée récemment par les avocats du cabinet Centrius devant le tribunal de l’entreprise du Hainaut – Division Mons, un commettant refusait, à tort, d’acquitter des factures de son sous-traitant, qui était lié par une clause de non-concurrence post-contractuelle.

Dépourvu de revenus et empêché de retrouver une activité économique en raison de son engagement de non-concurrence, le sous-traitant n’eut d’autres choix que de solliciter la résolution judicaire du contrat aux torts exclusifs du commettant. Dans son esprit, la résolution du contrat entraînerait ipso jure la mise à néant de la clause de non-concurrence qu’il contenait.

Conformément à un courant doctrinal, le commettant considérait, au contraire, que, même en cas de résolution à ses torts, la clause était autonome et devait survivre à la résolution du contrat, dès lors que l’intention des parties était de préserver sa vigueur au-delà de la fin du contrat.

Le juge a tranché en faveur du sous-traitant, en considérant que l’on ne peut appliquer la clause de non-concurrence sans tenir compte des responsabilités liées à la résolution.

A l’appui de sa position, il cite une opinion doctrinale en ce sens :

« Nous aurions ainsi tendance à admettre que la clause puisse certainement être appliquée en cas de résolution par l’effet d’une condition résolutoire au sens propre du terme dans la mesure où les parties sont convenues de cette application dans cette hypothèse (arg. art. 1134, al. 1 C. civ.) ou en cas de résolution pour inexécution fautive à la charge de la partie dont la faute est à l’origine de la résolution. Elle participerait en effet dans cette dernière hypothèse au régime de sanctions des manquements contractuels.

En revanche, la clause ne saurait être maintenue en faveur de la partie qui aurait par sa faute conduit à la résolution du contrat. En effet, elle serait détachée dans ce cas du régime de sanctions contractuelles et n’aurait aucune cause, celle-ci étant effacée rétroactivement par la résolution. » (P.-A. FORIERS, et C. de LEVAL, « L’étendue de la dissolution quant aux clauses contractuelles » in Questions spéciales en droit des contrats, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 183.).

Par conséquent, le tribunal conclut qu’il apparait inadéquat de maintenir la clause de non-concurrence au bénéfice de la partie déclarée responsable de la résolution[1]. Toutefois, vu la controverse doctrinale qui perdure, il n’est pas certain que le raisonnement du tribunal de l’entreprise de Mons sera suivi par l’ensemble des juridictions.

A toutes fins utiles, le sous-traitant sollicitait également, à titre subsidiaire, une réduction de la portée de la clause, en ce qu’il estimait que son champ d’application spatio-temporel, particulièrement large, violait le principe fondamental de la liberté d’entreprendre.

Il ressort de ce qui précède qu’une clause de non-concurrence post-contractuelle peut être neutralisée en cas de résolution judiciaire du contrat aux torts de son bénéficiaire et qu’en fonction du libellé de la convention et du cas d’espèce, elle peut être réduite en vertu du principe de la liberté d’entreprendre.

Si vous rencontrez des difficultés face à de telles clauses, sollicitez l’avis d’un avocat qui pourra, le cas échéant, vous aider à vous libérer de vos engagements de non-concurrence.

Me David Blondeel & Me Fabien Smets



[1]En matière de contrat d’agence commerciale, l’article X.22, § 2 du Code de droit économique prévoit expressément que la clause de non-concurrence ne produit pas ses effets lorsqu’il est mis fin au contrat (i) par le commettant, sans invoquer un motif prévu à l’article X.17, al. 1er (motifs autorisant une résolution sans préavis ou avant l’expiration du terme, à savoir des circonstances exceptionnelles ou un manquement grave d’une partie rendant définitivement impossible la poursuite de la collaboration) ou (ii) par l’agent, en invoquant un tel motif.

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