L'accord social 2021-2022 expliqué en détail.

Le 25 juin dernier, les partenaires sociaux interprofessionnels ont défini un cadre d’accords sur plusieurs thèmes interprofessionnels qui forment un tout indivisible. Les partenaires sociaux réunis au CNT le 15 juillet dernier ont concrétisé cet accord via la signature de plusieurs conventions collectives et d’avis. Depuis, le gouvernement a également approuvé un certain nombre de projets de loi et d’AR en vue de mettre en œuvre cet accord.


Les principales mesures de l’accord sont décrites ci-dessous :


1. HEURES SUPPLÉMENTAIRES VOLONTAIRES ADDITIONNELLES OU HEURES DE RELANCE

Tant pour 2021 que pour 2022, 120 heures supplémentaires volontaires additionnelles ont été octroyées à partir du 01.07.2021 pour les travailleurs de tous les secteurs. On les appelle « heures de relance ».


Concrètement, cela signifie que :

  • Pour 2021, les secteurs essentiels ou cruciaux (cf. annexe à l’AM du 1er novembre 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020) ne se voient pas octroyer de nouveau quota, mais peuvent utiliser le solde des 120 heures supplémentaires volontaires additionnelles déjà accordées par le gouvernement et connues sous le nom d’heures supplémentaires corona.
  • Pour 2021, les secteurs non essentiels se voient octroyer 120 « heures de relance ».
  • Pour 2022 (jusqu’au 31 décembre 2022), 120 « heures de relance » additionnelles seront octroyées aux travailleurs de tous les secteurs.
  • Les modalités d’application déjà applicables aux heures supplémentaires volontaires additionnelles octroyées aux secteurs essentiels durant la crise sanitaire restent d’application et sont étendues aux secteurs non essentiels. Concrètement, cela signifie :
  • pas de récupération, pas de sursalaire, pas de prise en considération dans le calcul du temps de travail hebdomadaire moyen et du plafond interne, pas de cotisations de sécurité sociale ni d’assujettissement à l’impôt des personnes physiques.

L’article 25bis, § 2 de la loi sur le travail est également applicable à ces heures de relance, ce qui implique que l’accord du travailleur pour prester ces heures de relance doit être consigné par écrit pour une période de six mois renouvelable et que cet accord doit être expressémentconclu avant la période concernée. Il doit donc être clair que le travailleur a marqué son accord sur ce régime spécifique d’heures de relance (c’est-à-dire sans sursalaire) et que cet accord a été donné préalablement à leur utilisation.

Les dispositions légales pour l’exécution de cette mesure ne pouvant être finalisées avant les vacances parlementaires, les organisations patronales ont conjointement demandé au gouvernement et aux ministres compétents, ainsi qu’aux différentes administrations, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les secteurs puissent faire usage de cette mesure dès à présent.

Pour l’application concrète de cette mesure, nous renvoyons à notre communication plus détaillée.



2. RÉGIME FISCAL AVANTAGEUX DE DISPENSE PARTIELLE DE PRÉCOMPTE PROFESSIONNEL POUR 180 HEURES SUPPLÉMENTAIRES « ORDINAIRES »

En application des articles 154bis en 275 CIB92, le nombre d’heures supplémentaires fiscalement avantageuses est porté de 130 à 180 pour tous les secteurs, avec entrée en vigueur et effet rétroactif au 1er juillet 2021 et jusqu’au 30 juin 2023.

Il s’agit des heures supplémentaires (par an et par travailleur) pour lesquelles un sursalaire est dû et pour lesquelles il existe un régime de dispense partielle du précompte professionnel pour l’employeur et de réduction du précompte professionnel pour le travailleur.

Toutefois, la base légale pour l’augmentation à 180 heures supplémentaires n’a pas pu être élaborée avant les vacances parlementaires. Cependant, les garanties nécessaires ont été prévues pour que la mesure puisse déjà être appliquée (pour plus de détails, voir la communication mentionnée au point 1).



3. RÉGIME DE CHÔMAGE AVEC COMPLÉMENT D’ENTREPRISE À 60 ANS JUSQU’AU 30 JUIN 2023

Les partenaires sociaux ont conclu au CNT les conventions collectives de travail nécessaires pour le renouvellement des régimes de chômage avec complément d’entreprise (RCC) jusqu’au 30 juin 2023 (1).


3.1 Régime général

Le régime général à 62 ans reste inchangé (ce régime est prévu par la CCT n° 17. Il requiert 40 ans de passé professionnel pour les hommes, 37 ans pour les femmes en 2021 et 38 ans en 2022 (2)).


3.2 Régimes spécifiques

L’âge d’accès est porté uniformément à 60 ans jusqu’au 30 juin 2023 pour tous les régimes spécifiques, à l’exception du régime de RCC pour les travailleurs licenciés moins valides ou ayant des problèmes physiques graves, pour lequel l’âge de 58 ans est maintenu.

On dénombre actuellement 5 régimes spécifiques de RCC :

  • Le RCC pour travailleurs âgés licenciés qui ont travaillé 20 ans dans un régime de travail de nuit, qui ont été occupés dans le cadre d’un métier lourd ou qui ont été occupés dans le secteur de la construction et sont en incapacité de travail (avec 33 ans de passé professionnel comme salarié). En plus de la CCT du CNT, une initiative sectorielle est requise en vue de l’octroi de ce RCC ;
  • Le RCC métiers lourds dit résiduaire (avec 35 ans de passé professionnel comme salarié). Seule une initiative des secteurs ou de l’entreprise est nécessaire en vue de l’octroi de cette forme de RCC. Aucune CCT du CNT n’est nécessaire ;
  • Le RCC des longues carrières (avec 40 ans de passé professionnel comme salarié). Seule la CCT du CNT est requise pour octroyer ce RCC ;
  • Le RCC pour certains travailleurs âgés licenciés dans une entreprise reconnue comme étant en difficulté ou reconnue comme étant en restructuration. Pour que l’entreprise reconnue comme étant en difficulté ou reconnue comme étant en restructuration puisse octroyer un régime de chômage avec complément d’entreprise, ce régime doit être prévu dans un accord collectif ou une CCT d’entreprise.
  • Le RCC pour certains travailleurs âgés licenciés qui ont une carrière professionnelle de 35 ans et qui ont le statut de travailleurs moins valides ou ayant des problèmes physiques graves. Aucune initiative des secteurs n’est requise pour octroyer ce RCC spécifique, la CCT du CNT suffit.

3.3 Disponibilité adaptée

Les partenaires sociaux ont également aligné les règles concernant la disponibilité pour tous les régimes spécifiques, à l’exception du régime pour les travailleurs licenciés moins valides ou ayant des problèmes physiques graves pour lequel la possibilité de demander une dispense de disponibilité est réglée dans l’AR de 2007 dès 58 ans.

En principe, les bénéficiaires d’un RCC sont soumis à une obligation de disponibilité adaptée sur le marché du travail jusqu’à l’âge de 65 ans. Cependant, ceux-ci peuvent, à leur demande, être dispensés de l’obligation d’être disponibles de manière adaptée pour le marché du travail (art. 22 de l’AR du 3 mai 2007).

Cette dispense de l’obligation de disponibilité adaptée sur le marché du travail est octroyée sur la base de l’âge (62 ans) ou du passé professionnel du bénéficiaire d’un RCC (42 ans).

Tous les travailleurs licenciés avant le 30 juin 2013 dans le cadre d’un RCC pourront introduire une demande de dispense de disponibilité à l’ONEm (donc y compris les travailleurs licenciés sous l’empire des CCT précédentes avec des préavis (très) longs et également les travailleurs qui ont été admis en RCC sur la base du chapitre VII (reconnaissance de l’entreprise comme étant en difficulté ou en restructuration).

Pour activer ce régime, il faut non seulement une CCT du CNT (il s’agit des CCT conclues le 15 juillet 2021), mais également une CCT sectorielle. Pour les travailleurs qui ont été admis en RCC sur la base du chapitre VII (reconnaissance de l’entreprise comme étant en difficulté ou en restructuration), l’accord collectif ou la CCT d’entreprise doit se référer explicitement à la CCT du CNT.

L’AR du 3 mai 2007 doit encore être mis en conformité pour assurer la mise en œuvre complète de l’accord concernant la disponibilité. En effet, le libellé de l’AR n’est actuellement plus totalement adapté aux nouvelles conditions d’âge.



4. RÉGIME DE FIN DE CARRIÈRE : CRÉDIT-TEMPS DE FIN DE CARRIÈRE AVEC ALLOCATION À 55 ANS POUR CERTAINS TRAVAILLEURS

4.1 Accès

Compte tenu de la crise actuelle, les partenaires sociaux ont souhaité maintenir la possibilité pour certains travailleurs âgés d’accéder aux régimes spécifiques de crédit-temps de fin de carrière à 55 ans.

En exécution du cadre d’accords du 25 juin 2021, deux conventions collectives ont été conclues pour couvrir la période 2021-2022 et la période allant du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023 (3). Comme pour les RCC, les partenaires sociaux ont choisi de couvrir le premier semestre 2023 pour éviter de placer les travailleurs dans une situation inconfortable dans l’attente d’une décision des partenaires sociaux interprofessionnels.

La limite d’âge est fixée à 55 ans non seulement pour les travailleurs qui réduisent leurs prestations de travail d’un cinquième, mais également pour les travailleurs qui réduisent leurs prestations de travail à mi-temps.


4.2 Groupe cible

Le groupe cible est inchangé : pour pouvoir bénéficier de ce régime, les travailleurs doivent pouvoir fournir la preuve qu’ils sont occupés dans une entreprise en restructuration ou en difficultés, qu’ils ont une carrière professionnelle de 35 ans ou qu’ils ont été occupés dans un métier lourd.

Pour les autres travailleurs, l’âge d’accès au crédit-temps de fin de carrière avec allocation reste fixé à 60 ans. Une condition de passé professionnel de 25 ans comme travailleur salarié est également requise.


4.3 Adhésion par les secteurs

Il est à noter que pour activer effectivement le droit au crédit-temps de fin de carrière à 55 ans ou plus avec allocations, les secteurs doivent encore adhérer aux CCT du CNT par une convention collective de travail sectorielle en mentionnant explicitement que les instruments sectoriels sont conclus en application de ces conventions collectives de travail. Pour pouvoir appliquer la limite d’âge de 55 ans, l’entreprise doit conclure une convention collective de travail à l’occasion de la restructuration ou des difficultés, dans laquelle il est explicitement indiqué qu’il est fait application de la CCT du CNT.

Si toutes les conditions sont remplies (conclusion d’une CCT sectorielle ou d’entreprise conclue avec effet rétroactif au 1er janvier 2021 en plus des CCT du CNT), les travailleurs qui ont pris un crédit-temps de fin de carrière à partir du 1er janvier 2021 pourront demander une régularisation de leur dossier à l’ONEm afin d’obtenir les allocations.



5. REPORT DE LA DATE BUTOIR POUR L’HARMONISATION ENTRE OUVRIERS ET EMPLOYÉS DANS LE 2e PILIER DE PENSION

5.1 Report de la date butoir

Après plusieurs mois de discussions, les partenaires sociaux se sont mis d’accord pour prolonger de 5 années la période pour réaliser l’harmonisation ouvriers-employés dans les pensions complémentaires. Concrètement, l’harmonisation devra être réalisée pour le
1er janvier 2030 au lieu du 1er janvier 2025 et les secteurs devront déposer les conventions collectives de travail requises au plus tard le 1er janvier 2027 (au lieu du 1er janvier 2023). Pour rappel, les entreprises disposent d’un délai supplémentaire de 3 ans pour tenir compte des avancées réalisées au niveau des commissions paritaires.

L’accord des partenaires sociaux sur le report de la date butoir sera traduit dans une loi modifiant la loi sur les pensions complémentaires du 28 avril 2003.


5.2 Stand-still en matière fiscale et parafiscale

Pour rétablir la confiance des travailleurs et des employeurs et mettre fin aux incertitudes qui planaient depuis quelques temps sur la (para)fiscalité du 2e pilier, les partenaires sociaux ont demandé ensemble au gouvernement de respecter une période de stand-still durant laquelle il s’engage à ne pas modifier les règles fiscales et parafiscales actuelles. Cette demande a été acceptée par le gouvernement.


5.3 Engagements concrets

Enfin, pour s’assurer que la suppression des différences de traitement soit une réalité d’ici au 1er janvier 2030, des engagements concrets sont pris afin d’obliger les interlocuteurs sociaux à inviter la question de l’harmonisation des plans de pension ouvriers et employés sur la table des prochaines négociations.

Si, pour la période actuelle, on se contente encore de recommander aux partenaires sociaux d’agir (un courrier dans ce sens est adressé par le CNT aux présidents des commissions paritaires), lors des prochains rounds d’AIP (2023-24, 2025-26 et 2027-28), les discussions devront aboutir à un résultat puisqu’une partie de la marge salariale disponible (0,1 ppt) devra obligatoirement être consacrée à l’harmonisation des régimes de pensions complémentaires, là où cela est nécessaire.

Cette obligation s’impose tant pour les plans de pension ordinaires que pour les plans de pension sociaux. Une CCT du CNT a été conclue en ce sens. Concrètement, cela signifie que si la marge disponible est de 1 %, au moins 0,1 % devra être affecté à la suppression des différences en matière de pensions complémentaires et que seul 0,9 % pourra être consacré à d’autres choses.



6. AUGMENTATION PROGRESSIVE DU SALAIRE MINIMUM

Les partenaires sociaux ont prévu d’augmenter le revenu minimum mensuel moyen garanti interprofessionnel (RMMMG). Le RMMMG n’est pas identique à un salaire minimum mensuel, car il englobe diverses sommes versées en cours d’année, comme la prime de fin d’année par exemple.

L’augmentation sera réalisée en 3 étapes.


6.1 Première étape : augmentation de 76,28 EUR brut au 1er avril 2022

Lors de la première étape, les partenaires sociaux se sont mis d’accord pour augmenter le RMMMG de 76,28 EUR brut au 1er avril 2022. Cette augmentation s’appliquera, le cas échéant, sur le montant du RMMMG indexé.

Les différents montants du RMMMG se rapportant à différentes conditions d’âge et d’ancienneté dans la CCT n°43 sont fusionnés de sorte qu’il ne restera plus qu’un seul montant. Au 1er avril 2022, le RMMMG devrait s’élever à près de 1.734 EUR après l’indexation probable de 2 % qui devrait intervenir d’ici là.

En parallèle, les pourcentages mentionnés dans la convention collective de travail n°50 (RMMMG applicable aux travailleurs de moins de 18 ans et aux étudiants à défaut de disposition sectorielle) ont également été réduits afin de neutraliser l’augmentation de 76,28 EUR.

L’augmentation sera accompagnée d’une nouvelle réduction de cotisations patronales sur les très bas salaires afin de compenser l’augmentation du coût salarial (4). La compensation ne sera donc pas nécessairement totale pour tous les employeurs impactés par la hausse du RMMMG, mais elle le sera dans la plupart des cas. Il est à noter que la nouvelle borne très bas salaire sera automatiquement indexée pour assurer la pérennité du système.

L’augmentation du RMMMG aura un impact favorable sur le bonus à l’emploi social ainsi que sur le bonus à l’emploi fiscal (il s’agit de réductions du montant des retenues de sécurité sociale et de précompte professionnel pour les travailleurs avec des bas salaires).


6.2 Étapes suivantes : augmentation de 35 EUR le 1er avril 2024 et le 1er avril 2026

Les étapes deux et trois du cadre d’accords devront s’inscrire dans le cadre d’une réforme fiscale des bas salaires, conformément à l’accord de gouvernement du 30 septembre 2020. Il s’agit de 2 augmentations de 35 EUR brut prévues le 1er avril 2024 et le 1er avril 2026.

Sur ces deux augmentations de 35 EUR brut du RMMMG, l’employeur supportera uniquement l’augmentation du coût salarial brut résultant de la norme salariale convenue dans les AIP respectifs. Si cela ne suffit pas à accorder les 35 EUR, la partie dépassant la norme salariale sera compensée pour l’employeur. L’objectif étant de compenser au maximum le surcoût pour l’employeur de l’augmentation du revenu minimum mensuel moyen garanti, la compensation doit s’approcher au maximum du coût macro-économique pour les employeurs.

Par ailleurs, via la réforme fiscale, le résultat net total de l’augmentation pour le travailleur sera porté à 50 EUR par mois et par étape.



7. PROLONGATIONS CLASSIQUES

Enfin, les partenaires sociaux ont demandé au gouvernement de prendre les mesures législatives et/ou réglementaires nécessaires afin de prolonger les mesures énumérées
ci-dessous pour la période 2021-2022 :

  • la cotisation patronale de 0,10 % pour les efforts en faveur des personnes appartenant à des groupes à risque (plus report exceptionnel de la date de dépôt des CCT) ;
  • le système de la prime d’innovation ;
  • l’exemption de l’obligation premier emploi si le secteur prévoit une cotisation patronale de 0,15 % pour les groupes à risque ;
  • le financement et la pérennisation de l’intervention de l’État dans le cadre du système 80/20 (intervention de l’employeur dans les coûts des transports publics pour les déplacements domicile-travail via une convention de tiers payant), avec une enveloppe ouverte;
  • le maintien du montant total (1.800 EUR) de l’amende pour absence d’aide à l’outplacement.



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(1) La date de juin 2023 a été retenue pour tenir compte du timing des négociations interprofessionnelles et éviter de se retrouver dans le futur avec de longues périodes d’incertitudes entre la date d’expiration des CCT et la conclusion le cas échéant des nouvelles.
(2) Le passé professionnel requis pour les femmes est progressivement relevé pour atteindre 40 ans en 2024.
(3) Deux CCT étaient nécessaires, car l’arrêté royal du 12 décembre 2001 pris en exécution du chapitre IV de la loi du 10 août 2001 relative à la conciliation entre l’emploi et la qualité de vie concernant le système du crédit-temps, la diminution de carrière et la réduction des prestations à mi-temps ne permet la conclusion de CCT que pour une durée maximale de 2 ans.
(4) Introduction d’une borne très bas salaire qui sera indexée et dont le surcoût pour la sécurité sociale sera lui-même compensé via le financement alternatif.


SANDRA COENEGRACHTS, CENTRE DE COMPÉTENCE EMPLOI & SÉCURITÉ SOCIALE

MARIE-NOËLLE VANDERHOVEN, CENTRE DE COMPÉTENCE EMPLOI & SÉCURITÉ SOCIALE

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