Modernisation de la chaîne TVA : que doivent retenir les experts-comptables et conseillers fiscaux?

La modernisation de la chaîne TVA, officialisée par la circulaire du 24 janvier 2025, apporte des changements majeurs pour les assujettis et les experts-comptables et conseillers fiscaux. Cette réforme vise à simplifier la gestion des déclarations, améliorer le suivi des paiements et renforcer les sanctions en cas de non-respect des obligations.

Cependant, deux points méritent une attention particulière :

  1. Les modalités négociées entre l’administration et les représentants du secteur, qui ont permis d’adapter certains délais et tolérances.
  2. La suppression du report des échéances tombant un jour férié ou un week-end, une décision qui pourrait être contestée sur le plan juridique.
FiscalitéF.F.F.Circulaire 2025/C/6 concernant la modernisation de la chaîne TVA



1. Quels sont les principaux changements introduits par la modernisation de la chaîne TVA ?

La réforme modifie plusieurs aspects de la gestion de la TVA, notamment :

  1. Délais de déclaration et de paiement :
    • Les déclarants trimestriels bénéficient d’un report du délai de dépôt et de paiement au 25 du mois suivant la période concernée (contre le 20 auparavant).
    • Les déclarants mensuels conservent la date limite du 20.
  2. Suppression de la possibilité de dépôt tardif des déclarations périodiques :
    • Une déclaration TVA corrective ne pourra plus être introduite après la date légale limite.
    • En cas de non-dépôt, une déclaration de substitution sera générée automatiquement par l’administration.
  3. Introduction d’un délai pour répondre aux demandes de renseignements :
    • L’administration impose désormais un délai fixe pour répondre aux demandes de justification.
  4. Modification du système de paiement et de remboursement :
    • Le compte-provisions TVA remplace le compte courant TVA.
    • Nouveaux numéros de compte pour le paiement de la TVA.
    • Possibilité de payer la TVA par domiciliation bancaire.
    • Procédure simplifiée pour les remboursements TVA.
  5. Renforcement des amendes et sanctions en cas de non-respect des obligations :
    • Les pénalités seront adaptées en fonction de la gravité de l’infraction et des antécédents de l’assujetti.
      • La nouvelle amende pour dépôt tardif d’une déclaration périodique à la TVA s’élève à 100 euros par mois de retard, avec un maximum de 500 euros.
      • Lorsque l’assujetti ne dépose pas sa déclaration périodique à la TVA, les amendes tiendront compte des infractions similaires commises au cours de la période de quatre ans précédant le moment où l’infraction a été commise. Une infraction est considérée comme première infraction si aucune sanction n’a été infligée pour des infractions similaires antérieures. :
        • 500 euros pour la première infraction ;
        • 1.250 euros pour la deuxième infraction ;
        • 2.500 euros pour la troisième infraction ;
        • 5.000 pour chaque infraction suivante.
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2. Quelles sont les tolérances fiscales accordées par l’administration ?

L’administration fiscale a accepté certaines tolérances pour faciliter la transition vers ce nouveau système.

  1. Maintien des tolérances existantes pour les déclarants mensuels :
    • Si l’échéance du 20 tombe un week-end ou un jour férié, le dépôt de la déclaration pourra se faire le jour ouvrable suivant.
  2. Nouvelle tolérance pour le paiement tardif exceptionnel :
    • Un paiement tardif ne donnera pas lieu à une amende s’il est effectué avant le 10ᵉ jour du deuxième mois suivant la période concernée.
    • Attention : Cette tolérance ne s’applique qu’une seule fois par assujetti et ne doit pas être interprétée comme une possibilité de retard systématique.
  3. Prolongation des délais de mise en conformité jusqu’en octobre 2025 :
    • Pour permettre aux entreprises et aux experts-comptables de s’adapter aux nouvelles procédures, les sanctions seront appliquées avec souplesse jusqu’à cette date.

Sources : Circulaire 2025/C/6 TVA du 24 janvier 2025 et négociations ITAA – SPF Finances.


3. Pourquoi la suppression du report des échéances tombant un jour férié pose-t-elle problème ?

Jusqu’à présent, lorsqu’une échéance tombait un week-end ou un jour férié, la déclaration et le paiement de la TVA pouvaient être reportés au jour ouvrable suivant. Cette tolérance, bien qu’administrative, permettait aux entreprises et aux experts-comptables de gérer les délais plus efficacement.

Conséquences de la suppression de cette tolérance à partir de mai 2025 :

  • Obligation stricte de respecter les échéances fixées, même si elles tombent un jour non ouvrable.
  • Augmentation du risque de sanctions pour retard de paiement ou de déclaration.
  • Charge de travail accrue pour les experts-comptables et conseillers fiscaux, en particulier lors des périodes de clôture fiscale.

Exemple concret :

Une déclaration trimestrielle doit être déposée le 25 juillet 2025, qui tombe un samedi. Avec les anciennes règles, la déclaration aurait pu être déposée le lundi 27 juillet sans pénalité. Désormais, elle devra être déposée avant le 25 juillet, sous peine d’amende.


4. Cette suppression respecte-t-elle le principe d’égalité ?

Un arrêt récent de la Cour constitutionnelle relance le débat sur la suppression du report des délais de TVA. Le fiscologue relaie habilement que la Cour a jugé , dans un autre domaine fiscal, que ne pas accorder de délai supplémentaire aux contribuables dont l’échéance tombe un jour férié pourrait être contraire au principe d’égalité.

Arguments juridiques :

  • La suppression des prolongations désavantage certains contribuables uniquement en raison du calendrier.
  • L’absence de flexibilité peut être considérée comme une rupture d’égalité devant la loi.

Conséquences possibles :

  • Des recours en justice pourraient être déposés pour rétablir le report des délais.
  • L’administration fiscale pourrait être contrainte de revoir sa position si la jurisprudence l’impose.

Source :Arrêt de la Cour constitutionnelle sur le code du logement (arrêt n° 2/2025 du 9 janvier 2025)


5. Comment intégrer la nouvelle échéance du “25 du mois” et anticiper les risques accrus de sanctions TVA ?

Ne pas modifier les habitudes pour préserver l’efficacité du cabinet

Bien que la nouvelle échéance de dépôt des déclarations périodiques à la TVA soit désormais fixée au 25 du mois, nous recommandons vivement de ne pas modifier l’organisation du cabinet. En maintenant la collecte et la transmission des documents au plus tard le 10 du mois et en produisant la déclaration au plus tard le 20 du mois, vous préservez une gestion fluide, limitez les erreurs de dernière minute et conservez une marge de sécurité précieuse.

Un glissement de 5 jours peut sembler anodin, mais à l’échelle de quatre déclarations trimestrielles, cela représente un risque de perte de 20 jours de capacité de production pour le cabinet sur l’année. Cet effet cumulatif est colossal et peut devenir toxique pour l’organisation, entraînant une surcharge de travail et une pression accrue sur les équipes.

Une tolérance zéro qui devient le nouveau standard TVA

Par ailleurs, il est essentiel d’anticiper le nouveau cadre fiscal plus strict en matière de TVA. L’ancienne période de tolérance jusqu’au 10 du mois suivant disparaît et laisse place à l’illusion d’un avantage de 5 jours. En réalité, on passe d’un système relativement agile à une zone rigide où le risque d’amendes pour dépôt tardif devient beaucoup plus important.

Les sanctions TVA seront appliquées avec plus de sévérité, et les clients qui ne respectent pas les délais risquent fortement de se voir infliger des pénalités. Il est donc impératif pour le cabinet de mieux communiquer sur ce risque :

  • Rappeler aux clients qu’ils doivent transmettre leurs documents suffisamment tôt, idéalement de manière périodique, et en tout cas avant le 10 du mois.
  • Préciser clairement qu’en cas de transmission tardive, le cabinet ne sera plus tenu de garantir le respect des délais de production et que cela pourrait entraîner des sanctions financières.
  • Mettre à jour la lettre de mission afin d’intégrer ces nouveaux risques et de clarifier la responsabilité du cabinet en cas de retard du client.

L’objectif est donc de préserver la rigueur du cabinet, d’éviter des sanctions inutiles aux clients et d’adapter les pratiques comptables à cette nouvelle approche beaucoup plus stricte de l’administration fiscale.


Conseils et Recommandations

  1. Anticipez les nouvelles échéances TVA :
    • Informez vos clients des nouvelles dates limites et évitez les dépôts de dernière minute.
    • Mettez en place des alertes et des calendriers automatiques.
  2. Profitez des tolérances fiscales :
    • Le report exceptionnel de paiement peut éviter une amende, mais ne peut être utilisé qu’une seule fois.
    • Vérifiez les périodes transitoires pour adapter votre gestion comptable.
  3. Soyez attentif aux évolutions jurisprudentielles :
    • La Cour constitutionnelle pourrait imposer une correction à la suppression des reports d’échéances.
    • Surveillez les futures décisions légales qui pourraient réintroduire des assouplissements.
  4. Optimisez la gestion des paiements :
    • Utilisez la domiciliation bancaire pour éviter tout oubli ou retard.
    • Adaptez les procédures internes des entreprises à la nouvelle gestion du compte-provisions TVA.
  5. Dialogue avec l’administration fiscale :
    • Si certaines entreprises sont particulièrement impactées par ces changements, des ajustements peuvent être négociés par le secteur. Nous restons mobiliser sur ces questions et nous apprécions le travail de l'ITAA sur ce sujet.


Conclusion

La modernisation de la chaîne TVA introduit plusieurs changements significatifs, allant de la simplification des paiements à l’introduction de sanctions adaptées. Toutefois, la suppression du report des échéances pose un sérieux problème pratique et juridique, qui pourrait être contesté par la jurisprudence.

Les experts-comptables et conseillers fiscaux doivent adapter leurs pratiques dès maintenant pour éviter tout risque de sanction et sensibiliser leurs clients aux nouvelles règles. La vigilance reste de mise face aux potentielles évolutions légales qui pourraient à terme modifier certaines de ces mesures.

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